Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Sam 10 Fév - 18:55- Pandora A. O'Sullivannon tatouée
- Messages : 1062
Date d'inscription : 10/02/2018
Crédits : Skweecky
Métier : Violoncelliste / faussaire
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
J'ai toujours aimé les musées, les galeries d'art, les lieux de culture en général. On y voit la curiosité des badauds, l'impatience des enfants, l'œil critique des érudits... mais on croise rarement un type qui est entré là par hasard. Un musée, c'est un espace d'admiration face à l'art mais surtout, c'est un endroit remplit d'objets à la valeur inestimable. Un musée, c'est la poule aux œufs d'or dont j'ai besoin aujourd'hui. Et on peut dire que ça tombe bien ! Aujourd'hui s'ouvre une merveilleuse exposition au musée des beaux-arts de Newcastle : les grands luthiers qui ont marqué l'Histoire de la musique, rien que ça ! Des génies à l'oreille et à l'esprit affûtés, capable de faire d'un grossier morceau de bois un merveilleux instrument. Si je n'étais pas là pour... disons des obligations professionnelles, je prendrais plaisir à me perdre entre les tableaux et les instruments. Il y a ces peintures représentant des scènes de concerts, de récitals, et puis il y a des pièces de maître, prêtées pour la plupart par de riches mécènes. Un archet vieux de 400 ans, un violon ayant appartenu à Paganini, de véritables cordes en boyaux de je ne sais quel animal... Il y a vraiment de quoi être enthousiaste.
Perchée sur des escarpins à talons haut, je tente de me frayer un chemin au milieu de la foule, ignorant les reproches de ceux qui se prennent un coup de la grosse boîte renforcée que j'ai sur le dos. Quoi de mieux comme couverture qu'un violoncelle qui aurait sa place ici ? Une fois à l'intérieur, je pousse un soupir de soulagement et remet en place la veste de mon tailleur. Je déteste les tailleurs. Ainsi fringuée, j'ai l'impression de ressembler à une secrétaire à l'affût d'un beau mâle à séduire. D'un côté, il va bien falloir que je réussisse à le séduire, le couillon qui organise cette expo ! Seymour, qu'il s'appelle. Encore un sang bleu qui doit probablement pigner dès qu'il abîme sa manucure à 800£, tiens. Au contrôle des bagages, je dépose doucement mon violoncelle sur une table et observe d'un œil soupçonneux le type qui entreprend de vérifier ce qu'il y a à l'intérieur. Quelque part, c'est plus pour mon instrument que pour les éléments compromettants qu'il cache que je m'en fais. Je tends au vigile ma carte d'identité, lui fais un sourire crispé en croisant les doigts dans mon dos et soupire de soulagement lorsqu'il me dit que je peux y aller. Y a pas à dire, je suis toujours aussi angoissée dans des situations pareilles.
J'avise un petit pictogramme indiquant les toilettes, m'y engouffre et profite qu'il n'y a personne pour rouvrir le boîtier de mon violoncelle. J'attrape un talkie-walkie, une oreillette et un petit scanner de poche dissimulés dans le double fond et m'empresse de brancher tout mon attirail pour m'en équiper. Un dernier regard dans la glace et je hoche la tête. Non vraiment, je ne vois pas comment on pourrait me reconnaître. De rousse, je suis passée à brune, arborant un carré strict dont je ne voudrais pour rien au monde au quotidien, des lentilles noisettes masquent le bleu de mes yeux et j'ai même fait l'effort de sortir une paire de lunettes d'intello pour l'occasion. De toute manière, je sais pertinemment que si je joue bien mon rôle, personne ne fera vraiment attention à moi et c'est le but. J'allume alors le talkie et le teste.
J'adore mon frère. Vraiment. Mais quand il est nerveux, il est insupportable. Du genre à vous convaincre que la Terre est susceptible de voler en éclats dans la minute. Je l'écoute me dire qu'il a piraté le système informatique du musée, qu'il a discuté au téléphone avec la charmante petite vieille de l'accueil, que tout est en place, que blablabla...
Je l'entends pouffer de rire et lève les yeux au ciel en me dirigeant vers la galerie principale. De là, j'attrape mon téléphone pour faire mine d'être en pleine communication et éviter d'éveiller les soupçons.
Et le voilà qui se répands en excuses et commence à employer des mots d'informaticien un peu trop savants à mon goût pour tenter de m'expliquer pourquoi il a besoin que je vole une carte d'accès pour m'aider à entrer. Je soupire une fois de plus et grimace en me passant une main dans les cheveux.
Mon violoncelle commence à peser sur mes épaules et l'impatience de mon frère déteint sur moi. J'analyse mon entourage, repère les guides en visite, les vigiles qui surveillent d'une façon plus ou moins efficaces, les visiteurs... et je finis par repérer deux types en costume, dossier en main, pris au beau milieu d'une discussion suffisamment enflammée pour que son contenu me parvienne. Visiblement, ils ne sont pas d'accord sur la façon d'agencer une partie de l'exposition. Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je me dirige vers eux.
Le pauvre conservateur... Arrivée à sa hauteur, c'est avec un naturel et une maladresse qui semblent authentiques que je le bouscule.
La voix qui chantonne au rythme de ma mutation, une main sur l'épaule du type dépassé, l'autre dans sa poche et je gratifie au passage Seymour d'un sourire radieux. Le conservateur me regarde sans comprendre mais, avant qu'il n'ait pu comprendre, je suis déjà loin, sa carte d'accès au fond de ma poche.
Je sais que j'ai peu de temps. Tout juste assez pour croquer l'instrument sur une feuille, le scanner et le prendre en photo sous tous les angles. Après ça, il faut que je sois sur la scène centrale du musée pour accompagner deux violonistes. Ils sont un peu mon alibi, d'ailleurs ! Ça doit bien valoir une énième redite de Vivaldi, on va dire. Une fois dans l'aile privée, je goûte enfin un silence bien mérité. Ici, il n'y a personne. Personne à part moi et de magnifiques instruments prisonniers d'une vitrine de verre. Quel gâchis... pour se sublimer, un instrument a besoin d'être joué. J'enfile une paire de gants en satin et prends quelques minutes pour arpenter la salle, effleure du bout des doigts les socles de verre méticuleusement lustrées et finis par m'arrêter devant la plus grande des vitrines. Il est là, celui que je cherche. L'alto pour lequel un inconnu est prêt à me payer trois millions de livres. Quel dommage de ne pouvoir l'essayer ! Je sors mon téléphone de ma poche, avertis Marcus que j'ai besoin de travailler dans le calme – l'entendre chanter Jingle Bells à tue-tête et faux a eu raison de ma patience – et ramasse l'oreillette. Une photo, deux photos, trois photos... prise dans mon délire de photographe du dimanche, je heurte quelqu'un de plein fouet et retiens à peine un petit cri de surprise. Lorsque je me retourne, c'est pour faire face à celui qui accompagnait quelques minutes plus tôt le conservateur. Seymour.
Elle a l'air sûre d'elle, Pandora. Mais elle s'est mise dans un sacré pétrin, Pandora.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Dim 11 Fév - 10:57- H. Calixte Seymourhumain
- Messages : 1386
Date d'inscription : 15/12/2017
Crédits : (avatar) sølune.
Métier : contrôleur de gestion des Laboratoires Asclepios ; altiste
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Calixte était tendu, Calixte était nerveux mais, surtout, Calixte était heureux de la tournure des choses. Il était entouré de pièces de collection, réclamées une à une directement au propriétaire. Depuis combien de mois préparait-il cette exposition avec la patience d'un de ces hommes qui, justement, avaient marqué l'histoire de la lutherie et de la musique classique. Il n'avait rien d'un Stradivari ou d'un Paganini, le Seymour, mais il les avait réuni, ne mettant pas uniquement l’accent sur ces bien-aimés qu'étaient les violons mais sur les moins remarqués altos, aux timbres plus doux, plus graves, plus… agréables et beaux tout simplement. Calixte était nerveux en ce jour d'ouverture. Il n'était que mécène, et prêteur aujourd'hui, cette exposition était la sienne, cette galerie était la sienne et il se trouvait précisément là où il aurait toujours dû être : au milieu d'instruments à cordes. Un regard glissa sur un violon, caressa un violoncelle… il n'était qu'un mécène parmi d'autre, qu'un costume parmi d'autres. Et pourtant il était au centre d'une spirale d'attention pour les initiés. Il était dans son élément. Dans son univers. Dans un univers de luxe, de musique et d’harmonie, de précision, de bois et de cordes frottées, d’archets, de peinture, de représentations diverses et variées, il était… Calixte s’arrêta au milieu de l’allée, sourd à ce qu’on pouvait bien lui dire. Yeux froncés, lèvres pincées, il parcourut le petit mot qui prenait la place d’un alto. Vuillaume XIXe, qu’on pouvait lire sur l’écriteau, raturé rapidement. d’une main nerveuse, additionné d’un prêt de H. Seymour. Ses yeux s’agitèrent, coururent à droite, à gauche, accrochèrent un imbécile. Grandes enjambées, Calixte lui tomba dessus sans plus de considération pour la discussion que l’organisateur pouvait avoir avec une autre personne - une invitée ? une mécène ? la directrice de la galerie, peut-être ?
Quelques mots de ce dernier lui suffirent pour que le ton monte, dans un agacement nerveux du côté de Calixte et un calme condescendant dans le cas de son vis-à-vis. Oui, ils avaient modifié le planning, les propriétaires des instruments ayant accepté, dans le contrat, que l’instrument soit utilisé par les solistes et musiciens de l’orchestre de Newcastle à l’occasion des représentations qui allaient commencer d’ici une demi-heure, et oui, bien sûr que le Vuillaume avait été sorti de son écrin dans ce but, afin de… Calixte pâlit.
Non, personne ne toucherait à son alto. Et oui, il pouvait tout à fait demander de tout bousculer pour un caprice et il allait le faire.
Sa carte alluma en vert l’écran de contrôle, il glissa sur le pavé numérique le code qu’on lui avait remis le matin même, chercha immédiatement la vitrine où… se trouvait une visiteuse. La visiteuse ? Elle avait sorti un appareil photo, prenait son Vuillaume sous toutes les coutures, sans aucun respect pour la pudeur de l’instrument, sans même se rendre compte que la porte s’était ouverte et se fermait désormais dans un son feutré. Ce ne fut que lorsqu’il approcha suffisamment pour l’intercepter dans ses mouvements, et qu’elle le heurta sans plus de cérémonie, qu’elle s’aperçut de sa présence.
Du regard, il ne put cependant s’empêcher de couver l’instrument.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Dim 11 Fév - 11:15- Pandora A. O'Sullivannon tatouée
- Messages : 1062
Date d'inscription : 10/02/2018
Crédits : Skweecky
Métier : Violoncelliste / faussaire
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
En voyant l'air contrarié de monsieur balai dans le cul, mon sourire de fane. Eh bin... encore un qui doit sourire quand il se brûle, tiens ! Son regard se tourne vers l'alto avec l'inquiétude d'un père pour son enfant et je fronce les sourcils, dubitative. Il faut croire qu'il y tient, à cet instrument, mais pourquoi ? Son ton est sec et sa voix trahit une certaine nervosité. Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres tandis que je croise les bras.
Il y a comme une forme de reproche dans ma voix. J'ai toujours trouvé ça idiot de cacher certaines œuvres en prétextant vouloir les protéger, comme s'il fallait appartenir à une certaine catégorie de la population pour être autorisé à poser les yeux dessus. Qu'on soit connaisseur ou néophyte, je pense que tous les regards ne peuvent que nourrir et sublimer l'instrument. M'enfin visiblement, môssieur n'est pas de cet avis.
