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Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Sam 10 Fév - 18:55
Pandora A. O'Sullivan
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Pandora A. O'Sullivan
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It`s time to cut the rope and fly
pandora & calixte






J'ai toujours aimé les musées, les galeries d'art, les lieux de culture en général. On y voit la curiosité des badauds, l'impatience des enfants, l'œil critique des érudits... mais on croise rarement un type qui est entré là par hasard. Un musée, c'est un espace d'admiration face à l'art mais surtout, c'est un endroit remplit d'objets à la valeur inestimable. Un musée, c'est la poule aux œufs d'or dont j'ai besoin aujourd'hui. Et on peut dire que ça tombe bien ! Aujourd'hui s'ouvre une merveilleuse exposition au musée des beaux-arts de Newcastle : les grands luthiers qui ont marqué l'Histoire de la musique, rien que ça ! Des génies à l'oreille et à l'esprit affûtés, capable de faire d'un grossier morceau de bois un merveilleux instrument. Si je n'étais pas là pour... disons des obligations professionnelles, je prendrais plaisir à me perdre entre les tableaux et les instruments. Il y a ces peintures représentant des scènes de concerts, de récitals, et puis il y a des pièces de maître, prêtées pour la plupart par de riches mécènes. Un archet vieux de 400 ans, un violon ayant appartenu à Paganini, de véritables cordes en boyaux de je ne sais quel animal... Il y a vraiment de quoi être enthousiaste.

Perchée sur des escarpins à talons haut, je tente de me frayer un chemin au milieu de la foule, ignorant les reproches de ceux qui se prennent un coup de la grosse boîte renforcée que j'ai sur le dos. Quoi de mieux comme couverture qu'un violoncelle qui aurait sa place ici ? Une fois à l'intérieur, je pousse un soupir de soulagement et remet en place la veste de mon tailleur. Je déteste les tailleurs. Ainsi fringuée, j'ai l'impression de ressembler à une secrétaire à l'affût d'un beau mâle à séduire. D'un côté, il va bien falloir que je réussisse à le séduire, le couillon qui organise cette expo ! Seymour, qu'il s'appelle. Encore un sang bleu qui doit probablement pigner dès qu'il abîme sa manucure à 800£, tiens. Au contrôle des bagages, je dépose doucement mon violoncelle sur une table et observe d'un œil soupçonneux le type qui entreprend de vérifier ce qu'il y a à l'intérieur. Quelque part, c'est plus pour mon instrument que pour les éléments compromettants qu'il cache que je m'en fais. Je tends au vigile ma carte d'identité, lui fais un sourire crispé en croisant les doigts dans mon dos et soupire de soulagement lorsqu'il me dit que je peux y aller. Y a pas à dire, je suis toujours aussi angoissée dans des situations pareilles.

J'avise un petit pictogramme indiquant les toilettes, m'y engouffre et profite qu'il n'y a personne pour rouvrir le boîtier de mon violoncelle. J'attrape un talkie-walkie, une oreillette et un petit scanner de poche dissimulés dans le double fond et m'empresse de brancher tout mon attirail pour m'en équiper. Un dernier regard dans la glace et je hoche la tête. Non vraiment, je ne vois pas comment on pourrait me reconnaître. De rousse, je suis passée à brune, arborant un carré strict dont je ne voudrais pour rien au monde au quotidien, des lentilles noisettes masquent le bleu de mes yeux et j'ai même fait l'effort de sortir une paire de lunettes d'intello pour l'occasion. De toute manière, je sais pertinemment que si je joue bien mon rôle, personne ne fera vraiment attention à moi et c'est le but. J'allume alors le talkie et le teste.

Un deux ? Cucus, tu m'ent... oui... je sais... oui... oui... mais qu'est-ce que j'en ai à foutre qu'Attila ait bouffé les derniers oréo ? Arrête de lui filer n'importe quoi à manger ! Marcus... ta gueule. Voilà.

J'adore mon frère. Vraiment. Mais quand il est nerveux, il est insupportable. Du genre à vous convaincre que la Terre est susceptible de voler en éclats dans la minute. Je l'écoute me dire qu'il a piraté le système informatique du musée, qu'il a discuté au téléphone avec la charmante petite vieille de l'accueil, que tout est en place, que blablabla...

Ta carte falsifiée à marché, au fait. Le vigile n'y a vu que du feu ! Mais bon... tu étais vraiment obligé de m'affubler d'un prénom pareil ? Marguerite, sérieusement ?

Je l'entends pouffer de rire et lève les yeux au ciel en me dirigeant vers la galerie principale. De là, j'attrape mon téléphone pour faire mine d'être en pleine communication et éviter d'éveiller les soupçons.

Il faut que tu me fasses entrer dans l'aile privée. Je dois absolument voir cet alto, la copie doit être prête pour la fin de la... quoi ? Comment ça tu ne peux pas me faire entrer ?

Et le voilà qui se répands en excuses et commence à employer des mots d'informaticien un peu trop savants à mon goût pour tenter de m'expliquer pourquoi il a besoin que je vole une carte d'accès pour m'aider à entrer. Je soupire une fois de plus et grimace en me passant une main dans les cheveux.

Quoi ? Mais non y a pas de souris qui grignote l'oreillette, abruti ! C'est cette fichue perruque qui me gratte ! J'étouffe, là-dessous ! Bon aller, boucle-la...

Mon violoncelle commence à peser sur mes épaules et l'impatience de mon frère déteint sur moi. J'analyse mon entourage, repère les guides en visite, les vigiles qui surveillent d'une façon plus ou moins efficaces, les visiteurs... et je finis par repérer deux types en costume, dossier en main, pris au beau milieu d'une discussion suffisamment enflammée pour que son contenu me parvienne. Visiblement, ils ne sont pas d'accord sur la façon d'agencer une partie de l'exposition. Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je me dirige vers eux.

Je vous en prie, monsieur Seymour, nos employés ont travaillé comme des forcenés pour que cette exposition ouvre à temps ! Vous n'allez tout de même pas leur demander de tout changer maintenant pour un... un caprice !

Le pauvre conservateur... Arrivée à sa hauteur, c'est avec un naturel et une maladresse qui semblent authentiques que je le bouscule.

Oh pardon ! Je suis vraiment désolée, monsieur, j'admirais ce... vraiment navrée.

La voix qui chantonne au rythme de ma mutation, une main sur l'épaule du type dépassé, l'autre dans sa poche et je gratifie au passage Seymour d'un sourire radieux. Le conservateur me regarde sans comprendre mais, avant qu'il n'ait pu comprendre, je suis déjà loin, sa carte d'accès au fond de ma poche.

C'est bon, j'ai la carte... je me dirige vers l'aile privée.

Je sais que j'ai peu de temps. Tout juste assez pour croquer l'instrument sur une feuille, le scanner et le prendre en photo sous tous les angles. Après ça, il faut que je sois sur la scène centrale du musée pour accompagner deux violonistes. Ils sont un peu mon alibi, d'ailleurs ! Ça doit bien valoir une énième redite de Vivaldi, on va dire. Une fois dans l'aile privée, je goûte enfin un silence bien mérité. Ici, il n'y a personne. Personne à part moi et de magnifiques instruments prisonniers d'une vitrine de verre. Quel gâchis... pour se sublimer, un instrument a besoin d'être joué. J'enfile une paire de gants en satin et prends quelques minutes pour arpenter la salle, effleure du bout des doigts les socles de verre méticuleusement lustrées et finis par m'arrêter devant la plus grande des vitrines. Il est là, celui que je cherche. L'alto pour lequel un inconnu est prêt à me payer trois millions de livres. Quel dommage de ne pouvoir l'essayer ! Je sors mon téléphone de ma poche, avertis Marcus que j'ai besoin de travailler dans le calme – l'entendre chanter Jingle Bells à tue-tête et faux a eu raison de ma patience – et ramasse l'oreillette. Une photo, deux photos, trois photos... prise dans mon délire de photographe du dimanche, je heurte quelqu'un de plein fouet et retiens à peine un petit cri de surprise. Lorsque je me retourne, c'est pour faire face à celui qui accompagnait quelques minutes plus tôt le conservateur. Seymour.

Tiens... on dirait que je ne suis pas la seule curieuse à m'être perdue..., dis-je avec un sourire malicieux aux lèvres.

Elle a l'air sûre d'elle, Pandora. Mais elle s'est mise dans un sacré pétrin, Pandora.

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Dim 11 Fév - 10:57
H. Calixte Seymour
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Calixte était tendu, Calixte était nerveux mais, surtout, Calixte était heureux de la tournure des choses. Il était entouré de pièces de collection, réclamées une à une directement au propriétaire. Depuis combien de mois préparait-il cette exposition avec la patience d'un de ces hommes qui, justement,  avaient marqué l'histoire de la lutherie et de la musique classique. Il n'avait rien d'un Stradivari ou d'un Paganini, le Seymour, mais il les avait réuni, ne mettant pas uniquement l’accent sur ces bien-aimés qu'étaient les violons mais sur les moins remarqués altos, aux timbres plus doux, plus graves, plus… agréables et beaux tout simplement. Calixte était nerveux en ce jour d'ouverture. Il n'était que mécène, et prêteur aujourd'hui, cette exposition était la sienne, cette galerie était la sienne et il se trouvait précisément là où il aurait toujours dû être : au milieu d'instruments à cordes. Un regard glissa sur un violon, caressa un violoncelle… il n'était qu'un mécène parmi d'autre, qu'un costume parmi d'autres. Et pourtant il était au centre d'une spirale d'attention pour les initiés. Il était dans son élément. Dans son univers. Dans un univers de luxe, de musique et d’harmonie, de précision, de bois et de cordes frottées, d’archets, de peinture, de représentations diverses et variées, il était… Calixte s’arrêta au milieu de l’allée, sourd à ce qu’on pouvait bien lui dire. Yeux froncés, lèvres pincées, il parcourut le petit mot qui prenait la place d’un alto. Vuillaume XIXe, qu’on pouvait lire sur l’écriteau, raturé rapidement. d’une main nerveuse, additionné d’un prêt de H. Seymour. Ses yeux s’agitèrent, coururent à droite, à gauche, accrochèrent un imbécile. Grandes enjambées, Calixte lui tomba dessus sans plus de considération pour la discussion que l’organisateur pouvait avoir avec une autre personne - une invitée ? une mécène ? la directrice de la galerie, peut-être ? Où est-il ? On le regarda avec des grands yeux que Calixte qualifia instantanément d’ahuris. Pardon ? Où est mon alto ? Où est mon Vuillaume ? Vous n’allez tout de même pas le mettre ici ? Deux choses, il y avait deux choses qui suscitaient à cet instant l’agitation du cadet Seymour. Son alto, propriété des Seymour depuis bien une soixantaine d’années, joyau de lutherie, conçu par Vuillaume en 1829, manquait à l’appel parmi les instruments exposés, alors que Calixte n’en avait autorisé l’exposition que quelques heures à peine, des heures choisies. Et sous sa surveillance. Il avait certes confiance en la galerie et en la sécurité mise en place pour protéger les oeuvres exposées, mais protéger son alto ? Non. Il est actuellement dans la chambre Klimt,  Geoffroy nous a dit de… La fin de sa phrase se perdit dans le vide, Calixte l’avait déjà abandonné pour rejoindre le Geoffroy ainsi nommé.

Quelques mots de ce dernier lui suffirent pour que le ton monte, dans un agacement nerveux du côté de Calixte et un calme condescendant dans le cas de son vis-à-vis. Oui, ils avaient modifié le planning, les propriétaires des instruments ayant accepté, dans le contrat, que l’instrument soit utilisé par les solistes et musiciens de l’orchestre de Newcastle à l’occasion des représentations qui allaient commencer d’ici une demi-heure, et oui, bien sûr que le Vuillaume avait été sorti de son écrin dans ce but, afin de… Calixte pâlit. Il en est hors de question. Geoffroy soupira, d’un soupir qui enflamma la colère du Seymour. Je vous en prie, monsieur Seymour, nos employés ont travaillé comme des forcenés pour que cette exposition ouvre à temps ! Vous n'allez tout de même pas leur demander de tout changer maintenant pour un... un caprice ! Ses yeux s’écarquillèrent de surprise, mais avant qu’il ne puisse réagir d’une quelconque manière, Calixte fut coupé par l’arrivée d’une femme, d’une jeune femme, d’une jolie jeune femme qui les heurta tous deux dans une flopée d’excuses que Calixte reçut dans un soupir, quand bien même ils ne lui étaient pas destinés de prime abord. Le sourire radieux de l’idiote eut beau être attendrissant, il ne fit pas pour autant disparaître la nervosité de Calixte qui, une fois cet intermède terminé, revint à la charge.

Non, personne ne toucherait à son alto. Et oui, il pouvait tout à fait demander de tout bousculer pour un caprice et il allait le faire. Personne d’autre que moi ne touchera à mon Vuillaume, c’est compris ? Et ce n’est pas une question. Parce que je peux tout à fait le retirer de l’exposition dès maintenant, et ne pas me contenter de retirer uniquement mon instrument. Allez donc expliquer à Marjory pourquoi l’exposition, la galerie et même l’orchestre de Newcastle viennent de perdre l’un de leurs plus attachés donateurs pour un caprice d’un imbécile qui ne respecte rien de la propriété privée des gens ! Eclats de voix, éclats de colère, sur les fins, l’intonation de Calixte n’avait plus rien de contrôlé, une absence de contrôle qui devint plus que palpables lorsque le Seymour se détourna de Geoffroy pour le laisser en plan et rejoindre la salle Klimt, réservée au personnel, où son Vuillaume avait tout intérêt à se trouver. Quelques minutes encore se perdirent le temps que Calixte se dépêtre des conversations qui arrivaient, malgré son air peu avenant, à se frayer un passage jusqu’à lui.

Sa carte alluma en vert l’écran de contrôle, il glissa sur le pavé numérique le code qu’on lui avait remis le matin même, chercha immédiatement la vitrine où… se trouvait une visiteuse. La visiteuse ? Elle avait sorti un appareil photo, prenait son Vuillaume sous toutes les coutures, sans aucun respect pour la pudeur de l’instrument, sans même se rendre compte que la porte s’était ouverte et se fermait désormais dans un son feutré. Ce ne fut que lorsqu’il approcha suffisamment pour l’intercepter dans ses mouvements, et qu’elle le heurta sans plus de cérémonie, qu’elle s’aperçut de sa présence. Tiens... on dirait que je ne suis pas la seule curieuse à m'être perdue... Il haussa un sourcil. Une part de son agitation était désormais envolée, puisqu’il pouvait garder un oeil sur son instrument, mais elle affleurait cependant toujours, nerveuse et irritable. A la différence près que l’un de nous deux n’a rien à foutre dans le coin. Qu’est-ce que vous faites là, et qu’est-ce que vous voulez à ce pauvre alto ? Hésitant une fraction de seconde sur le ton à avoir, Calixte envisagea de la raccompagner à l’exposition pour la remettre dans les mains de la sécurité. Envisagea également d’en savoir plus sur sa présence ici. Envisagea aussi de discuter, tout simplement. Vous n’avez aucune pitié pour sa vie privée ? Ou son propriétaire qui l’a peut-être mis dans une salle hors public pour une raison bien précise ? La discussion, il avait opté pour la discussion. et l’anonymat relatif, aussi, alors que dans sa poche, ses doigts tournaient autour de la clé qui allait lui permettre de récupérer son bien pour le ranger dans son précieux écrin et le ramener chez lui. En sécurité.