Ca, en revanche, c'est une chose à laquelle je tiens : qu'on mette un instrument de petite facture entre les mains d'un enfant ou d'un non musicien ne me pose pas de problème, mais mettre entre les mains d'une personne qui ne sait pas tenir l'instrument une pièce de musée, c'est courir le risque de l'abîmer. Je coule un regard vers mon violoncelle bien aimé, me jurant une fois de plus de ne jamais laisser qui que ce soit d'autre que moi jouer dessus. Je relève les yeux, amusé par le discours d'amoureux transit du pingouin en costard. Aucune pitié pour sa vie privée ? Trop timide ? C'est quoi, ce poète du dimanche ? Quelque part, j'aime sa façon de considérer l'instrument comme un individu à part entière, une créature douée d'émotions, capable de caprices comme du meilleur. Je le laisse parler, m'amuse et m'émeut de son discours puis, lorsqu'il remarque la présence de mon violoncelle, je me raidis et m'en approche avec une attitude maternelle.
Je l'observe, le jauge, cherche à savoir jusqu'où je peux aller dans les confessions. Si j'en dis trop, je grille ma couverture, mais si je me fais trop discrète, je vais éveiller ses soupçons.
Tout en penchant la tête sur le côté, mon regard se fait malicieux. À la façon dont il parle de cet instrument, je devine qu'ils ont une histoire en commun. Trois choix s'offrent à moi : il a appartenu à un membre de sa famille, à un conjoint ou à lui-même.
J'ai l'air un peu moqueuse, c'est certain. Nul doute que je vais vite cesser de rire s'il m'apprend qu'il était initialement prévu que d'illustres inconnus jouent sur son alto. Mon regard se perd sur un mur de la pièce, où trône une grosse horloge murale. L'heure avance et, consciente que la discussion risque de s'éterniser, je m'agenouille près du boîtier de mon violoncelle et en sors un archet dont je commence à tendre les crins.
C'est fou ce que j'arrive à être polie, parfois. Mais il y a quelque chose dans le regard de cet homme, une... lueur, un air qui me rappellent quelque chose. Comme une impression de déjà vu dont je n'arrive pas à me défaire et qui me pousse à vouloir prolonger la discussion. Jusqu'à ce que je comprenne pourquoi Seymour me semble si familier.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Jeu 15 Fév - 19:40- H. Calixte Seymourhumain
- Messages : 1386
Date d'inscription : 15/12/2017
Crédits : (avatar) sølune.
Métier : contrôleur de gestion des Laboratoires Asclepios ; altiste
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Pour sûr qu'il était contrarié, le Seymour, pour sûr. L’exposition venait de prendre une tournure inattendue et inacceptable à ses yeux, un virage à 90° qui l’incitait à faire demi-tour, rentrer chez lui directement ou faire un arrêt violent au gymnase Howard pour mieux se défouler contre un sac de sable. L'art, la galerie, ces expositions qu'il montait en dehors de son temps de travail voire sur son temps de travail avaient bien d’importance dans sa vie que quoique ce soit d’autre, à l’exception bien évidemment des activités de sa famille. L’art, la galerie, tout cela étaient ses échappatoires, ses bouffées d’oxygène et le peu qui subsistait de ses anciennes ambitions. Il détestait, le Seymour, lorsque les choses n’allaient pas dans son sens ; il s’agaçait, le Seymour, lorsque dans une planification qui lui convenait venait se glisser un grain de sable, souvent directement lié au libre arbitre des gens d’ailleurs. Ah, qu’il détestait les gens dans leur ensemble, surtout les petits conservateurs de musée et autres directeurs qui, sous prétexte d’être à la tête du bâtiment et de l’organisation, s'arrogaient le droit d’outrepasser leurs responsabilités pour promettre au nom des autres des prêts inacceptables. Il fulminait, Calixte, avant d’entrer dans la pièce : sa crispation acquit le niveau supérieur dès qu’il vit une tierce personne ennuyer son Villaume sans sa permission encore une fois. Conséquence malencontreuse d’une enfance privilégiée dans un cadre privilégié avec des attentes et des regards encore une fois privilégiés, Calixte était la victime de bien des défauts à commencer par ce principe qu’il avait de croire tout le monde à ses ordres ou du moins prompt à exaucer ses désirs. Il n’aimait pas les grains de sable - hormis quand il en était à l’origine bien évidemment - il n’aimait pas les contretemps et aujourd’hui tout particulièrement, il avait décidé qu’il n’aimait ni les brunes, ni les surprises, ni les artistes, et encore moins les visiteurs. En somme, Calixte venait de but en blanc de décider qu’il n’aimait personne et que cela devait expliquer la voix sèche et agressive qu’il venait d’offrir à l’inconnue, tout en couvant jalousement son instrument du regard. Au moins l’avait-il sous les yeux, au moins pouvait-il se détendre un instant, juste un instant. D’un pas, il se rapprocha de la jeune femme, d’un autre, il s’adossa à un meuble, mains dans les poches. Que faisait-elle là, au juste ? Le reste de l’exposition se trouvait de l’autre côté de la porte, celle-ci était fermée au public, à très juste titre.
Calixte ne l’avait certes pas encore traînée de force dans les bras de la sécurité, mais qu’elle garde à l’esprit que ce n’était pas une possibilité tout à fait écartée et il lui suffisait de l’agacer une fois de trop pour que Calixte en ait assez et que sa patience, pas des plus remarquables, en vienne à s’épuiser. Par chance, elle tenait encore bon, la patience du Seymour, et il se contenta d’hausser les épaules.
Au final, peu importait, Calixte s’aperçut avec un temps de retard qu’il avait fini par réellement opter pour la discussion avec l’inconnue - toujours inconnue d’ailleurs - qui se trouvait face à lui. Une violoncelliste, à n’en pas douter : l’écrin de son instrument était éloquent par sa forme et sa taille.
Même le regard malicieux de la violoncelliste ne sut le dérider de suite. Il en avait perdu, de sa superbe, le cadet Seymour.
Profitant qu’elle ait les mains prises et des notes résonnant dans la pièce, il se saisit des partitions flottantes : il avait beau connaître la programmation puisqu’il en était à l’origine, c’était autre chose que de rencontrer les instrumentistes choisis par le directeur de la galerie, les conseillers et autres blanc becs dont il n’avait - malheureusement - pas réussi à oublier les noms. Toute son éducation le contraignait à une bienséance et une élégance pénibles, lorsqu’il ne pouvait s’empêcher d’en faire profiter même les plus idiots dans certains environnements. M’enfin. Il reposa avec délicatesse les partitions, contourna la musicienne et ouvrit sans un mot la vitrine, pour finalement en sortir son alto, et se joindre à elle dans un concert de notes, accordant lui aussi son instrument.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Ven 16 Fév - 22:23- Pandora A. O'Sullivannon tatouée
- Messages : 1062
Date d'inscription : 10/02/2018
Crédits : Skweecky
Métier : Violoncelliste / faussaire
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Quelques part, monsieur ronchon m'amuse. Il a l'air d'en vouloir à la Terre entière et d'être prêt à massacrer quiconque oserait toucher à son précieux instrument. Il faut bien admettre qu'à côté de ça, il m'agace. Il a tout du type pédant, imbus de sa personne, persuadé de valoir plus que le commun des mortel... tout à fait le genre de type face auquel je ne peux avoir que deux réactions : lui mettre une claque pour le faire taire ou l'embrasser pour le faire taire. Quoi ? J'aime bien les sales types et puis le résultat est le même, non ? À l'arrivée, il se tait ! Pourtant, c'est bien la gifle qui me démange les doigts lorsqu'il reprend d'une voix tellement pleine de suffisance qu'elle me donne envie de vomir. Mes lèvres se pincent et mes yeux bleus lui jettent un regard glacial. Pauvre type, va...
J'ai toujours eu la réputation d'être une personne franche et directe, et ce n'est certainement pas devant mister bougon que je vais changer d'attitude. Il me parle avec condescendance, je vais lui répondre avec insolence, on verra s'il fait toujours autant le fier dans dix minutes ! D'un autre côté, je suis curieuse, j'ai envie d'avoir la certitude que cet alto est bien à lui, j'ai envie de savoir d'où il vient, qui il est, si je suis susceptible de le connaître ou s'il s'agit d'un musicien que je n'ai pas encore eu le plaisir de rencontrer. Il y a des attirances naturelles pour les gens de ma profession, plus encore pour ceux qui manient l'archet : j'ai envie de connaître leur histoire, leur rapport à l'instrument, d'échanger sur nos techniques car c'est ainsi que je conçois les choses. La musique ne peut se vivre seul, c'est un partage, une union, une communion, même, mais aucun vibrato, aucune virtuosité conservée jalousement dans l'écrin d'un boudoir ne pourra jamais supplanter l'harmonie parfaite de deux instruments résonnant à l'unisson. Et ça... j'ai l'impression que du con ne l'a pas compris. Quoi que... cette façon qu'il a de dire que le propriétaire de l'alto pourrait accepter d'en jouer quelques notes me fait sourire. Tout n'est peut-être pas perdu ? À cet instant, mes plans de voleuse bien organisée s'envolent, supplanter par la curiosité de comprendre cet étrange personnage. Après tout, pour le moment, je ne sais rien de lui, si ce n'est qu'il s'appelle Seymour, qu'il est désagréable et qu'il est altiste. Le client qui tient à tout prix à récupérer l'instrument a tenu à garder le plus d'informations secrètes, si bien que je n'ai appris de sa part qu'une chose : c'est, selon lui, l'instrument d'un aristocrate qui ne mérite pas d'y poser un doigt. Sûrement un jaloux, tiens. J'ai beau trouver ça idiot, la somme qu'il est prêt à m'offrir pour cet alto a su me convaincre de son sérieux.
Finalement, la discussion s'égare autour de mon propre instrument, de mes propres activités et, lorsqu'il me demande si je suis professionnelle, je réponds avec légèreté par un hochement de tête, sans même lui accorder un regard alors que, si je l'avais fait, je me serais peut-être rendue compte de la crispation qui fige ses traits. Finalement, heureusement que je n'ai pas ajouté le nom de l'orchestre pour lequel je travaille, il m'aurait peut-être abattue sur le champ.
Et puis soudain, alors que je le taquine en lui demandant pourquoi il a choisi de faire enfermer son si bel alto, j'ai l'impression de voir un tout autre type. Un type qui s'ouvre, s'éclaire soudain d'une lueur espiègle, qui renchérit avec une note d'humour sans pour autant répondre à ma question. C'est comme s'il venait de troquer sa mauvaise humeur pour... autre chose. Intéressant.
Volontairement, je lui dissimule mon nom de famille. Non pas que j'aie peur qu'il en fasse quoi que ce soit, mais j'ai pour habitude de ne pas trop m'étendre sur mon identité. En revanche, lui... Seymour... c'est quand même bizarre que ce nom me dise quelque chose ! S'il a le sang bleu, c'est peut-être juste parce que j'ai dû voir à l'occasion son nom ou sa jolie frimousse de bad boy en couverture d'un magazine. Il faut bien avouer qu'il n'est pas désagréable à regarder, malgré son apparente mauvaise humeur. Il porte bien le costume, il a de beaux yeux... et le demi sourire que j'ai vu a suffit à me convaincre que lorsqu'il se décoince, il doit en faire craquer plus d'une. Ou plus d'un, je ne juge pas. Seulement, bel homme ou pas, il m'enquiquine copieusement, ruine mes plans et m'empêche d'atteindre mon but. J'ai même l'impression que s'il y avait un départ de feu dans le musée, il scierait la vitrine contenant l'alto pour être certain de l'embarquer avec lui. Il me reste toujours une solution, celle de l'assommer, de l'attacher là et de me sauver avec l'alto, mais le résultat sera le même : Seymour a l'air prêt à remuer ciel et terre pour son précieux instrument. Pourtant, cet amour qu'il éprouve pour ce bel alto a quelque d'attendrissant et, inévitablement, je me retrouve un peu dans cette manière qu'il a de le couver du regard. Ce regard, c'est celui d'un complice, d'un compagnon de jeu, de celui qui fait confiance à son instrument pour transcender sa technique et offrir à ses oreilles le plus doux des sons. Alors, penchée au-dessus de la boîte qui renferme mon violoncelle, je réfléchis. Je tire une chaise, m'y assois et pose délicatement le corps de l'instrument contre moi, l'enlaçant dans cette position presque intime qu'impose la pratique du violoncelle. J'ai toujours trouver ça drôle, d'ailleurs. Cette façon qu'on avait, jadis, de juger une femme osant poser les doigts sur un violoncelle. Indécence induite par les jambes écartées, trop forte proximité avec le corps tout en rondeurs de l'instrument... aux jeunes filles, on préférait la pratique de la harpe, du clavecin puis du piano mais diantre ! Point de violoncelle !