Du regard, il ne put cependant s’empêcher de couver l’instrument. Peut-être est-il trop timide pour être exposé, cet alto. C’est méchant de jouer la paparazzi comme ça. Vous êtes al… Il considéra le volume de l’instrument qu’elle transportait visiblement, déposé un peu plus loin. Violoncelliste ?

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Dim 11 Fév - 11:15
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En voyant l'air contrarié de monsieur balai dans le cul, mon sourire de fane. Eh bin... encore un qui doit sourire quand il se brûle, tiens ! Son regard se tourne vers l'alto avec l'inquiétude d'un père pour son enfant et je fronce les sourcils, dubitative. Il faut croire qu'il y tient, à cet instrument, mais pourquoi ? Son ton est sec et sa voix trahit une certaine nervosité. Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres tandis que je croise les bras.

Je suis venue là pour faire un pique-nique, ça se voit, non ? Honnêtement... qu'est-ce que vous croyez que je sois en train de faire ? Les plus belles pièces de l'exposition sont présentées ici, c'est un gâchis de ne pas les montrer.

Il y a comme une forme de reproche dans ma voix. J'ai toujours trouvé ça idiot de cacher certaines œuvres en prétextant vouloir les protéger, comme s'il fallait appartenir à une certaine catégorie de la population pour être autorisé à poser les yeux dessus. Qu'on soit connaisseur ou néophyte, je pense que tous les regards ne peuvent que nourrir et sublimer l'instrument. M'enfin visiblement, môssieur n'est pas de cet avis.

Je n'ai pas l'intention de faire de mal à cet alto. Je l'admirais, c'est tout, et me disais que j'aurais beaucoup aimé que son propriétaire me joue quelques notes.

Ca, en revanche, c'est une chose à laquelle je tiens : qu'on mette un instrument de petite facture entre les mains d'un enfant ou d'un non musicien ne me pose pas de problème, mais mettre entre les mains d'une personne qui ne sait pas tenir l'instrument une pièce de musée, c'est courir le risque de l'abîmer. Je coule un regard vers mon violoncelle bien aimé, me jurant une fois de plus de ne jamais laisser qui que ce soit d'autre que moi jouer dessus. Je relève les yeux, amusé par le discours d'amoureux transit du pingouin en costard. Aucune pitié pour sa vie privée ? Trop timide ? C'est quoi, ce poète du dimanche ? Quelque part, j'aime sa façon de considérer l'instrument comme un individu à part entière, une créature douée d'émotions, capable de caprices comme du meilleur. Je le laisse parler, m'amuse et m'émeut de son discours puis, lorsqu'il remarque la présence de mon violoncelle, je me raidis et m'en approche avec une attitude maternelle.

Violoncelliste, oui. À vrai dire, le conservateur du musée m'avait demandé d'exposer mon instrument mais... comme c'est mon outil de travail, j'ai dû décliner l'offre.

Je l'observe, le jauge, cherche à savoir jusqu'où je peux aller dans les confessions. Si j'en dis trop, je grille ma couverture, mais si je me fais trop discrète, je vais éveiller ses soupçons.

Je joue habituellement à Londres, c'est la première fois que j'ai l'occasion de me produire ici... surtout sur un événement aussi important. Je n'ai pas pu résister à la tentation de me frayer un chemin jusqu'ici. J'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir importuné votre instrument.

Tout en penchant la tête sur le côté, mon regard se fait malicieux. À la façon dont il parle de cet instrument, je devine qu'ils ont une histoire en commun. Trois choix s'offrent à moi : il a appartenu à un membre de sa famille, à un conjoint ou à lui-même.

Alors dites-moi, monsieur Seymour... pourquoi avoir enfermé ici un si bel instrument si vous craignez qu'il ne soit regardé de trop près ?

J'ai l'air un peu moqueuse, c'est certain. Nul doute que je vais vite cesser de rire s'il m'apprend qu'il était initialement prévu que d'illustres inconnus jouent sur son alto. Mon regard se perd sur un mur de la pièce, où trône une grosse horloge murale. L'heure avance et, consciente que la discussion risque de s'éterniser, je m'agenouille près du boîtier de mon violoncelle et en sors un archet dont je commence à tendre les crins.

Vous voulez bien m'excuser ? Le concert est dans vingt minutes et ce serait dommage d'arriver avec un instrument mal accordé.

C'est fou ce que j'arrive à être polie, parfois. Mais il y a quelque chose dans le regard de cet homme, une... lueur, un air qui me rappellent quelque chose. Comme une impression de déjà vu dont je n'arrive pas à me défaire et qui me pousse à vouloir prolonger la discussion. Jusqu'à ce que je comprenne pourquoi Seymour me semble si familier.

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Jeu 15 Fév - 19:40
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Pour sûr qu'il était contrarié, le Seymour, pour sûr. L’exposition venait de prendre une tournure inattendue et inacceptable à ses yeux, un virage à 90° qui l’incitait à faire demi-tour, rentrer chez lui directement ou faire un arrêt violent au gymnase Howard pour mieux se défouler contre un sac de sable. L'art, la galerie, ces expositions qu'il montait en dehors de son temps de travail voire sur son temps de travail avaient bien d’importance dans sa vie que quoique ce soit d’autre, à l’exception bien évidemment des activités de sa famille. L’art, la galerie, tout cela étaient ses échappatoires, ses bouffées d’oxygène et le peu qui subsistait de ses anciennes ambitions. Il détestait, le Seymour, lorsque les choses n’allaient pas dans son sens ; il s’agaçait, le Seymour, lorsque dans une planification qui lui convenait venait se glisser un grain de sable, souvent directement lié au libre arbitre des gens d’ailleurs. Ah, qu’il détestait les gens dans leur ensemble, surtout les petits conservateurs de musée et autres directeurs qui, sous prétexte d’être à la tête du bâtiment et de l’organisation, s'arrogaient le droit d’outrepasser leurs responsabilités pour promettre au nom des autres des prêts inacceptables. Il fulminait, Calixte, avant d’entrer dans la pièce : sa crispation acquit le niveau supérieur dès qu’il vit une tierce personne ennuyer son Villaume sans sa permission encore une fois. Conséquence malencontreuse d’une enfance privilégiée dans un cadre privilégié avec des attentes et des regards encore une fois privilégiés, Calixte était la victime de bien des défauts à commencer par ce principe qu’il avait de croire tout le monde à ses ordres ou du moins prompt à exaucer ses désirs. Il n’aimait pas les grains de sable - hormis quand il en était à l’origine bien évidemment - il n’aimait pas les contretemps et aujourd’hui tout particulièrement, il avait décidé qu’il n’aimait ni les brunes, ni les surprises, ni les artistes, et encore moins les visiteurs. En somme, Calixte venait de but en blanc de décider qu’il n’aimait personne et que cela devait expliquer la voix sèche et agressive qu’il venait d’offrir à l’inconnue, tout en couvant jalousement son instrument du regard. Au moins l’avait-il sous les yeux, au moins pouvait-il se détendre un instant, juste un instant. D’un pas, il se rapprocha de la jeune femme, d’un autre, il s’adossa à un meuble, mains dans les poches. Que faisait-elle là, au juste ? Le reste de l’exposition se trouvait de l’autre côté de la porte, celle-ci était fermée au public, à très juste titre. Je suis venue là pour faire un pique-nique, ça se voit, non ? Honnêtement... qu'est-ce que vous croyez que je sois en train de faire ? Les plus belles pièces de l'exposition sont présentées ici, c'est un gâchis de ne pas les montrer. Une part de fierté et de satisfaction poussa Calixte à gonfler la poitrine devant ce compliment, même s’il était bien plus adressé à Villaume qu’au Seymour, comme un père se rengorgeant de compliments faits à son enfant. Une part de fierté pourtant encore à cet agacement face au reproche qui affleurait malgré tout dans la voix de la photographe - paparazzi ?. Que reprochait-elle, au juste ? Que l’alto ait été soustrait aux yeux des visiteurs ?