Les crins de l'archet tendus, je les fais glisser sur une corde, en apprécie un moment le son, grimace et m'arrête pour remonter une cheville et rectifier légèrement la hauteur de la note. Une corde, puis deux, puis c'est finalement avec un sourire satisfait que l'apprécie l'harmonie d'un violoncelle bien accordé. Mes doigts se mettent alors à courir sur les cordes, arpentant en des arpèges et gammes habiles le manche de l'objet. J'aperçois sa majesté grincheux qui s'empare de mes partitions, manque de les lui arracher des mains tant j'ai horreur que l'on touche à mes affaires – certains diraient que finalement nous nous ressemblons, lui et moi – mais continue pourtant de m'échauffer en prévision du concert. Ce n'est qu'en voyant la petite clé avec laquelle il joue depuis dix minutes déverrouillée la prison de verre de l'alto que mon archet se fige dans une note avortée trop tôt, une note gémissante, presque fausse. Il est là, à portée de doigts... Aller, Panpan ! Un petit cou derrière la nuque et on n'y verra que du feu ! Hurle-lui un bon coup dans les oreilles et il se réveillera deux heures plus tard, sourd de surcroît. C'est tentant, tout ça. Mais ça ne me ressemble pas. Voler oui, la violence non. Allez savoir pourquoi, j'ai toujours eu ça en horreur. Alors je me contente de ravaler ma frustration tandis que du con ajuste l'instrument sur son épaule pour s'accorder à son tour. Un duo ? Pourquoi pas ? Pourtant, lorsqu'il m'annonce que le concert pourrait bien être annulé, je m'arrête et fronce les sourcils.
Soudain, la bonne humeur s'envole. La contrariété découlant du fait que je ne vais pas pouvoir voler maintenant ce fichu alto allié à celle de m'être vraiment déplacée pour rien si le concert est annulé semble avoir raison de mes nerfs. Qu'est-ce qu'il y connaît, lui ? Il doit sûrement rouler sur l'or, se donner bonne conscience en filant du fric à un musée dont il martyrise le conservateur à grands renforts de caprices, qu'est-ce qu'il connaît au besoin désespéré d'argent, hin ? À défaut du million qu'on m'offre pour son morceau de bois, je tiens à repartir avec mon chèque à la fin du concert. Parce que ce chèque, c'est un atout indispensable à la guérison de Charlie. Alors hin ? Qu'est-ce qu'il en sait, lui ? A-t-il seulement connu ça, la détresse d'une sœur qui voit son frère dépérir et son corps l'abandonner ? A-t-il seulement jamais vu la maladie dans les yeux d'un proche ? J'ai envie de lui cracher ça au visage quand l'agacement prend le pas sur le reste, mais l'incompréhension me permet de garder le silence... Jusqu'à ce qu'il me sorte la pire excuse du monde pour se justifier. Je hausse un sourcil, le fixe comme si je m'attendais à ce qu'il se mette en rire en affirmant qu'il se paye ma tête mais... rien. Il me vante l'origine de son alto, appuie avec une désinvolture d'enfant sur le fait qu'à cause de sa mauvaise humeur, le public risque d'être privé de concert et... me fixe. Il me fixe comme s'il attendait de moi quelque chose. Et bien quoi ? Il veut que je range mon instrument et parte en ronchonnant ? Au lieu de cela, je pose avec précaution mon violoncelle, m'empare d'une partition et m'approche de Seymour. Je lui fourre sans ménagement la partition dans les mains, saisis son archet et glisse un doigt entre les crins et le bois vernis avant de le lui tendre, un sourire malicieux aux lèvres.
Insistante, je lui tends son archet. Pourquoi se faire ainsi désirer ? Quand j'y pense, pourquoi ne pas s'être proposé d'entrée de jeu pour jouer avec le reste de l'orchestre ? Qu'il joue bien ou non, si c'est lui qui organise l'exposition, il a tous les droits, non ?
Moqueuse, malicieuse, une fois l'archet rendu, je retourne m'asseoir et reprends mon violoncelle en jetant un œil à l'horloge.
Il faut dire qu'elles se font rares, les pièces pour alto et violoncelle. Quel gâchis... ne supportant décidément plus ni la perruque, ni les lunettes, je les retire et les jette dans la boîte vide de mon violoncelle tout en ébouriffant ma crinière rousse. Quelle idée idiote j'ai eu de me déguiser, aussi... ? Sans l'intervention de Seymour, ça m'aurait paru brillant jusqu'au bout, mais là... tôt ou tard, j'aurais dû retirer cette fichue perruque pour monter sur scène. Devant l'air interrogateur de l'altiste, je me défends avec mon innocence naturelle.
Quelque part, ce n'est pas vraiment un mensonge. Le conservateur du musée est un type angoissé, distrait et nerveux, qui veut toujours revoir les contrats vingt fois avant de les faire signer et qui tient à assister au moindre accord pour être certain que tout se passe bien. À l'heure qu'il est, et ne voyant ni la violoncelliste de la formation, ni l'alto de l'altiste recruté pour la prestation, il doit être en train de faire un infarctus. Je pose alors l'archet sur les cordes, attendant sagement le départ de l'alto.
Je me prends au jeu. Tant et si bien que j'en oublie d'autant plus pourquoi je suis là. J'en oublie Marcus qui, au bout du fil, s'agace et s'inquiète, j'en oublie le plan d'origine, les yeux rivés dans ceux de mon vis-à-vis, redécouvrant l'excitation d'un nouveau duo, d'une nouvelle prestation, d'un nouveau compagnon de jeu, chose que je n'ai pas ressentie depuis bien trop longtemps et qui me manquait plus que je ne veux bien l'admettre.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Ven 23 Fév - 20:20- H. Calixte Seymourhumain
- Messages : 1386
Date d'inscription : 15/12/2017
Crédits : (avatar) sølune.
Métier : contrôleur de gestion des Laboratoires Asclepios ; altiste
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Une carrière qu’il regrettait chaque jour un peu plus, chaque jour davantage, une carrière qui le hantait à chaque concert auquel il assistait parce qu’il était incapable de réellement s’éloigner du monde de la musique, une carrière qui le poursuivait et creusait une blessure toujours plus profonde à chaque visite qu’il faisait au conservatoire de Newcastle et à l’école de musique de Killingsworth quand, ami avec les professeurs, il s’amusait à apprendre à des petits à différencier les sons et à émettre leurs premières notes avec la patience qui le caractérisait dès lors que l’on parlait musique. Il ne jouait plus en public, il ne jouait qu’en privé, que devant son pupitre, que devant des partitions étalées sur une table, sur un bureau, qu’avec les murs, exceptionnellement Maman, pour tous spectateurs, mais il se droguait, régulièrement aux vibratos, aux crescendo, aux points d’orgue et aux symphonies, parce qu’il ne pouvait tout simplement pas s’en passer. Peut-être, peut-être pouvait-il songer à jouer quelques notes à la violoncelliste, oui, si elle y tenait, mais qu’elle ne déforme pas ses propos ni même ses regards : il avait un respect bien plus élevé pour son alto que pour la plupart des personnes et il n’en avait pas honte. Et en parlant de merde dans les yeux, il s’était retenu de justesse de faire remarquer qu’avec des préjugés comme ça sur la noblesse, elle n’en était pas de reste.
Quoiqu’il en soit, Calixte soupira, s’intéressa à la jeune femme, guidé par une curiosité qui matait peu-à-peu sa colère, de la même manière qu’il avait tendance à mâter la violoncelliste, d’une bien toute autre façon. Elle était mignonne, elle n’avait pas la langue dans sa poche et elle était violoncelliste : en de différentes circonstances, Calixte aurait également entamé une conversation avec elle mais ne l’aurait pas, loin de là, fait dans l’optique de l’envoyer paître. Sa colère s’évapora d’ailleurs, brutalement, lorsqu’elle commença à répondre à ses questions. Violoncelliste professionnelle, oui, exerçant à Londres, oui. Il n’en fallait guère plus pour tétaniser le Seymour, donc le spectre de la carrière resurgissait encore et encore à ces seules évocations. Jaloux, il l’était et il l’était de manière bien marquée. Il en oublia même de ne pas revendiquer son alto, il en oublia même de jouer le jeu, il se perdit dans une jalousie aussi cruelle que mordante.
Il en fut récompensé par un sourire - charmant au demeurant - et une réponse.
En en retirant l’alto, au contact si doux. Une fraction de seconde, un sourire éclata sur ses lèvres à la première note pincée. Un sourire que même la perspective d’un concert annulé - désolé Pandora - ne fit pas disparaître entièrement.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Dim 25 Fév - 19:08- Pandora A. O'Sullivannon tatouée
- Messages : 1062
Date d'inscription : 10/02/2018
Crédits : Skweecky
Métier : Violoncelliste / faussaire
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
À peine ai-je finis mon petit discours un brin agressif et bourré de préjugés que je me prends un retour de bâton bien senti. Sur le coup, je pince les lèvres et le foudroie du regard. Touché, mon mignon... je ne peux même pas le contredire car autant on peut instruire quelqu'un qui ne sait rien mais à soif d'apprendre, autant un con qui ne veut rien savoir, on peut difficilement faire quoi que ce soit pour lui. Au fond, il a une répartie qui me plaît et les mots fusent si facilement qu'ils ne peuvent qu'être honnêtes. Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je croise les bras.
Hautain et arrogant comme l'aristo qu'il doit être mais... avec des principes. Qui aurait envie de parler de musique à des gens dont le seul plaisir est de vanter les mérites d'un obscur compositeur avant-gardiste dont le seul talent serait de taper sur des casserole avec une cuillère en bois ? Parce que qu'il se rassure : des types de ce genre, j'en ai vu. J'ai même vu un abruti applaudir en parlant du talent de demain alors qu'un technicien testait du matériel en émettant des bruits blancs. Mais bon... y aura toujours des cons pour se branler dans leur propre médiocrité et faire passer ça pour de l'art. Je n'aime pas m'avouer vaincue, mais force est de constater que monsieur ronchon a raison.
Mon violoncelle en main, je ne peux m'empêcher d'avoir ce même geste maternel qu'a Seymour avec son alto. Cet instrument, c'est une partie de ma vie, mon compagnon de travail, l'objet qui me rappelle sans cesse mon père mais dont je serais bien incapable de me séparer, c'est mon meilleur amie, mon meilleur ennemi, c'est tout à la fois et j'apporte à son entretien un soin qui tient plus de la maniaquerie que d'autre chose. Je fait même régulièrement la route jusqu'à Cardiff pour l'apporter au seul luthier du pays qui sache véritablement entretenir ce type d'instrument. Bois nourrit, vernis impeccable, cordes de qualité et archet ancien... tout un matériel qui m'a plus d'une fois ruinée mais sans lequel mon instrument ne serait plus que la moitié de ce qu'il est, j'en suis certaine. Mes doigts pincent une corde, mes sourcil se froncent. Seymour blêmit, comme si je venais de dire une horreur. Aurait-il quelque chose contre Londres ? Il semble soudain se fermer plus encore – si c'est possible – sans pour autant me donner la raison d'un tel mutisme. Ce n'est finalement que lorsque je lui donne mon nom qu'il consent à se dérider un peu, me laissant pourtant sans réponse.
Oui, je suis têtue. Et je n'ai vraiment pas envie de lui donner une carte de plus à utiliser. Alors tant pis, je me contenterais de son nom, lui se contentera de mon prénom et nous en resterons là. Au fond, qu'est-ce que ça peut me faire de connaître son prénom ? Sitôt que nous serons sortis de cette pièce, chacun reprendra sa route et je ne compte bien revoir que son alto, pas sa jolie frimousse. Consciencieuse, me voilà en train d'accorder mon instrument sans me douter que le simple fait de caresser les cordes du bout des doigts suffit à attiser l'envie que l'autre à de se joindre à moi pour jouer. Mes paupières se ferment, laissant mes oreilles apprécier la rondeur du son émis par le violoncelle alliée à la mélancolie de l'alto. Ses notes sont justes, son vibrato est maîtrisé et j'en viens à me demander pourquoi ce n'est pas lui qui joue ce soir. Puisqu'il a l'air de tant aimer son instrument et de se payer le luxe de ne pas être mauvais une fois qu'il l'a en main, pourquoi laisser un autre s'octroyer le plaisir du quatuor à cordes ? Pire encore... pourquoi m'annoncer que le concert risque d'être annulé alors qu'il a dans le regard la lueur d'envie du musicien qui ne demande qu'à jouer ? Soit ce type est cinglé, soit il aime se faire désirer. Soit il y a des éléments inconnus dans l'équation, ce qui expliquerait sûrement bien des choses. Il ne m'en faut pas plus pour me lever, reposer mon violoncelle et m'approcher de lui pour lui tendre son archet. Au fond, qu'est-ce qu'il a à perdre ?
Surprise, je hausse les sourcils et esquisse un sourire en baissant les yeux vers ce dont il semble sous entendre l'existence.
Il a voulu jouer à ça, il a trouvé un adversaire à sa taille. Bon après, s'il commence à se défroquer pour avoir le dernier mot, on risque d'avoir un souci. À l'idée de le voir lâchant son archet pour me prouver qu'il a raison, je me retiens à grand peine de pouffer de rire. Ce n'est vraiment le moment, d'autant que j'ai le sentiment, lorsqu'il s'empare de son archet, que j'ai gagné une petite victoire. Victoire de courte durée, puisqu'il me répète qu'il ne jouera pas devant un public. Je grimace, pince les lèvres et hausse les épaules.
Parce que j'entends bien repartir avec mon chèque, que le concert ait lieu ou non ! Enfin pour ça, il faut encore que je m'en sorte sans que Seymour n'appelle la sécurité et une fois ma perruque retirée, je commence à me dire que ça va être bien plus compliqué que prévu. Il n'a pas l'air dupe... oh non il a même l'air carrément suspicieux. Je vais me faire avoir... quelle idée j'ai eu de me déguiser comme ça ? Je n'aurais pas pu... je ne sais pas, mettre un chapeau ? Une casquette ? Un truc qui se retire un peu plus naturellement qu'une perruque ? Alors j'invente un mensonge, énorme, trop gros pour que ça passe et me prépare même à devoir employer la force pour sortir de là sans me faire arrêter. Ça ne va pas passeeeer... ça passe. Trop surprise pour ajouter quoi que ce soit, je cligne des yeux et me reprends suffisamment vite pour que ma surprise ne soit pas trop visible. Il faut croire que le conservateur du musée est vraiment aussi flippant qu'on le dit.
Mais à peine ai-je le temps de lui demander s'il compte rester planté là sans rien faire encore longtemps qu'il a déjà trois notes d'avance. Prise au dépourvu, je pose l'archet contre les cordes, attends la fin du phrase et le rejoins, tout en le gratifiant d'un regard agacé. Habituée à suivre un chef ou un soliste, je le suis docilement lorsqu'il ralentit. C'est là toute l'ingratitude du violoncelle. Longtemps considéré comme un instrument d'accompagnement destiné à jouer la basse, on apprend très tôt aux jeunes musiciens à se plier aux exigences parfois loufoques des solistes. Pourtant, lorsque, sur un ton d'excuse, il m'avoue n'être « qu'un » amateur, mon archet se fige et le fixe un long moment, jusqu'à ce qu'un doigté malheureux n'arrache à son instrument une note plus haute que ce qu'elle devrait être. Je grimace légèrement, plus par réflexe qu'autre chose, puis repose une nouvelle fois le violoncelle et l'archet pour m'approcher du musicien maudit.
Je m'approche de lui, le contourne et, une fois dans son dos, appui légèrement sur les muscles situés entre ses deux omoplates.
Je le contourne alors pour lui faire face à nouveau et pose une main sur son épaule pour l'inciter à la relâcher.
J'esquisse un sourire, inconsciente de la véritable raison qui le pousse à refuser de s'exposer dès qu'il a son instrument dans les mains. C'est, pour moi, une chose inconcevable.
Ce n'est pas qu'il n'est pas altiste. C'est que, pour une raison que j'ignore, il refuse d'admettre l'idée qu'il puisse l'être ou puisse l'avoir été un jour. D'ailleurs, pour un type qui paraissait bien arrogant tout à l'heure, je le trouve soudain bien peu sûr de lui, comme s'il doutait de ses choix, de son talent, de ses capacités... je rêve où il me demande même un avis sincère sur le programme ?
Un sourire innocent se dessine sur mes lèvres tandis que je retire ma main de son épaule et me recule d'un pas. Mince... Il est chou avec cet air peu sûr de lui. En fait, c'est en m'intéressant au musicien et non plus à l'instrument que je me rends compte qu'il est même franchement bel homme. Le genre d'homme qui me fait généralement facilement craquer mais à cet instant, ce n'est vraiment pas le moment.
Un peu d'autodérision, ça n'a jamais fait de mal à personne. J'entends alors du bruit à l'extérieur et jette un regard vers l'horloge. Le concert va bientôt commencer.
Et non seulement ça m'emmerderait d'être venue pour rien, mais en plus... je ne sais pas. J'ai senti que le courant passait bien, pendant les quelques mesures que nous avons partagées. Je n'ai pas senti la raideur ni la distance que l'altiste avec qui j'ai répété ces dernières semaines a tenu à imposer. Là... j'ai senti une complicité indispensable entre musiciens et ça, c'est le genre de chose qui me semble plus précieuse que n'importe quoi d'autre en musique.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Lun 12 Mar - 0:13- H. Calixte Seymourhumain
- Messages : 1386
Date d'inscription : 15/12/2017
Crédits : (avatar) sølune.
Métier : contrôleur de gestion des Laboratoires Asclepios ; altiste
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Pas plus que Pandora, Calixte avait sa langue dans sa poche. Loin de là, même, son franc-parler et sa tendance à être particulièrement acerbe et critique faisait de lui un homme de conversations, dans tous les milieux et toutes les circonstances, et son ego additionné à son orgueil le rendait de surcroît particulièrement réactif lorsqu’on avait le malheur de le chercher un peu. Comme elle venait de le faire. Comme elle le faisait avec légèreté et provocation. Comme elle allait regretter – peut-être – de l’avoir fait. Parce que si le Seymour avait une très haute opinion de sa personne et un mépris clairement affiché pour un bon nombre de pécores, lorsqu’on parlait musique, sa condescendance se tournait bel et bien vers ceux qui, sous prétexte d’avoir de l’or plein les poches – Papa le premier – se pavanaient dans les galeries sans savoir faire la différence entre un alto et un harmonica. Et ceux-là, très sincèrement, pourraient toujours s’enfoncer le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate s’ils pensaient réellement avoir un jour le droit de poser ledit doigt sur son Vuillaume, foi de Calixte, foi de Seymour, foi de Calixte Seymour, et puis basta. La virulence du petit cadet tendit ses mots, firent cingler sa voix et acidifia ses propos sans la moindre retenue. Oh, il était calme, le Seymour. Oh, il ne tomba – fort heureusement – pas dans une excitation agacée comme il pouvait en avoir face à Edward, mais il se contenta de dire ce qu’il pensait, yeux dans les yeux, à cette petite pimbêche qui ne valait guère mieux que tous ceux qui se promenaient actuellement dans la galerie si elle se laissait mener par le bout du nez par ses préjugés. Le regard de Calixte était sévère, agacé, sur la défensive : il ne se dérida que face au sourire qui finit par – douloureusement sembla-t-il – se dessiner sur les lèvres de la violoncelliste.
Bien mieux à faire. Le regard de Calixte dérivait vers son alto sans qu’il ne puisse se retenir, vers les vestiges d’une carrière avortée et une tentation toujours plus grande, toujours plus saisissante, toujours plus irrésistible de replonger pleinement. Il n’avait jamais réussi à réellement raccrocher, ranger l’archet et les partitions, se défaire de son instrument, il avait encore au bout des doigts des mélodies qui ne demandaient qu’à être transmises, partagées, il avait encore dans la poitrine des battements de cœur qui ne souhaitaient qu’être rythmé et éprouvé, dans une sensibilité exacerbée qui le prenait aux tripes dès les premières mesures. Pandora était tentatrice. Réellement. Violoncelle en main, elle s’était – et très certainement sans le savoir – transformée en sirène qui l’appelait, le guidait vers les notes, des cordes tendues, accordées. Le frisson et cette envie, presque douloureuse, cette jalousie de la savoir professionnelle, quand il n’avait pu rester qu’amateur, quand il n’avait pas su se contenter d’amateur, quand il avait tourné le dos avec rage à ce qu’elle avait embrassé. Lettre d’acceptation déchirée, jetée dans la poubelle sans un mot superflu de la part de Papa. Calixte était hanté par le fantôme de sa carrière, Pandora était tentatrice, séduisante, écœurante même. Et incroyablement agaçante. Curieuse. Bavarde. Elle avait tous ces traits de caractère qui attiraient le Seymour, jusqu’à cette capacité à le sortir de sa torpeur et lui permettre de reprendre pied, dans une provocation joueuse.
Vraiment. Il prit son alto, en caressant les courbes avec une affection marquée, une envie palpable, un désir grandissant. Son archet l’appelait à son tour, Calixte parlait sans penser tout à fait ses mots, usant sans scrupule de sa capacité à tenir une conversation quand son esprit n’y était guère, jonglant entre ses pensées et ses propos avec brio, lui permettant de survivre à tout ça, à défaut d’être à son aise. Ses doigts pincèrent une corde, l’archet s’y frotta, Calixte céda une première fois,
Elle voulait l’entendre jouer ? Et bien elle allait l’entendre jouer, quand bien même ce n’était qu’une très, très mauvaise idée. Et uniquement le temps d’une poignée de minutes, aux notes enfermées dans la pièce, réduites à n’avoir pour spectateurs que les vitrines et leur contenu, le violoncelle de Pandora et Pandora elle-même, parce que si Calixte cédait sur ce point-là, sur le reste…
Une envolée de notes coupa court à la conversation, impulsivité et impatience de Calixte personnifiées en quelques croches, il ne ralentit que pour qu’elle le rejoigne, il ne ralentit qu’en se rendant compte de ce qu’il était en train de faire. D’aimer faire. De céder aux chants hypnotiques des sirènes, de céder à la tentation, de croquer dans une pomme qui n’allait mener qu’à la discorde, qu’à l’erreur, qu’à la douleur de se rétracter, encore. Céder, tenter, il avait envie, bon sang, il avait envie Calixte d’aller plus loin, de remplacer au pied levé un altiste déçu, de montrer au monde que son univers n’était pas peuplé de chiffres et d’articles de loi, mais de notes, de couleurs, de rythmes, d’espoir et d’émotion, il mourrait d’envie, Calixte, mais il n’avait pas le droit et ses muscles crispés le lui prouvèrent, arrachant du bout des doigts une fausse note, inévitable, qui lui transperça les poumons de colère. Il n’était pas altruiste, mais il n’était pas altiste non plus. Juste un vulgaire amateur, qui devait le rester, puisqu’après tout, on n’avait jamais vu de duc altiste.