Calixte ne l’avait certes pas encore traînée de force dans les bras de la sécurité, mais qu’elle garde à l’esprit que ce n’était pas une possibilité tout à fait écartée et il lui suffisait de l’agacer une fois de trop pour que Calixte en ait assez et que sa patience, pas des plus remarquables, en vienne à s’épuiser. Par chance, elle tenait encore bon, la patience du Seymour, et il se contenta d’hausser les épaules. Tout dépend de ceux qui posent leurs yeux dessus. Face à des imbéciles, exposer un si bel instrument, c’est donner de la confiture aux cochons. Il ne mérite pas un tel affront, ils ne méritent pas un tel privilège. Et si elle en venait à le considérer comme hautain, dédaigneux, condescendant, élitiste ou que savait-il encore, et bien Calixte s’en fichait comme de sa première chaussette, il n’avait pas à s’intéresser à ce qu’une inconnue - même si elle était tout à fait charmante à regarder - pouvait penser de lui, surtout aujourd’hui. Rappelez-vous : Calixte avait décidé qu’il n’aimait pas les brunes aujourd’hui. Même les mignonnes, même celles qui semblaient avoir un de ces caractères bien trempés auxquels il aimait se confronter d’ordinaire. Tout ce qu’il avait en tête, c’était de récupérer son instrument, de partir d’ici et de se faire pardonner l’affront que l’alto avait failli subir en laissant courir sur ses courbes et ses cordes des doigts, des notes et un archet.

Je n'ai pas l'intention de faire de mal à cet alto. Je l'admirais, c'est tout, et me disais que j'aurais beaucoup aimé que son propriétaire me joue quelques notes. Une crispation, un rictus plutôt qu’un sourire, déforma le visage de Calixte à ces derniers mots, parfaitement superposés à ses pensées de mélodie. Jouer face à un public, voilà une habitude qu’il avait étrangement perdue, au grand damn de sa mère et d’Alice. Il n’aimait plus jouer pour les autres, plus depuis qu’on lui avait retiré le droit de jouer pour un auditoire, plus depuis que sa principale auditrice s’était effondrée devant lui. Ca avait été progressive, ça avait été définitif, on avait cessé de lui demander d’aligner les croches et les noires, les doubles croches et les soupirs, il avait continué à caresser les cordes en privé, pour ne pas abandonner malgré tout son instrument. Mais jouer pour quelqu’un… il prit son inspiration. Se détendit, surpris de se rendre compte à cette occasion que devant le respect de la jeune femme, une faible - mais bien présente - proportion de sa mauvaise humeur s’était envolée. Peut-être qu’il acceptera, peut-être qu’il n’en aura pas envie, on verra quand il aura l’alto dans les mains. concéda-t-il après un trop long silence, faisant tourner entre ses doigts la clé de la vitrine. Elle devait se douter que l’instrument était le sien - bien bête aurait été la personne ne comprenant pas ce fait derrière la façon de s’exprimer de Calixte - mais sans trop savoir pourquoi, il rechignait à clairement revendiquer l’instrument. Trop de respect pour le Vuillaume, ou juste trop de mauvaise humeur. Ou juste parce que maintenant qu’il avait commencé par ne pas le mentionner, changer de position n’était pas des plus élégants. Ni des plus simples. Ou juste que le jeu de la formulation l’amusait un peu, au fond.

Au final, peu importait, Calixte s’aperçut avec un temps de retard qu’il avait fini par réellement opter pour la discussion avec l’inconnue - toujours inconnue d’ailleurs - qui se trouvait face à lui. Une violoncelliste, à n’en pas douter : l’écrin de son instrument était éloquent par sa forme et sa taille. Violoncelliste, oui. À vrai dire, le conservateur du musée m'avait demandé d'exposer mon instrument mais... comme c'est mon outil de travail, j'ai dû décliner l'offre. Une moue. Tout à fait convaincue : il pouvait comprendre ce point de vue, tout en éprouvant une violente jalousie qui lui dévora les entrailles avec une brutalité sans égale. Professionnelle ? Il ne manquait plus qu’elle soit d’un orchestre célèbre, le LSO par exemple, pour que… Je joue habituellement à Londres, c'est la première fois que j'ai l'occasion de me produire ici... surtout sur un événement aussi important. Je n'ai pas pu résister à la tentation de me frayer un chemin jusqu'ici. J'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir importuné votre instrument. Ah. Je comprends bien. Mon alto doit comprendre également. Calixte sentit sa voix trembler, laissant de côté les excuses et les explications pour ne se concentrer que sur les premiers mots. Londres avait-elle dit. Le spectre de sa carrière dansait la gigue en périphérie de son champ de vision, le rendant muet, muet de jalousie. Le possessif se fraya même un chemin en toute impunité.

Même le regard malicieux de la violoncelliste ne sut le dérider de suite. Il en avait perdu, de sa superbe, le cadet Seymour. Alors dites-moi, monsieur Seymour... pourquoi avoir enfermé ici un si bel instrument si vous craignez qu'il ne soit regardé de trop près ? Enfermé. Calixte parvint finalement à faire taire sa jalousie, grandement aidé par la moquerie, suffisamment du moins pour redevenir lui même et celui qu'il offrait au grand public. Il est injuste de voir que vous connaissez mon nom alors que j'ignore le vôtre., petite esquive de la question : Calixte se savait assez sanguin pour ne pas avoir envie de titiller sa précédente colère. Il observa la jeune femme, quand son regard dériva sur la pièce, les murs, l’horloge, quand elle s’agenouilla sans prévenir, attisant son intérêt et lui offrant une diversion bienvenue. Calixte se détacha de son support de pied, jouant toujours avec la clé pour occuper ses mains, se rapprocha de la violoncelliste qui, semblait-il, s’apprêtait à accorder son instrument. Comme ça. Devant lui. Echauffant davantage encore cette envie brûlante de faire de même de son côté. Vous voulez bien m'excuser ? Le concert est dans vingt minutes et ce serait dommage d'arriver avec un instrument mal accordé. D’un haussement d’épaule, il lui donna son autorisation - peu importait qu’elle ne lui ait demandé que des excuses - et la regarda faire, avec la plus grande attention : elle connaissait son affaire. Et lui, était curieux.

Profitant qu’elle ait les mains prises et des notes résonnant dans la pièce, il se saisit des partitions flottantes : il avait beau connaître la programmation puisqu’il en était à l’origine, c’était autre chose que de rencontrer les instrumentistes choisis par le directeur de la galerie, les conseillers et autres blanc becs dont il n’avait - malheureusement - pas réussi à oublier les noms. Toute son éducation le contraignait à une bienséance et une élégance pénibles, lorsqu’il ne pouvait s’empêcher d’en faire profiter même les plus idiots dans certains environnements. M’enfin. Il reposa avec délicatesse les partitions, contourna la musicienne et ouvrit sans un mot la vitrine, pour finalement en sortir son alto, et se joindre à elle dans un concert de notes, accordant lui aussi son instrument. Je dois vous prévenir qu’il est fort probable que le concert soit repoussé, si ce n’est annulé. Le concert devait avoir lieu dans une demi-heure, dix minutes plus tôt : Calixte n’était pas analyste financier pour rien, il avait fait la soustraction de tête. Et sans avoir besoin de poser la retenue, voyez-vous ça. Sans sourciller davantage, il s’agenouilla, ouvrit un placard et se releva après en avoir extrait son étui et entreprendre de ranger son alto, inutilement accordé. Accordé juste pour le plaisir d’en jouer, même un peu, sans en jouer réellement. Compromis illusoire.