Etait-elle au moins sincère dans ses compliments ?
Bon sang, il en vint à rougir sous tout ce qu’elle venait de dire, de débiter même à un rythme des plus soutenus, rougit en prenant conscience qu’elle avait gardé sa main sur son épaule. Rougit de se sentir rougir, rougit de se sentir effectivement rassuré, rougit un instant, un instant extrêmement gênant. Rougit, vraiment. Il s’en affligea. Se passa la langue sur les lèvres pour les humecter, gérer sa nervosité. Trop sensible ne cessait-on de lui répéter – Edward le premier. Jusque dans son rapport avec la musique.
Une fraction de seconde. Juste une fraction de seconde. Ce fut le temps que dura son hésitation, infime, imperceptible, impertinente. Comme lui. Une fraction de seconde, juste le temps d’une respiration. Avant qu’il ne se sente obligé de rajouter :
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Lun 12 Mar - 17:48- Pandora A. O'Sullivannon tatouée
- Messages : 1062
Date d'inscription : 10/02/2018
Crédits : Skweecky
Métier : Violoncelliste / faussaire
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Je crois bien que c'est la première fois que je rencontre quelqu'un qui répond du tac au tac à mes provocations. Rien ne le laisse sans voix et c'est comme si la moindre de ses répliques trouvait réponse avec les miennes et inversement. Ce type est vraiment amusant ! Et agaçant aussi... je vais devoir me contenter de l'appeler par son nom, puisque môssieur refuse de me donner autre chose. Je vais vraiment finir par l'appeler Bob, mais ce qui m'amuse le plus, c'est cette répartie cinglante ou provocante. C'est comme si on se renvoyait la balle avec une aisance déconcertante. Moi qui pensais réussir à le choquer en lui disant que je ne crois que ce que je vois, on dirait qu'il en a suffisant dans le pantalon pour être prêt à le baisser et prouver ce qu'il avance.
Après tout, il n'est pas le seul ici à posséder un instrument historique et hors de prix. Je n'ai jamais fait estimer le mien, persuadée que je suis que cela ne peut se chiffrer en livres mais bon... suis-je vraiment objective ? Pas vraiment. Quelques notes s'élèvent, des cordes sont tendues pour accorder nos instruments, et voilà que leurs timbres respectifs se mêlent en une parfaite harmonie. Harmonie que l'on retrouve dans nos provocations et pourtant, lorsqu'il admet être curieux d'en savoir plus à mon sujet, je sens mon sourire s'effacer et mon visage se fermer. Elle est toujours là, cette crainte, cette peur morbide que j'ai de voir quiconque s'intéresser à moi d'un peu trop près avant de brutalement disparaître. Je ne m'ouvre plus à qui que ce soit depuis longtemps, enfile des déguisements de carnaval pour me faire passer pour celle que je ne suis pas, tout ça pour que personne ne sache ce qui se cache sous cette tignasse rousse et ce sourire faussement enjoué. Je préfère presque qu'il soit craintif et se cache loin de ce qu'il pourrait découvrir. Et puis au fond... tout ce petit jeu n'est que passager, nous passons le temps avant le concert, mais une fois qu'il sera fini, chacun retournera de son côté et on n'en parlera plus. Oui... c'est bien ce qu'il faut que je me dise et pourtant, je n'en suis pas convaincue. Je reste muette, faisant mine de jouer une gamme en boucle pour masquer la nervosité qui agite mes doigts. Ne rien répondre, c'est encore la meilleure façon d'esquiver le sujet pour mieux embrayer sur autre chose et fort heureusement, il m'en donne l'occasion lorsqu'une fausse note grince sous son archet. Lorsque je me lève pour tenter, gentiment, de rectifier cette tension entre ses omoplates, je sens ses muscles se crisper un peu plus. Ah ? Aurait-il un problème avec les contacts physiques ou n'aime-t-il simplement pas qu'on le reprenne ? Visiblement, il sait... oui, très bien, mais il sait quoi ? Il sait qu'il est tendu ou bien il sait pourquoi il est tendu ? Ce sont deux choses bien différentes et je dois bien avouer que la curiosité me dévore. Je poursuis, lui lance des perches, espère qu'il les attrapera au vol, mais il se contente d'un énigmatique « c'est plus compliqué que ça ». C'est toujours plus compliqué avec les gens qui refusent de parler. Je penche légèrement la tête, le fixe un long moment et cherche à comprendre ce qui peut à ce point bloquer ce type. Il a l'air de connaître le conservateur du musée, il s'est inévitablement payé le luxe de faire assurer son alto pour pouvoir l'exposer dans cette galerie, son costume semble avoir été taillé sur lui avec de belles étoffes... bon sang. Il a le fric, les connaissances, qu'est-ce qui l'empêche à ce point d'être épanouit lorsqu'il joue ? Échec à un concours ? Hum... il n'aurait sûrement pas continué à jouer. À moins que sa carrière n'ait été interrompue par une fracture ou une blessure grave à la main ? Je me surprends à laisser promener mes yeux le long de l'archet, détaillant ses phalanges à la recherche d'une cicatrice, mais je n'y trouve rien. Rien si ce n'est qu'il a plus des mains de pianiste que d'altiste. Merde... j'ai envie de savoir. Je me tue à répéter à mes élèves que s'ils veulent devenir musiciens, ce n'est ni leur naissance, ni leur sexe, ni leur origine qui doit conditionner cela. Il n'y a que le travail et la passion qui soient susceptibles de faire d'eux de médiocres amateurs ou de formidables virtuoses. Ce type... Seymour... il est enfermé dans une bulle de déni et préfère répéter en boucle qu'il n'est pas altiste. Je ne réplique rien, consciente que si j'insiste, il va se fermer davantage et je perdrais définitivement le droit de lui reposer la question.
Je me contente d'un soupir, hausse les épaules et garde cette interrogation dans un coin de mon esprit. Moi qui me disais quelques minutes plus tôt que je ne le reverrais jamais et qu'il n'aurait ainsi pas l'occasion d'en savoir plus à mon sujet, voilà que je m'aventure à vouloir creuser le mystère qui l'entoure. Mystère qui s'épaissit lorsque d'un coup, la question sur son choix de programmation fuse. Il a l'air réellement inquiet, comme l'idée que je puisse réellement apprécier ses directives artistiques soit d'une importance capitale. C'est fou comme il l'air différent de l'homme assuré qu'il est entré dans la pièce quelques minutes plus tôt. Le mépris s'est fissuré, l'assurance s'est envolée et le voilà maintenant soucieux, indécis, et je ne peux que répondre avec la franchise qui me caractérise tant. Oui j'aime ses choix, oui je les trouve audacieux et... mais c'est qu'il rougit ?! Alors ça... il est tout rouge, si je n'étais pas aussi surprise j'éclaterais de rire ! Non vraiment, c'est possible d'être aussi irritant et mignon à la fois ? On dirait un adorable chaton qui se transforme par moments en gremlin. J'entrevois presque une issue, une reddition de sa part, quelque chose... je le vois presque accepter que nous sortions ensemble pour rejoindre la scène et... et il range son alto, ce con. Il est buté, borné, exaspérant et j'ai envie de le secouer pour lui dire d'arrêter de faire la princesse effarouchée.
J'avais bien dit que ça finirait par sortir...
Je n'arrive plus trop à savoir si je l'engueule ou si je le flatte, à ce stade, mais moi aussi, je suis énervée. J'espère que l'autre crétin d'altiste qui doit jouer ce soir aura amené son alto, j'espère qu'il ne fera pas un caprice – là-dessus j'ai des doutes – j'espère que ce concert aura lieu et j'espère aussi que Seymour finira par me dire comment fonctionnent les rouages détractés de son esprit.
Lui aussi est doué pour éluder les questions, bon sang... le voilà qui rebondit comme la danseuse en tutu de soie qu'il est pour me renvoyer l'ascenseur. Merde... ça passe à ce point pour de la drague, mes compliments ? Il faut dire qu'il n'est définitivement pas laid à regarder et, je dois bien l'avouer, j'ai toujours eu un faible pour les musiciens. À mon tour, je sens mon visage s'embraser et devine aisément que mes joues doivent avoir pris une jolie teinte pivoine. J'ouvre la bouche, incapable de savoir quoi répondre, la referme, réfléchit... je suis censée répondre quoi à ça ? Au secours !
Belle démonstration d'éloquence, Pandora. Superbe, vraiment. Je n'ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit de plus qu'il enchaîne, enfonçant un peu plus ce qui ressemble de plus en plus à une technique de drague qui, en d'autres circonstances, m'aurait fait rire. Je papillonne des yeux sous la surprise, partagée entre l'envie que j'ai de lui dire oui – pour des milliers de raisons, pas seulement pour ses beaux yeux, non mais oh – et refuser poliment pour maintenir entre nous une certaine distance. Et puis je tombe dans le piège. Parce que la malice dans ses yeux plissés par l'amusement m'attire, parce que je l'ai suffisamment provoqué pour qu'un non passe pour un caprice de ma part, et parce que je meurs d'envie de comprendre pourquoi le poids de son alto semble peser huit tonnes sur ses épaules. L'étonnement passé, j'esquisse un sourire et hausse les épaules.
Voilà voilà. Comment mettre les deux pieds dans le plat d'une façon tout aussi évidente que la sienne. C'est vraiment la première fois que ma franchise ne fait pas peur à quelqu'un ! Pourtant, à peine ai-je le temps de répondre cela et d'ajouter que nous pouvons nous retrouver à l'entrée du musée que la porte s'ouvre à la volée. Je sursaute en voyant entrer un conservateur transpirant la peur et le stress qui tente de retenir un musicien rouge de colère. Décidément, tout le monde rougit, ici... L'agression fuse, directe, s'incarnant en des mots crachés avec suffisance et mépris. Je déteste ce type. Thomas Smith, voilà le nom de l'impertinent qui se permet d'exiger qu'on lui rende un instrument qui ne lui appartient pas. Sa suffisance m'exaspère depuis plus de douze ans : je m'en souviens, nous avons intégré le LSO en même temps. C'est lui qui est venu combler la chaise vide qui, je le pensais naïvement, devait avoir été attribué à mon ange gardien. Au lieu de ce garçon séduisant et plein d'entrain, l'orchestre traîne depuis une décennies ce boulet imbu de sa personne et persuadé qu'il est l'élément indispensable de la formation. Doit-on lui rappeler qu'il n'était qu'un second choix, à l'origine ?
C'est alors qu'il semble prendre conscience de ma présence, me toise de haut et crache ces quelques mots qui me glacent.
Mes poings se serrent, ma mâchoire également, mais je suis incapable de répliquer quoi que ce soit. De l'assurance, j'en ai. En apparence. En réalité, je doute toujours beaucoup de mon talent, me demande sans cesse si je ne suis pas simplement une usurpatrice et si j'ai réellement mérité ma place de soliste. Ces mots qu'il crache, je les sais enrobés de méchanceté et de malhonnêteté, mais je ne peux m'empêcher de les écouter et d'y croire. Petit con... Préférant ne rien répondre, je me tourne vers le conservateur du musée.