L’un des altistes s’est retrouvé à l’instant privé de son instrument. Rendez-vous compte, l’un des organisateurs de l’événement lui avait promis un Vuillaume sans en obtenir, en amont, l’autorisation du propriétaire. Bien malheureux, tout ceci. Et cela devait répondre, il n’en doutait pas, à plusieurs des questions de la violoncelliste. Tout un programme chamboulé sur le caprice d’un altiste refusant que l’on joue sur son instrument sans sa permission… Regard lourd de sens : Calixte plomba la jeune femme de ses prunelles, comme dans l’attente d’une réaction. Ce qu’il y avait en jeu ? Le respect qu’il éprouvait, bien malgré lui, pour elle et pour ses manières, sa manière de jouer, d’accord, de se comporter, qu’il appréciait. Bien malgré lui.

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Ven 16 Fév - 22:23
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Quelques part, monsieur ronchon m'amuse. Il a l'air d'en vouloir à la Terre entière et d'être prêt à massacrer quiconque oserait toucher à son précieux instrument. Il faut bien admettre qu'à côté de ça, il m'agace. Il a tout du type pédant, imbus de sa personne, persuadé de valoir plus que le commun des mortel... tout à fait le genre de type face auquel je ne peux avoir que deux réactions : lui mettre une claque pour le faire taire ou l'embrasser pour le faire taire. Quoi ? J'aime bien les sales types et puis le résultat est le même, non ? À l'arrivée, il se tait ! Pourtant, c'est bien la gifle qui me démange les doigts lorsqu'il reprend d'une voix tellement pleine de suffisance qu'elle me donne envie de vomir. Mes lèvres se pincent et mes yeux bleus lui jettent un regard glacial. Pauvre type, va...

Vous ne vous êtes pas dit, justement, que le petit peuple pouvait avoir d'autres intentions que de salir votre si précieux alto ? Ce n'est pas parce qu'un type à de la merde sur les mains qu'il n'est pas capable de percevoir la beauté d'un objet. Alors qu'un type qui a de l'or a bout des doigts mais de la merde dans les yeux, ça reste un con.

J'ai toujours eu la réputation d'être une personne franche et directe, et ce n'est certainement pas devant mister bougon que je vais changer d'attitude. Il me parle avec condescendance, je vais lui répondre avec insolence, on verra s'il fait toujours autant le fier dans dix minutes ! D'un autre côté, je suis curieuse, j'ai envie d'avoir la certitude que cet alto est bien à lui, j'ai envie de savoir d'où il vient, qui il est, si je suis susceptible de le connaître ou s'il s'agit d'un musicien que je n'ai pas encore eu le plaisir de rencontrer. Il y a des attirances naturelles pour les gens de ma profession, plus encore pour ceux qui manient l'archet : j'ai envie de connaître leur histoire, leur rapport à l'instrument, d'échanger sur nos techniques car c'est ainsi que je conçois les choses. La musique ne peut se vivre seul, c'est un partage, une union, une communion, même, mais aucun vibrato, aucune virtuosité conservée jalousement dans l'écrin d'un boudoir ne pourra jamais supplanter l'harmonie parfaite de deux instruments résonnant à l'unisson. Et ça... j'ai l'impression que du con ne l'a pas compris. Quoi que... cette façon qu'il a de dire que le propriétaire de l'alto pourrait accepter d'en jouer quelques notes me fait sourire. Tout n'est peut-être pas perdu ? À cet instant, mes plans de voleuse bien organisée s'envolent, supplanter par la curiosité de comprendre cet étrange personnage. Après tout, pour le moment, je ne sais rien de lui, si ce n'est qu'il s'appelle Seymour, qu'il est désagréable et qu'il est altiste. Le client qui tient à tout prix à récupérer l'instrument a tenu à garder le plus d'informations secrètes, si bien que je n'ai appris de sa part qu'une chose : c'est, selon lui, l'instrument d'un aristocrate qui ne mérite pas d'y poser un doigt. Sûrement un jaloux, tiens. J'ai beau trouver ça idiot, la somme qu'il est prêt à m'offrir pour cet alto a su me convaincre de son sérieux.

Finalement, la discussion s'égare autour de mon propre instrument, de mes propres activités et, lorsqu'il me demande si je suis professionnelle, je réponds avec légèreté par un hochement de tête, sans même lui accorder un regard alors que, si je l'avais fait, je me serais peut-être rendue compte de la crispation qui fige ses traits. Finalement, heureusement que je n'ai pas ajouté le nom de l'orchestre pour lequel je travaille, il m'aurait peut-être abattue sur le champ.

Ah ! Vous avez dit mon ! J'étais sûre que c'était votre instrument. Qui d'autre en parlerait comme de la huitième merveille du monde, après tout...

Et puis soudain, alors que je le taquine en lui demandant pourquoi il a choisi de faire enfermer son si bel alto, j'ai l'impression de voir un tout autre type. Un type qui s'ouvre, s'éclaire soudain d'une lueur espiègle, qui renchérit avec une note d'humour sans pour autant répondre à ma question. C'est comme s'il venait de troquer sa mauvaise humeur pour... autre chose. Intéressant.

Pandora. Et n'exagérez rien, je ne connais que votre patronyme, votre prénom je l'attends encore.

Volontairement, je lui dissimule mon nom de famille. Non pas que j'aie peur qu'il en fasse quoi que ce soit, mais j'ai pour habitude de ne pas trop m'étendre sur mon identité. En revanche, lui... Seymour... c'est quand même bizarre que ce nom me dise quelque chose ! S'il a le sang bleu, c'est peut-être juste parce que j'ai dû voir à l'occasion son nom ou sa jolie frimousse de bad boy en couverture d'un magazine. Il faut bien avouer qu'il n'est pas désagréable à regarder, malgré son apparente mauvaise humeur. Il porte bien le costume, il a de beaux yeux... et le demi sourire que j'ai vu a suffit à me convaincre que lorsqu'il se décoince, il doit en faire craquer plus d'une. Ou plus d'un, je ne juge pas. Seulement, bel homme ou pas, il m'enquiquine copieusement, ruine mes plans et m'empêche d'atteindre mon but. J'ai même l'impression que s'il y avait un départ de feu dans le musée, il scierait la vitrine contenant l'alto pour être certain de l'embarquer avec lui. Il me reste toujours une solution, celle de l'assommer, de l'attacher là et de me sauver avec l'alto, mais le résultat sera le même : Seymour a l'air prêt à remuer ciel et terre pour son précieux instrument. Pourtant, cet amour qu'il éprouve pour ce bel alto a quelque d'attendrissant et, inévitablement, je me retrouve un peu dans cette manière qu'il a de le couver du regard. Ce regard, c'est celui d'un complice, d'un compagnon de jeu, de celui qui fait confiance à son instrument pour transcender sa technique et offrir à ses oreilles le plus doux des sons. Alors, penchée au-dessus de la boîte qui renferme mon violoncelle, je réfléchis. Je tire une chaise, m'y assois et pose délicatement le corps de l'instrument contre moi, l'enlaçant dans cette position presque intime qu'impose la pratique du violoncelle. J'ai toujours trouver ça drôle, d'ailleurs. Cette façon qu'on avait, jadis, de juger une femme osant poser les doigts sur un violoncelle. Indécence induite par les jambes écartées, trop forte proximité avec le corps tout en rondeurs de l'instrument... aux jeunes filles, on préférait la pratique de la harpe, du clavecin puis du piano mais diantre ! Point de violoncelle !