Si je suis vexée ? Sans blague... je suis surtout incapable de me sortir la remarque de Smith de la tête. Ça me fait mal de me dire que je viens de suggérer au conservateur de lui confier un instrument presque aussi bon que le Vuillaume de Seymour. J'attrape mon violoncelle, l'archet, récupère les partitions des mains de Seymour et me dirige à grands pas vers la galerie du musée. Quelques instants plus tôt, je me réjouissais presque d'aller partager une passion commune autour d'un verre mais là... minute... le conservateur l'a appelé Henry ? L'intervention de Smith m'a sorti ça de la tête mais... Henry ? Étrange comme ce nom lui va mal et pourtant, il m'évoquer quelque chose. Mince pourquoi je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui me tracasse ? C'est un prénom tout à fait classique, surtout chez les aristo, après tout. Je m'installe à ma place, pose les partitions sur le pupitre et salue les deux violonistes d'un air distrait. Tandis que le public nous applaudit, l'idiot du village se fait attendre. Lorsqu'il surgit de l'aile privée, c'est pour bomber le torse face à un public qui l'applaudit lui aussi en pensant naïvement qu'il doit être le soliste de la troupe. Dans sa main, une alto vieux de deux siècles qui ne va pouvoir que souffrir sous les coups d'archet acérés de Smith. C'est un bon musicien, c'est vrai. Mais un bon musicien lorsqu'il joue seul. Au sein d'un quatuor, il fait tâche, ne s'harmonise pas aux autres parce qu'il refuse de faire partie d'un tout et c'est une chose qui m'exaspère au plus haut point. Anika, la première violoniste, lève les yeux au ciel et lui désigne sa montre pour lui rappeler qu'il est en retard. Lorsque le silence se fait, je n'ose même pas lever les yeux vers le public, de peur d'y croiser le regard de Seymour. Je me concentre, darde mon regard sur Anika et la suit lorsqu'elle donne le coup d'envoi du concert.
Voilà... c'est ça... une bulle de sérénité, de musique et d'harmonie, voilà ce dont j'avais désespérément besoin. Il y a une réelle connivence entre Anika et James, son compagnon de pupitre et de vie, une telle osmose qu'ils semblent jouer d'un seul et même instrument. Pourtant, il y en a un qui ne suit pas. Un qui semble toujours tarder un peu sur la fin d'une phrase ou anticiper un peu un départ, un qui me donne envie de lui enfoncer mon archet dans l'œil lorsqu'il m'agresse les oreilles avec son trémolo interminable, un qui ne suit que sa propre battue et non celle d'Anika. Ça ne joue pas à grand chose et la quasi totalité des spectateurs ne doit y voir que du feu, mais l'oreille affûtée de n'importe quel musicien doit entendre ce qui cloche dans notre formation. Les pièces s'enchaînent, les applaudissements pleuvent et nous effectuons même deux rappels pour satisfaire un public qui en demande toujours plus. Perdue à mi-chemin entre la musique et mes pensées, c'est lors du dernier morceau que je relève finalement les yeux vers le public et y croise ceux de Seymour.
Henry... altiste... bordel de merde – que de vilains mots dans mon esprit – mais... non. C'est impossible que ça soit lui, la coïncidence serait bien trop énorme. J'essaye de me remémorer son visage, douze ans auparavant. Plus de barbe, des pattes d'oie moins dessinées autour des yeux... mais un sourire inchangé. J'ai envie de croire que c'est lui, mais le rationalisme de mon esprit me pousse à penser que je cherche à idéaliser ce quasi-inconnu pour combler une question sans réponse : qu'est devenu celui à qui je dois ma carrière de musicienne ?
Lorsque le concert se termine, je quitte en silence la scène avec les autres et regagne l'aile privée où j'ai laissé mes affaires, tandis qu'eux se dirigent vers les loges. Tant mieux. J'ai besoin de calme pour réfléchir. Je détends les crins de mon archet, passe un coup de chiffon sur le bois de l'instrument, le range précautionneusement et me dirige vers la sortie, toujours perdue dans mes pensées. Tellement perdue que j'en percute quelqu'un au niveau de la sortie.
Ce n'est qu'après l'avoir prononcée que je me rends compte que ma phrase est effroyablement tendancieuse.
Je le suis jusqu'à l'extérieur, plonge les mains dans mes poches pour les épargner du froid et m'arrête à nouveau.
J'ai le cœur qui bat à tout rompre et suis incapable de savoir ce que je préférerais entendre comme réponse : qu'il ne soit pas celui auquel je pense, au risque d'être déçue, ou que ça soit bien lui et que... et que quoi, d'ailleurs ? À peine ai-je posé cette question que je la regrette déjà.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Jeu 15 Mar - 21:37- H. Calixte Seymourhumain
- Messages : 1386
Date d'inscription : 15/12/2017
Crédits : (avatar) sølune.
Métier : contrôleur de gestion des Laboratoires Asclepios ; altiste
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Une part de Calixte s’amusait, c’était indéniable. Une part de lui s’amusait à répliquer, du tac-au-tac, s’amusait à se savoir face à une femme du même acabit que lui, que rien ne semblait arrêter, que rien ne semblait heurter mais qui avait une certaine finesse dans ses propos, une finesse qui n’avait strictement rien à voir avec de la pudeur ou un balai planté au mauvais endroit. Rien à voir avec cela : Pandora possédait définitivement toutes les qualités que Calixte recherchait chez ses pairs, toutes ces qualités qui alimentaient non seulement une bonne conversation mais également un éclat de malice dans son regard, jusqu’à cette lueur provocante donnant envie de jouer au poker avec elle, ne sachant pas où donc se situait la limite que l'autre ne franchirait pas.
Et que tout dégénère, allant de mal en pis, de mieux en mieux, avant que tout ne dérape et ne s’échappe hors de son contrôle, avant que le Seymour ne se fasse malmené dans ses émotions et sa sensibilité par la musique, par son alto, par ses regrets et ses doutes, par même une remise en question de ce qu’il pouvait faire dans le monde de la musique, un monde qui lui était interdit et qu’il fréquentait quand même en déambulant sur la ligne du trop avec une témérité délétère. Tout dégénéra, des promesses commencèrent à être rompues, comme celle de ne plus jouer avec un autre musicien, et Calixte eut comme l'impression de tremper ses lèvres dans un Sauvignon de première classe après des années d'abstinence. Et prit peur. Définitivement peur de ne pas réussir à tourner le dos une seconde fois à tout ça s'il cédait une fois de plus, de désobéir une fois de trop à un interdit de Papa… Calixte prit peur. Se crispa. Se rétracta. Se referma sur lui-même et une part de lui se mit même à comprendre la réticence qu’avait Helena à goûter une nouvelle fois un alcool de crainte de ne plus pouvoir faire marche arrière. Parce qu'il avait réellement apprécié ces quelques mesures, cet aperçu d'un tout. Parce qu’il mourrait d’envie de poursuivre. Parce que ça le consumait. Parce que tout, absolument tout, lui semblait bien plus compliqué que ce qu’elle pouvait croire, jusqu’à son manque d’assurance soudain et ses joues inhabituellement rougies sous les compliments, un rougissement qu’il masqua en s’empressant de refermer la boîte de Pandore, avant l’amère sensation d’y enfermer l’espoir, redite du mythe.
La discussion avait pris une trop belle tournure - finalement - pour que cela ne dure plus longtemps : on les interrompit brutalement. Et l’interruption prit la forme d’un conservateur et d’un musicien, d’une phrase d’excuse et d’une agression qui causèrent chez Calixte un renversement complet de son état d’esprit. De l’homme - comment avait-elle dit déjà ? - musicien, sensible et musicologue, nulle trace : il n’y eut soudainement qu’un aristocrate agacé. Et plus de drague ni de charme, juste un mépris affiché.
Dans la galerie, il n’eut pas le loisir de s’adosser contre un mur, comme il avait pu le souhaiter. Dans la galerie, Calixte fut aussitôt accaparé par des poissons-pilotes comme il les appelait en son for intérieur, de ceux qui tournoyaient autour de lui attirés par son nom, sa réputation, son assurance et non par tout le reste. Dans la galerie, Calixte fut forcé de mettre de côté Pandora, la si curieuse Pandora, fut forcé d’oublier ces quelques notes jouées, ce frisson sur ses doigts et l’ombre des mains de la violoncelliste sur ses trapèzes crispés, il mit de côté tout cela pour être celui qu’on attendait. Pas un altiste, pas un dragueur, pas un musicien, pas un brin musicologue, juste le mécène et le pont vers Edward et Papa que bien des gens voyaient au travers de sa présence. Dans la galerie, puis face au quatuor, Calixte se retrouva plongé dans un univers dont il connaissait par coeur les codes. S’y noya par la force de l’habitude. Evita de poser son regard sur la rouquine, se contraignit à n’écouter que d’une oreille distraite l’harmonie pour suivre la conversation, autour d’un verre de champagne bien choisi, qu’on lui réclamait. Tatouage et dépistage étaient bien évidemment au coeur des débats, la position d’Asclepios n’en était pas de reste, quelques rumeurs sur Papa qu’il s’empressa de faire disparaître dans un éclat de rire et un mensonge assuré, des remarques, par ci, par là, invitant au calme et à la confiance en leur gouvernement si solide furent articulés quand vint le sujet du dealer… On ne parlait pas que de musique et d’alto, au fond de la salle qui accueillait la formation musicale, on n’écoutait pas réellement Webern, on ne prêtait pas réellement attention à cette harmonie, presque parfaite, défaillante au son d’un altiste trop m’as-tu-vu qui hérissait le poil de Calixte, et quand vinrent les applaudissements, les mains claquèrent par réflexe, politesse et hypocrisie plutôt que par réel enthousiasme, au grand désespoir du Seymour. Un premier rappel, il délaissa le verre - vide - et récupéra quelques petits fours. Un second rappel, il s’éloigna du groupe de Lord et de Sir pour céder - encore - à la tentation. Aux derniers applaudissements, il croisa le regard de Pandora. Et sourit, bien évidemment, dans un mouvement bref de la tête, un mouvement appréciateur, et une grimace légère désignant sans nul doute possible le paon qui se rengorgeait à côté. Quel triste con.
Juste à temps.
Son coeur rata un battement.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Dim 18 Mar - 21:07- Pandora A. O'Sullivannon tatouée
- Messages : 1062
Date d'inscription : 10/02/2018
Crédits : Skweecky
Métier : Violoncelliste / faussaire
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Je ne sais pas ce qui m'a retenue de le frapper. Je hais les excès d'arrogance, abhorre le mépris des idiots de son genre et pourtant, je suis restée figée là, incapable de lui dire d'aller se faire foutre. Finalement, c'est Seymour qui s'en charge pour moi et je dois bien avouer que je lui en suis reconnaissante. Bon courage, qu'il me dit ? Ça c'est sûr, il va m'en falloir un paquet. C'est toujours pareil, avec ces altiste à la con : moi je, moi je, moi je. Incapable de suivre une battue correctement, le mec arriverait à vexer un métronome ! Ça n'a d'ailleurs pas loupé pendant le concert, puisqu'il a trouvé le moyen de se faire remarquer. C'est idiot mais... cette alchimie qui a commencé à prendre entre Seymour et moi me fait cruellement défaut lorsque je me retrouve sur scène : je suis alors persuadée que s'il avait accepté ma proposition, tout aurait été parfait. Bon il aurait fallu ligoter l'autre con, mais ça c'est une autre histoire. Lorsque je relève les yeux vers la salle, je l'aperçois, entouré d'une foule dont il entretient la conversation avec un sourire hypocrite. Bon sang, mais c'est qui, ce type ? Il est célèbre au point de rassembler les foules, en fait ? Seymour... j'ai beau y réfléchir, pas moyen de comprendre pourquoi tout ce monde lui tourne autour comme si c'était la star du coin. Il faut dire que je n'ai plus vraiment le temps de regarder la télé ni de lire les journaux, ce qui explique sûrement pourquoi sa célébrité m'échappe.
Lorsque le concert se termine, c'est presque avec soulagement que je le percute, alors même que je commençais à me dire qu'il avait dû fuir la foule et oublier son invitation. J'esquisse un sourire un peu gêné, remet machinalement une mèche de cheveux derrière mon oreille et sors telle une princesse lorsqu'il exagère une courbette en direction de l'extérieur. Son compliment me fait plaisir et pourtant, j'enchaîne immédiatement sur la question qui me taraude depuis quelques minutes déjà.
Oh doux Jésus…
À force de vivre avec Marcus, son humour déteint sur moi ! Songeant soudain à mon frère, je me fais la remarque qu'il doit se demander si je n'ai pas disparu dans un trou noir, depuis le temps. Seymour poursuit tandis que je hausse les sourcils et pince les lèvres.
Il me tend alors la main, j'hésite un instant, rouge comme une pivoine. C'est maintenant que je suis supposée lui dire que je l'ai longtemps considéré comme un ange gardien et que je lui attribue ma réussite ? Mauvaise estime de moi, dirait un psy, mais j'ai toujours eu du mal à me dire que j'avais réussi ce concours grâce mon travail ou au talent. C'était plus facile d'attribuer ça à la rencontre éphémère avec un type bien plus assuré que moi. Je finis par lui tendre la main et serre la sienne en souriant avec un air amusé.
Maintenant que les présentations ont été faites, je l'observe discrètement. C'est quand même dingue de nous retrouver ici ! Douze années se sont écoulées, douze années que je lui dois les remerciements du siècle, douze années que je me demande pourquoi moi et pas lui. Il a pris quelques centimètres, une carrure athlétique que l'on devine sous son costume et la barbe le rend méconnaissable. Tu m'étonnes que je ne l'ai pas reconnu ! À l'exception de son sourire et de ses yeux qui me font dire que c'est ça qui a dû me mettre le doute, j'aurais eu du mal à le reconnaître. Calixte... c'est quand même pas commun, comme nom, mais c'est franchement mieux que Henry. Lorsque j'essaye de coller Henry sur son front, il prend 30 ans dans la figure et l'incontinence avec mais bon... on me dit souvent que j'ai l'esprit un peu trop imagé.
Alors Calixte, pourquoi n'avoir pas rejoint le LSO ? Si je n'avais pas peur de la réponse, je lui poserais immédiatement la question. N'a-t-il pas été pris ? Est-ce cet échec qui le pousse à s'interdire de jouer ? Ou est-ce pire encore ? Il poursuit, je penche la tête sur le côté et fronce les sourcils. À aucun moment il n'a dit qu'il avait été refusé. Il a simplement dit qu'il n'avait pas eu le plaisir de rejoindre l'orchestre... pourquoi ne pas être venu s'il était pris ? Là, ça m'échappe. Je n'ose répondre quoi que ce soit, perturbée par cette révélation et lorsqu'il enchaîne, je n'ai pas non plus le temps de répondre quoi que ce soit car il a la bonne idée de m'inviter à nous trouver une table au chaud.
Visiblement, il a décidé que ça serait ce café et pas un autre. Je n'y suis jamais entrée, il est réputé pour être un peu trop huppé pour les petits portefeuilles. Résignée, je sors mon téléphone, envoie un message à Marcus et me hâte jusqu'au café. Lorsque nous entrons, le son d'un piano nous accueille et je repère un peu plus loin un pianiste qui improvise sur un vieux standard de jazz. Une serveuse en tailleur et chignon impeccable nous accueille, et je me sens soudain très mal à l'aise. Comme si je n'étais pas la bienvenue dans ce genre d'endroit. Nous nous installons, la carte nous est présentée et j'ignore résolument les prix exorbitants pour ne me concentrer que sur une chose : le choix du thé le plus adapté à la situation. Commençons par quelque chose de soft, si j'entame les hostilités avec le remontant alcoolisé dont je rêve à cet instant, il va me prendre pour un poivrot.
Détend-toi, Panpan, ça va bien se passer. Je jette mon dévolu sur un mélange fruité et referme la carte aussitôt. De quoi parlions-nous ? Ah oui.
J'ignore si je vais passer pour la cruche de service qui n'est pas au courant de ce qui se passe autour d'elle, ou si au contraire il sera agréable surpris de voir que je m'intéresse à sa personne et non à ce que la presse peut dire de lui. Entre nous, la presse pourrait bien lui prêter une folie avancée ou des délires douteux que je m'en ficherais, pour le moment.
Je soupire en me passant une main dans les cheveux. Si c'est ce crétin qui a pris la place de Seymour, c'est encore plus con que je ne l'aurais cru ! En parlant de ça... la serveuse nous apporte nos commandes, j'attends un peu que les feuilles de thé aient fini d'infuser et joue avec la petite cuillère ouvragée qui est posée sur la soucoupe.
Il paraît que ça ne me ferait pas de mal de me taire, de temps en temps... Je déballe le petit biscuit qui accompagne mon thé et en grignote un morceau. C'est con mais j'ai vraiment envie de savoir, de comprendre pourquoi ce type qui a l'air d'avoir tout pour lui affiche l'air le plus triste et résigné du monde dès qu'il pose les yeux sur son alto.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Sam 24 Mar - 22:11- H. Calixte Seymourhumain
- Messages : 1386
Date d'inscription : 15/12/2017
Crédits : (avatar) sølune.
Métier : contrôleur de gestion des Laboratoires Asclepios ; altiste
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Si Papa avait trouvé inconcevable qu’un de ses enfants et plus encore un de ses fils fasse de la musique son métier, il n’avait pas refusé à Calixte le droit de conserver un pied dans le milieu à titre de simple activité ludique et axillaire, et pour cause : ce genre d’exposition, de rassemblement était un prétexte pour toute une partie de leur classe sociale aux discussions et aux accords, aux réflexions et aux mondanités. Calixte n’était pas seulement là pour superviser, ni pour signer quelques chèques et en récupérer bien d’autres, Calixte n’était pas seulement là en tant qu’organisateur ou mécène connu et reconnu de la galerie, il avait également un rôle, un rôle de porte parole de la famille Seymour, un rôle d’oreille attentive, de propagande, un rôle de représentant de Papa et d’Edward. Et lorsque le concert commença, il ne put réellement en profiter ou l’écouter, il attacha son attention à ce qui justifiait sa présence ici aux yeux de Papa, argumenta verre à la main, répondit, petit four entre les doigts, contre-attaqua, sourire aux lèvres, de ces sourires qu’il offrait sans réfléchir, sans le moindre effort, réflexe acquis avec l’âge et l’habitude alors qu’il n’avait été qu’un enfant insolent et intenable pendant les plus jeunes années de sa vie. Qu’il avait changé, qu’il avait gagné en crédibilité, qu’il avait gagné en responsabilité. Qu’il s’était fait enfermé dans un rôle, dans un rôle de représentation, également. Porte-parole de Papa, futur porte-parole d’Edward, porte-voix des Veilleurs, ce n’était que très rarement que Calixte avait le droit de s’exprimer par lui-même, d’exposer son opinion, distincte de celles de ses aînées. Et cette fois n’y faisait pas exception, lorsqu’il rit poliment aux plaisanteries d’un duc, d’un comte, d’un lord ou d’un que-sais-je encore, c’était Edward qui riait. Et lorsque ses yeux se plissaient d’une hilarité mesurée, c’était ceux de Papa qui s’exprimaient. Naturellement. C’étaient ceux de Papa, teintés du caractère de Calixte, que l’on observait. Et quand le cadet Seymour applaudit chaleureusement le quatuor, ce fut par son biais la famille Seymour qui applaudit, le dissolvant dans l’impersonnalité de la représentation, avec obéissance et complaisance, fermant son esprit à la colère et aux regrets pour jouer le rôle qu’on attendait de lui et attendre patiemment le moment où il allait pouvoir délaisser duc de Somerset et baron Seymour, pour n’agir plus qu’en tant que Calixte, uniquement Calixte. Laisser tomber Henry Seymour, second fils du duc, et courir vers la sortie intercepter une - très - jolie rouquine qui s’en échappait.
Parce qu’après tout, ils avaient une conversation à poursuivre, à finir, et le courant était trop bien passé entre eux en l’espace de quelques demi-douzaines de minutes pour ne pas en profiter : Calixte était curieux d’en savoir plus sur elle, de la connaître davantage, de comprendre également comment elle faisait pour supporter de jouer avec un abruti pareil dans une formation aussi remarquable que celle qu’il avait failli rejoindre, des années plus tôt. Et à ce propos… la question de Pandora le prit de court, vraiment. Et lorsque les pièces s'emboîtèrent enfin dans son esprit pour lui offrir une réponse et un souvenir, oh doux Jésus lui échappa, de la même manière que Maman dispensait des bonté divine et Papa des par l’amour du ciel avec leur familiarité bien connue.
Oui, Calixte avait effectivement passé le concours pour intégrer l’orchestre symphonique. Mais il ne l’avait pas rejoint et même s’il nota le froncement de sourcils de Pandora, il n’eut aucune envie de s’attarder sur le sujet, balançant entre son humilité naturelle - absente - et cette envie d’exposer à tous l’injustice qu’il avait subie - envie absente également. Calixte se passa une main dans la barbe, renchérit avec davantage de questions et conclut sans permettre une seule seconde à Pandora de l’interrompre que quitte à discuter comme des commères, il valait certainement mieux s’abriter dans un endroit chaud, à l’abri du vent et dispensant si possible quelques tasses de café ou d’alcool un peu plus fort que de rester dehors à perdre peu à peu leurs extrémités sous un froid mordant. Sans hésiter réellement, Calixte désigna le café le plus proche et commença à s’y diriger. Il n’avait pas l’habitude d’attendre qu’on obtempère dans ce genre de situation : la réponse de la violoncelliste aurait pu être négative qu’il aurait continué dans son idée.
Aussitôt, Calixte remarqua une chose : elle n’était pas à son aise. Trop nerveuse, à regarder autour d’elle dans un premier temps puis à fixer la carte avec attention, d’instinct il pouvait sentir qu’elle détonnait dans l’ensemble ou du moins qu’elle pensait détonner, ce qui revenait presque au moment. Et pourtant, dans un même temps, elle s’harmonisait au reste. Calixte fit un signe de tête au gérant du café - qui le connaissait bien -, s’installa sans plus tarder en face de la violoncelliste, posant sur la chaise voisine l’étui de son alto. Ses yeux parcoururent la carte, sans s’y attarder pour autant, la refermèrent, il résista à grand peine à l'envie de desserrer sa cravate, entreprit plutôt de l'observer choisir une boisson.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Sam 24 Mar - 22:24- Pandora A. O'Sullivannon tatouée
- Messages : 1062
Date d'inscription : 10/02/2018
Crédits : Skweecky
Métier : Violoncelliste / faussaire
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Je suis loin d'être la nana la plus originale du monde. J'ai la tête en vrac le matin, j'aime les chatons et les licornes, j'écoute en cachette les pires horreurs que la musique d'aujourd'hui peut sortir, j'aime le pâtes et déteste les brocolis... non vraiment, niveau originalité on a vu mieux. Alors forcément, quand on m'invite à entrer dans un lieu où les serveurs sont au petits soins et où on vous sert le thé le plus fin que vous avez jamais bu, ça donne envie. Moi aussi, j'ai rêvé qu'on tire ma chaise, qu'on m'appelle madame et qu'on remplisse mon verre à chaque fois que je bois une gorgée. Vraiment. Mais la première fois que j'ai mis les pieds dans un endroit pareil, c'était avec Maximilian. C'était parfait, c'était somptueux, j'avais des papillons dans les yeux... et je ne me suis jamais sentie aussi mal à l'aise de toute ma vie. Ça l'a perturbé et presque vexé, maintenant que j'y pense. Mauvaise idée, de penser à Max, ça me met encore plus à l'aise. Mais c'est comme ça, je me sens toujours étrangère et particulièrement mal venue lorsque je mets les pieds dans un endroit pareil. On n'a manqué de rien, à la maison, loin de là. On avait à manger dans nos assiettes, un toit sur la tête et des jouets à Noël. Ça nous suffisait. Aller manger dehors, ça se résumait souvent à un fast-food et le goûter du dimanche c'était une glace achetée une livre à un vendeur ambulant. Débourser l'équivalent d'un salaire dans un repas, en revanche... je me sens aussi peu à ma place que Calixte semble à son aise. C'est drôle, quelque part : je reconnais bien cette élégance, cette aisance et ce côté « c'est normal pour moi » que j'ai tant observé chez Max. Calixte est à son aise parce que c'est son monde, ses habitudes et je suis loin de les lui reprocher. Après tout, sans un public pour consommer le luxe, le luxe n'aurait plus de raison d'être. C'est juste que... je crains de faire un faux pas. Un abruti qui rote en mettant des frites partout autour de lui fera moins tâche dans un mcdo qu'une gourdasse qui se tromperait de fourchette en mangeant son caviar dans ce genre d'endroit. Calixte est à l'aise, Calixte est détendu, Calixte est dans son monde. Et j'espère vraiment qu'il n'a pas trop remarqué ma gêne, sinon je vais vraiment passer pour une imbécile. Quand je parlais de Max à Charlie, il me disait toujours qu'un jour, je vivrais dans un château et qu'on m'appellerait madame la duchesse. AH ! La bonne blague ! Le jour où un sang bleu me passera la bague au doigt, les poules auront le râtelier de ma grand-mère ! Et je vous jure qu'elle a de bonnes dents !