Les crins de l'archet tendus, je les fais glisser sur une corde, en apprécie un moment le son, grimace et m'arrête pour remonter une cheville et rectifier légèrement la hauteur de la note. Une corde, puis deux, puis c'est finalement avec un sourire satisfait que l'apprécie l'harmonie d'un violoncelle bien accordé. Mes doigts se mettent alors à courir sur les cordes, arpentant en des arpèges et gammes habiles le manche de l'objet. J'aperçois sa majesté grincheux qui s'empare de mes partitions, manque de les lui arracher des mains tant j'ai horreur que l'on touche à mes affaires – certains diraient que finalement nous nous ressemblons, lui et moi – mais continue pourtant de m'échauffer en prévision du concert. Ce n'est qu'en voyant la petite clé avec laquelle il joue depuis dix minutes déverrouillée la prison de verre de l'alto que mon archet se fige dans une note avortée trop tôt, une note gémissante, presque fausse. Il est là, à portée de doigts... Aller, Panpan ! Un petit cou derrière la nuque et on n'y verra que du feu ! Hurle-lui un bon coup dans les oreilles et il se réveillera deux heures plus tard, sourd de surcroît. C'est tentant, tout ça. Mais ça ne me ressemble pas. Voler oui, la violence non. Allez savoir pourquoi, j'ai toujours eu ça en horreur. Alors je me contente de ravaler ma frustration tandis que du con ajuste l'instrument sur son épaule pour s'accorder à son tour. Un duo ? Pourquoi pas ? Pourtant, lorsqu'il m'annonce que le concert pourrait bien être annulé, je m'arrête et fronce les sourcils.

... Pardon ?

Soudain, la bonne humeur s'envole. La contrariété découlant du fait que je ne vais pas pouvoir voler maintenant ce fichu alto allié à celle de m'être vraiment déplacée pour rien si le concert est annulé semble avoir raison de mes nerfs. Qu'est-ce qu'il y connaît, lui ? Il doit sûrement rouler sur l'or, se donner bonne conscience en filant du fric à un musée dont il martyrise le conservateur à grands renforts de caprices, qu'est-ce qu'il connaît au besoin désespéré d'argent, hin ? À défaut du million qu'on m'offre pour son morceau de bois, je tiens à repartir avec mon chèque à la fin du concert. Parce que ce chèque, c'est un atout indispensable à la guérison de Charlie. Alors hin ? Qu'est-ce qu'il en sait, lui ? A-t-il seulement connu ça, la détresse d'une sœur qui voit son frère dépérir et son corps l'abandonner ? A-t-il seulement jamais vu la maladie dans les yeux d'un proche ? J'ai envie de lui cracher ça au visage quand l'agacement prend le pas sur le reste, mais l'incompréhension me permet de garder le silence... Jusqu'à ce qu'il me sorte la pire excuse du monde pour se justifier. Je hausse un sourcil, le fixe comme si je m'attendais à ce qu'il se mette en rire en affirmant qu'il se paye ma tête mais... rien. Il me vante l'origine de son alto, appuie avec une désinvolture d'enfant sur le fait qu'à cause de sa mauvaise humeur, le public risque d'être privé de concert et... me fixe. Il me fixe comme s'il attendait de moi quelque chose. Et bien quoi ? Il veut que je range mon instrument et parte en ronchonnant ? Au lieu de cela, je pose avec précaution mon violoncelle, m'empare d'une partition et m'approche de Seymour. Je lui fourre sans ménagement la partition dans les mains, saisis son archet et glisse un doigt entre les crins et le bois vernis avant de le lui tendre, un sourire malicieux aux lèvres.

Ce serait vraiment dommage que le caprice d'un altiste prive les oreilles des ignorants d'un si beau concert, vous ne croyez pas ? N'êtes-vous donc pas altruiste ? N'allez-vous pas sauver leurs esprits étroits en les abreuvant de musique ? Ou alors, à défaut de jouer pour des inconnus, vous pouvez simplement profiter d'être entouré de bons musiciens pour vous faire plaisir.

Insistante, je lui tends son archet. Pourquoi se faire ainsi désirer ? Quand j'y pense, pourquoi ne pas s'être proposé d'entrée de jeu pour jouer avec le reste de l'orchestre ? Qu'il joue bien ou non, si c'est lui qui organise l'exposition, il a tous les droits, non ?

Aller... Prenez votre archet, au lieu de me regarder comme un chien battu... À moins que vous n'ayez peur ?

Moqueuse, malicieuse, une fois l'archet rendu, je retourne m'asseoir et reprends mon violoncelle en jetant un œil à l'horloge.

Il nous reste quinze minutes. C'est plus qu'il n'en faut pour déchiffrer ce duo de Beethoven. Si vous voulez mon avis, celui qui a concocté le programme avait bon goût. C'est une très belle pièce.

Il faut dire qu'elles se font rares, les pièces pour alto et violoncelle. Quel gâchis... ne supportant décidément plus ni la perruque, ni les lunettes, je les retire et les jette dans la boîte vide de mon violoncelle tout en ébouriffant ma crinière rousse. Quelle idée idiote j'ai eu de me déguiser, aussi... ? Sans l'intervention de Seymour, ça m'aurait paru brillant jusqu'au bout, mais là... tôt ou tard, j'aurais dû retirer cette fichue perruque pour monter sur scène. Devant l'air interrogateur de l'altiste, je me défends avec mon innocence naturelle.

Bon d'accord, j'ai menti. Je ne suis pas brune. Mais le conservateur du musée tenait absolument à me faire visiter en privé cette partie de l'exposition et... il me met mal à l'aise. Si vous voyez c'que j'veux dire. Le seul moyen que j'ai trouvé pour lui échapper et voir cette partie de la collection tranquille, c'est la perruque et les lunettes. Alors maintenant que vous avez fini de me juger avec votre regard insistant, on s'y met ?

Quelque part, ce n'est pas vraiment un mensonge. Le conservateur du musée est un type angoissé, distrait et nerveux, qui veut toujours revoir les contrats vingt fois avant de les faire signer et qui tient à assister au moindre accord pour être certain que tout se passe bien. À l'heure qu'il est, et ne voyant ni la violoncelliste de la formation, ni l'alto de l'altiste recruté pour la prestation, il doit être en train de faire un infarctus. Je pose alors l'archet sur les cordes, attendant sagement le départ de l'alto.

Tic-tac, tic-tac... C'est quand vous voulez...

Je me prends au jeu. Tant et si bien que j'en oublie d'autant plus pourquoi je suis là. J'en oublie Marcus qui, au bout du fil, s'agace et s'inquiète, j'en oublie le plan d'origine, les yeux rivés dans ceux de mon vis-à-vis, redécouvrant l'excitation d'un nouveau duo, d'une nouvelle prestation, d'un nouveau compagnon de jeu, chose que je n'ai pas ressentie depuis bien trop longtemps et qui me manquait plus que je ne veux bien l'admettre.

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Ven 23 Fév - 20:20
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Vous ne vous êtes pas dit, justement, que le petit peuple pouvait avoir d'autres intentions que de salir votre si précieux alto ? Ce n'est pas parce qu'un type a de la merde sur les mains qu'il n'est pas capable de percevoir la beauté d'un objet. Alors qu'un type qui a de l'or au bout des doigts mais de la merde dans les yeux, ça reste un con. Calixte eut un sourire, crispé, et ne se fit pas prier pour rétorquer sur le même ton, sans plus tarder, sans hésiter, sans même avoir besoin de réfléchir une seule seconde aux propos qu’il allait formuler. Ils allaient de soi. Et vous ne vous êtes pas dit que je ne parlais pas nécessairement de classe sociale mais de capacité intellectuelle ? Je préfère mille fois mettre mon alto dans les mains d’un petit altiste prometteur, qu’il soit du petit peuple ou non, que devant une foule de pète-sec qui se gargarisent à coup de St Emilion en fumant le cigare et qui sont capables de s’extasier aussi bien devant une partition du XVe siècle que devant le papier que j’ai utilisé hier pour me torcher puisqu’ils sont incapables de voir la différence entre les deux de toute manière. Sa voix, cinglante, était digne de l’aristocrate qu’il était. Acide mais joueuse, agressive mais doucereuse, elle était la main de faire dans un gant de velours, celle que l’on ne pouvait lui reprocher mais par laquelle on ne pouvait que se sentir attaqué. Parce que s’il avait tendance à se placer bien plus haut que la plupart des personnes qu’il fréquentait, et il en fréquentait beaucoup, Calixte, il avait au moins le mérite d’être conscient de mettre dans un même sac les personnes qu’il jugeait sans éducation, et celles qu’il jugeait tout simplement connes. Le sac des personnes à qui il ne permettra jamais de toucher son Vuillaume, merci bien, elles seraient capable de le rayer par leur bêtise au tranchant sans cesse affuté. Oui, il n’exposait que très rarement son instrument, et oui, peut-être, ce n’était pas très admirable, mais oui, aussi, il était protecteur, Calixte, surtout avec son alto, pour la simple et seule raison que c’était l’un des rares objets dans lesquels sa carrière avortée subsistait.

Une carrière qu’il regrettait chaque jour un peu plus, chaque jour davantage, une carrière qui le hantait à chaque concert auquel il assistait parce qu’il était incapable de réellement s’éloigner du monde de la musique, une carrière qui le poursuivait et creusait une blessure toujours plus profonde à chaque visite qu’il faisait au conservatoire de Newcastle et à l’école de musique de Killingsworth quand, ami avec les professeurs, il s’amusait à apprendre à des petits à différencier les sons et à émettre leurs premières notes avec la patience qui le caractérisait dès lors que l’on parlait musique. Il ne jouait plus en public, il ne jouait qu’en privé, que devant son pupitre, que devant des partitions étalées sur une table, sur un bureau, qu’avec les murs, exceptionnellement Maman, pour tous spectateurs, mais il se droguait, régulièrement aux vibratos, aux crescendo, aux points d’orgue et aux symphonies, parce qu’il ne pouvait tout simplement pas s’en passer. Peut-être, peut-être pouvait-il songer à jouer quelques notes à la violoncelliste, oui, si elle y tenait, mais qu’elle ne déforme pas ses propos ni même ses regards : il avait un respect bien plus élevé pour son alto que pour la plupart des personnes et il n’en avait pas honte. Et en parlant de merde dans les yeux, il s’était retenu de justesse de faire remarquer qu’avec des préjugés comme ça sur la noblesse, elle n’en était pas de reste.

Quoiqu’il en soit, Calixte soupira, s’intéressa à la jeune femme, guidé par une curiosité qui matait peu-à-peu sa colère, de la même manière qu’il avait tendance à mâter la violoncelliste, d’une bien toute autre façon. Elle était mignonne, elle n’avait pas la langue dans sa poche et elle était violoncelliste : en de différentes circonstances, Calixte aurait également entamé une conversation avec elle mais ne l’aurait pas, loin de là, fait dans l’optique de l’envoyer paître. Sa colère s’évapora d’ailleurs, brutalement, lorsqu’elle commença à répondre à ses questions. Violoncelliste professionnelle, oui, exerçant à Londres, oui. Il n’en fallait guère plus pour tétaniser le Seymour, donc le spectre de la carrière resurgissait encore et encore à ces seules évocations. Jaloux, il l’était et il l’était de manière bien marquée. Il en oublia même de ne pas revendiquer son alto, il en oublia même de jouer le jeu, il se perdit dans une jalousie aussi cruelle que mordante. Ah ! Vous avez dit mon ! J'étais sûre que c'était votre instrument. Qui d'autre en parlerait comme de la huitième merveille du monde, après tout... D’un mouvement de main, Calixte s’agaça, ne surenchérit pas sur le sujet, préférant rester muet jusqu’à ce qu’elle relance, d’elle-même, une conversation qui se faisait bon gré, mal gré, ne se déridant que pour lui faire remarquer qu’il était fort injuste de sa part de la laisser dans l’ignorance de son identité. Ne se déridant qu’au prix d’un effort et d’une éducation, le forçant à remercier mentalement Papa et Maman pour leur exigence constante dans le domaine. Un brin d’amusement et d’espièglerie entacha sa jalousie, en amoindrit l’acidité.

Il en fut récompensé par un sourire - charmant au demeurant - et une réponse. Pandora. Et n'exagérez rien, je ne connais que votre patronyme, votre prénom je l'attends encore. Du tac-au-tac il répliqua, sans se laisser démonter, un taquin Tout comme j’attends votre nom de famille éloquent. Pandora, le nom - inhabituel - lui évoquait de vieux souvenirs indistincts, sans qu’il ne parvienne à le remplacer dans un contexte. La seule chose, au final, qu’il parvenait à resituer autour de ce prénom, c’était le film Avatar, ses indigènes bleus et sa planète, Pandora. Aussi excentrique que cette instrumentiste qui non seulement prenait en photo un alto qui n’était pas le sien, mais qui s’amusait également à accorder son instrument comme ça, au milieu d’une salle de musée, sans plus de cérémonie. Aux yeux de Calixte, d’ailleurs, Pandora ne semblait vraiment pas être femme à s’embarrasser de tout cela. Franc parler, honnêteté, franchise et moquerie dans le regard, elle avait vraiment tout pour plaire. Y compris une part de mystère. Et un fort côté agaçant, à le tenter de cette manière par des cordes frottées, pincées, des partitions dispersées, des portées exposées comme un sein aurait pu être dévoilé au détour d’un décolleté. Non, vraiment, elle avait un fort côté agaçant à ne pas se soucier de l’envie brûlante que ressentait Calixte de joindre alto et archet au violoncelle, à se faire tentatrice éhontée jusque dans la dextérité de ses mouvements. Il céda, bien évidemment. Il ne put que céder, croquant à pleines dents la pomme, saisissant des partitions dont il connaissait, pour la plupart, l’ensemble des notes et des rythmes, pour les reposer rapidement et manger la pomme jusqu’aux pépins en ouvrant la vitrine.

En en retirant l’alto, au contact si doux. Une fraction de seconde, un sourire éclata sur ses lèvres à la première note pincée. Un sourire que même la perspective d’un concert annulé - désolé Pandora - ne fit pas disparaître entièrement. ... Pardon ? Il lui lança un coup d’oeil. Vous avez bien entendu, avant de surenchérir. D’expliquer, à mots couverts, quand son archet menaçait de se poser sur les cordes et de leur vendre son âme. Encore. Hors de question que sous prétexte qu’il n’avait plus joué devant des tierces personnes depuis maintenant plus de douze ans, on se permit de disposer de son instrument sans sa permission. Hors de question que l’on s’arrogeât des droits aussi scandaleux. Hors de question, tout simplement, que l’on piétine son orgueil et son ego de telle manière. Des prêts, il en faisait, exceptionnellement, suffisamment pour faire plaisir, pas assez selon les experts et les musiciens, mais il en faisait. Et s’ils ne savaient pas s’en contenter, c’était bien leur problème et non le sien. Le regard alourdi par les attentes, Calixte considéra la violoncelliste. La regarda s’approcher se saisir de son archet, dans un troc inégal avec des partitions.