Pourtant, ça m'a toujours fascinée, tout ça : les nobles ont cette exigence de la tradition et du sang qui les pousse à documenter chaque vie qui traverse leur généalogie. Je suis certaine qu'en tapant Seymour dans Google, on doit avoir les noms de tous ceux qui ont un jour fait partie de leur famille. Si je me souviens bien de mes lointains cours d'histoire, ils ont même compté une reine dans leur rang. Ça me fascine et pourtant, je suis larguée. J'ai peut-être en face de moi un héritier et futur je ne sais quoi, qui sait ? Dire que je lui ai dit qu'il était chiant... m'enfin c'est vrai. Il est chiant. Je relève alors la tête avec un air étonné.
C'est complètement dingue. Surréaliste. À peu près autant que la façon dont il parle de son patronyme. Visiblement, Calixte a l'habitude qu'on le reconnaisse, l'habitude qu'on connaisse sa vie et je pourrais le trouver condescendant si je ne trouvais pas ça révoltant. Ce n'est pas le ton qu'il emploie qui me laisse sans voix mais plutôt ce que ça implique : ce type est connu, on sait qui il est, ce qu'il fait... où sont la liberté et la vie privée, dans tout ça ?
Il n'y a aucun jugement dans ma voix, juste une réelle surprise teintée d'intérêt. Je n'ose déjà pas imaginer ce que c'est pour une star de cinéma, alors pour un type qui est né avec la célébrité au-dessus de la tête, qu'est-ce que ça doit être ? Immédiatement, j'embraye sur le sujet Thomas, qui fâche bien plus.
J'esquisse un sourire, amusé par le ton méprisant qu'a employé Calixte. Je l'imagine très bien avec un monocle et des moustaches en train de regarder Thomas de haut. J'imagine que ce genre d'attitude, typique de son rang, doit surprendre, fasciner, agacer... pour le moment, comme ça ne m'est pas destinée, je trouve juste ça drôle. En revanche, s'il commence à mettre une distance noble-roturière entre nous, là je rigolerai moins. La serveuse revient avec nos commandes et je me retrouve soudain bête : petite cuillère d'un côté, thé qui infuse dans la théière, sablier ouvragé posé sur le plateau mais personne pour me dire combien de temps je suis supposée laisser les feuilles tremper. De son côté, Calixte a l'air d'avoir fait ça toute sa vie et, je dois bien l'admettre, c'est frustrant et agaçant. Par ses manières, il accentue plus encore le fossé qui nous séparent. Serait-il à son tour gêné s'il se retrouvait « dans mon monde » ? Je n'en suis même pas certaine, finalement, car c'est plus facile pour lui de s'abaisser à mon niveau, j'ai l'impression. Préférant laisser de côté ma frustration de ne pas comprendre comment tout ça fonctionne, je préfère relancer la conversation sur le sujet qui me taraude, à savoir son absence au LSO.
À son hésitation et au ton qu'il emploie, je sens bien que Calixte n'a pas envie de parler de ça. Il est avare en mots, survole la question et n'avoue qu'à demi-mot la réalité : on l'a empêché de réaliser son rêve. On lui a coupé les ailes alors qu'il voulait quitter le nid et je trouve ça terriblement triste. Alors que, quelques instants plus, je le voyais comme l'un de ces privilégié à qui tout réussi, je me rends soudain compte que pour rien au monde je n'échangerais ma place avec lui. Je préfère avoir grandi dans une famille ordinaire, sans nom célèbre et avoir pu choisir ma voie plutôt que d'avoir à suivre celle que mes parents m'auraient choisie. Fini l'enfance, qu'on lui a dit... comme si faire de la musique un métier était un caprice d'enfant, tiens ! Je sens ma main se crisper sur l'anse de la tasse.
Et je m'arrête là car je ne sais rien de celui, celle ou ceux qui l'ont poussé à arrêter. Je ne sais rien de lui ni de sa famille et il vaut mieux ne pas s'orienter dans cette direction pour le moment. Analyste financier, qu'il me dit avec une fausse note de grandiloquence dans la voix. Je le regarde, bien peu impressionnée mais néanmoins amusée. C'est tout à fait respectable, d'être analyste, mais c'est tout de même triste pour un type qui se destinait à la scène et à l'expression de soi à travers la musique. Les chiffres sont froids, impersonnels et implacables. Tout le contraire de la musique.
Ne manquerait plus qu'on l'en dégoûte, tiens ! Ce qui est certain, c'est qu'il n'a pas l'air de vouloir s'étendre sur le sujet et ça se comprend. C'est sûrement trop dur et trop amer à supporter. C'est bien plus facile de cacher qui il est pour me demander qui je suis. Je souris, sans pour autant répondre tout de suite. Chaque fois qu'on me demande qui je suis, j'hésite à répondre que je suis une experte de la contrefaçon d'objets d'art, que je suis en colère permanente à cause d'un père qui m'a abandonnée et que j'ai dû dire adieu à ma carrière prometteuse de chanteuse à cause d'une insuffisance respiratoire aiguë. Et puis je me rends alors compte que j'aurais bien besoin d'une thérapie et ça me freine dans mon élan.
Je bien loin de l'histoire merveilleuse ou de la passion qui s'est éveillée après une révélation. J'ai simplement vu un bel instrument, point. Je souris, amusée, et bois une gorgée de thé.
L'habitude, Pandora, l'habitude. Que ce soit avec mes frères ou mes amis, nous avons l'habitude de tout partager, même notre assiette et... je me rends compte que si j'ai si vite eu le réflexe de proposer à Calixte de goûter au thé, c'est bien parce que je me sens suffisamment à l'aise avec lui pour ne pas avoir réfléchi une seule seconde. J'avale une seconde gorgée en souhaitant disparaître derrière ma tasse en porcelaine à motif fleurit. Fort heureusement, il relance la discussion.
Mes yeux se perdent en direction de la chaise sur laquelle est posée l'alto de Calixte et je me mordille légèrement la lèvre. J'étais censée faire du repérage, m'assurer que je pourrais récupérer l'instrument sans problème mais là... ça me semble compliqué. Il veille dessus comme si c'était son môme, autant dire que c'est peine perdue pour le moment.
La conversation se poursuit, les sujets défilent et bientôt, il n'y a plus que nous sur la petite mezzanine qui surplombe la place. En bas, les gens ont troqué le thé de 17 heures pour le repas et pourtant, nous en sommes toujours au même point, avec Calixte. Nous nous sommes raconté des histoires banales, amusantes, honteuses, juste assez anodines pour qu'on en sache plus sur l'autre sans avoir à rentrer dans les secrets inavouables. Le thé a été remplacé par un soda et, maintenant que mon verre est vide, je regard pour la troisième fois la carte.
Je hausse les épaules, désigne le truc en question à la serveuse qui me regarde avec un air interloqué puis reprends la discussion.
C'en est même un peu effrayant, à vrai dire. La serveuse nous apporte notre nouvelle commande et j'observe alors l'étrange superposition de couleurs dans le verre. Très bien... on a quitté l'élégance du thé, abandonné le ridicule du diabolo grenadine... à mon avis, ce truc-là va me monter à la tête et vite.
J'en avale une gorgée, le regrette immédiatement et déglutis avec difficulté. Après une quinte de toux qui fait perler des larmes à mes yeux, j'articule péniblement quelques mots.
Et ça rendrait la vue à Saint-Thomas, tiens ! J'attends toujours ma preuve ! Mais nous n'avons peut-être encore assez bu pour ça, surtout dans un lieu comme celui-ci.
Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly
Dim 25 Mar - 17:59- H. Calixte Seymourhumain
- Messages : 1386
Date d'inscription : 15/12/2017
Crédits : (avatar) sølune.
Métier : contrôleur de gestion des Laboratoires Asclepios ; altiste
It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte
pandora & calixte
Je vais prendre comme d’habitude, merci : Calixte n’aurait pu trouver une meilleure manière de montrer à Pandora qui’l était chez lui, dans ce café, dans ce quartier, dans ce milieu. A chaque seconde s’affirmait une conviction : ils n’étaient clairement pas du même monde, ils n’étaient pas vraiment du même milieu et même si ça ne changeait rien au fait que Pandora soit une femme particulièrement intéressante, Calixte se demanda un seul instant si cela allait poser problème. Non, bien sûr que non, il n’y avait aucune raison particulière pour cela. Il allait du moins faire en sorte que cela ne pose aucun problème. Avec un sourire, Calixte l’observa parcourir la carte, s’étonner du choix proposer, compléta ses propos en l’assurant de la bienveillance du service : si elle avait une quelconque question sur un mélange, sur la provenance des feuilles de thé ou autre, il ne fallait pas qu’elle hésite. Calixte était certain que n’importe quel employé saurait répondre à ses questions, si lui-même n’avait pas la réponse.
Et, au moins, sa popularité n’était pas due à sa connerie congénitale, contrairement à l’autre imbécile qui avait hérité par un quelconque coup du sort du titre d’altiste, ce qui faisait -aux yeux partiaux de Calixte – particulièrement honte à ce corps d’instrumentiste.
Mais suffisamment parlé de lui : c’était Pandora qui était la plus intéressante à ses yeux à cet instant – et ce n’était pas peu dire : d’ordinaire, Calixte adorait parler de lui, en long, en large et en travers. Mais pas aujourd’hui. Comment s’était-elle retrouvé invitée à cet événement ?
La conversation se poursuivit ensuite, il entreprit de lui décrire quelques thés, ils rirent d’ailleurs en en goûtant un deuxième, pour mieux chercher à détecter tous les arômes vendus par la carte, les sujets se suivirent sans se ressembler, sans qu’il ne sente le temps passer. Sans qu’il ne vit à un seul instant l’heure qui tournait. Et quand il jeta un coup d’œil à l’extérieur et n’y vit qu’un jour déclinant, Calixte déclencha les hostilités en troquant le thé poli et respectable contre quelque chose de plus corsé. Et Pandora le suivit sans plus tarder, optant pour du plus fort encore, sous le regard amusé du Seymour.
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|