Ce serait vraiment dommage que le caprice d'un altiste prive les oreilles des ignorants d'un si beau concert, vous ne croyez pas ? N'êtes-vous donc pas altruiste ? N'allez-vous pas sauver leurs esprits étroits en les abreuvant de musique ? Ou alors, à défaut de jouer pour des inconnus, vous pouvez simplement profiter d'être entouré de bons musiciens pour vous faire plaisir. Une grimace déforma le visage de Calixte qui marmonna un Je suis altiste, pas altruiste, et la différence est de taille, comme ma… inachevé - fort heureusement - en attrapant l’archet tendu pour reposer les partitions. De toute manière, il les connaissait. Il les avait connues. Allez... Prenez votre archet, au lieu de me regarder comme un chien battu... À moins que vous n'ayez peur ? Il nous reste quinze minutes. C'est plus qu'il n'en faut pour déchiffrer ce duo de Beethoven. Si vous voulez mon avis, celui qui a concocté le programme avait bon goût. C'est une très belle pièce. Il leva les yeux au ciel. Têtu, il l’était, Calixte, il l’était vraiment. Trop, certainement, trop buté, trop têtu, trop borné, il s’obstinait à tendre les bras en direction de l’inaccessible en ignorant tous ceux qui lui hurlaient que ça ne servait à rien. Mais lucide, il l’était également. Comme lorsqu’il avait compris que lutter ne servirait à rien, qu’il ne pourrait intégrer le LSO malgré le concours réussi haut la main, comme lorsqu’il avait compris que l’économie et la finance ne l’intéressaient en rien mais qu’il n’avait pas le choix. Calixte était têtu. Mais Calixte était lucide. Et Calixte, également, cédait facilement à ses désirs et ses envies et, présentement, ses envies et ses désirs rejoignaient la perfection ceux énoncés par Pandora. Dans un soupir, levant les yeux au ciel une seconde fois, il offrit sa reddition, partielle, et son accord, provisoire. Soit. Si vous y tenez, déchiffrer ne devrait pas être hors de ma portée mais me flatter sur mes goûts musicaux ne vous servira à rien, je ne jouerai pas devant un public. Et il était immensément sérieux. Et têtu. Jouer avec elle, l’espace d’une quinzaine de minutes, oui. S’exhiber comme ceci… non. Il n’était pas altiste, pas altiste professionnel. Il était analyste financier, et quoique cela pouvait bien signifier, ça n’impliquait pas d’égrener des notes et de vivre une mélodie, loin de là. Calixte secoua la tête, lisant du bout des doigts la portée, cherchant à retrouver le tempo, et…

Vous Le mouvement de Pandora l’avait arraché à son étude rapide. Il devait avoir l’air fin, à fixer la chevelure rousse - pire que roux à ce niveau - de la violoncelliste, et la perruque, jetée à terre. Vous… Ses yeux se plissèrent de méfiance. Les gens qui se grimaient de cette manière ne le faisaient jamais sans raison, aux dernières nouvelles, et en deux accessoires enlevés, elle était méconnaissable, ou presque, ce qui traduisait une certaine efficacité et… Bon d'accord, j'ai menti. Je n’aurai pas appelé ça qu’un simple mensonge… Je ne suis pas brune. De toute évidence Mais le conservateur du musée tenait absolument à me faire visiter en privé cette partie de l'exposition et... il me met mal à l'aise. Si vous voyez c'que j'veux dire. Non. Le conservateur du musée était un con, c’était un fait, mais c’était également un homme que Calixte connaissait de longue date et il pouvait certifier que tout con qu’il était, le conservateur n’était pas un con de ce genre-là. Aux dernières nouvelles. Le seul moyen que j'ai trouvé pour lui échapper et voir cette partie de la collection tranquille, c'est la perruque et les lunettes. Alors maintenant que vous avez fini de me juger avec votre regard insistant, on s'y met ? Il plissa davantage les yeux, sans obéir une seule seconde. Ou alors elle ne le décrivait pas comme un homme de ce genre-là mais plutôt un homme angoissant par sa seule angoisse naturelle, sa nervosité qui avait tendance à déteindre sur tous ceux qui l’entouraient, poussant ses interlocuteurs à se demander s’ils avaient bien payé leurs impôts, nourri le chat et fermer la porte du frigidaire en sortant de chez eux. Là, oui, de ce point de vue là… Certes, Calixte soupira. Vous avez les lubies que vous voulez après tout, je ne veux pas en savoir plus. Et puis… et puis, si une perruque et une paire de lunettes avaient réussi à transformer aussi drastiquement son visage, peut-être que… Calixte maudit son imagination, qui l’avait déjà mené à endosser quelques perruques par le passé, surtout dans le cadre de quelques soirées déguisées aux thèmes divers et qui ne pouvait que lui suggérer que si Henry Calixte Seymour ne pouvait pas revêtir le rôle d’altiste, un, une inconnue, en revanche… il secoua la tête, aux lèvres amusées. Tic-tac, tic-tac... C'est quand vous voulez... fit remarquer Pandora.

Tic-tac, tic-tac, vous êtes déjà en retard… Une floppée de notes s’envola brutalement sans prévenir, dans une gamme qu’il dessina du bout des doigts, la concentration érodant les bords de son sourire le temps d’un soupir. Il ralentit pourtant au bout de quelques mesures, conscient que de toute manière, ils devraient recommencer pour partir en même temps. Et sur un ton d’excuse, il jeta un regard vers la partition. Jeta un coup d’oeil, également, en direction de Pandora. Je ne suis pas professionnel, comme vous, je ne joue que pour le plaisir, à titre d’amateur. Et il le sentait, il se sentait raidi, il sentait imperceptiblement qu’avec davantage de pratique, qu’avec à nouveau les conseils de son précepteur, il aurait pu, Calixte, s’envoler avec un peu plus de facilité vers les hauteurs. Sauf que… une crispation, la note se tendit, fausse, il tira jusqu’à la fin du phrasé pour s’arrêter. Je ne peux pas jouer en public, je suis désolé. Je ne suis pas altiste. Il n’en avait, plutôt, pas le droit. Parce que la voix de son père résonnait, dans ses pensées, sur le ton d’une évidence. On n’avait jamais vu de duc altiste, lui avait-il dit. Mécène, c’était respectable, comme donateur, c’était un passe-temps que l’on pouvait tolérer mais sa place était davantage au milieu des autres spectateurs pour sceller des contrats que sur un orchestre à se donner en spectacle. Calixte ferma les yeux en levant le menton de son alto. Vous appréciez réellement le choix des pièces ?

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Dim 25 Fév - 19:08
Pandora A. O'Sullivan
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It`s time to cut the rope and fly
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À peine ai-je finis mon petit discours un brin agressif et bourré de préjugés que je me prends un retour de bâton bien senti. Sur le coup, je pince les lèvres et le foudroie du regard. Touché, mon mignon... je ne peux même pas le contredire car autant on peut instruire quelqu'un qui ne sait rien mais à soif d'apprendre, autant un con qui ne veut rien savoir, on peut difficilement faire quoi que ce soit pour lui. Au fond, il a une répartie qui me plaît et les mots fusent si facilement qu'ils ne peuvent qu'être honnêtes. Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je croise les bras.

Ah... touché... J'vous aime bien. Pas très agréable, mais direct.

Hautain et arrogant comme l'aristo qu'il doit être mais... avec des principes. Qui aurait envie de parler de musique à des gens dont le seul plaisir est de vanter les mérites d'un obscur compositeur avant-gardiste dont le seul talent serait de taper sur des casserole avec une cuillère en bois ? Parce que qu'il se rassure : des types de ce genre, j'en ai vu. J'ai même vu un abruti applaudir en parlant du talent de demain alors qu'un technicien testait du matériel en émettant des bruits blancs. Mais bon... y aura toujours des cons pour se branler dans leur propre médiocrité et faire passer ça pour de l'art. Je n'aime pas m'avouer vaincue, mais force est de constater que monsieur ronchon a raison.

Mon violoncelle en main, je ne peux m'empêcher d'avoir ce même geste maternel qu'a Seymour avec son alto. Cet instrument, c'est une partie de ma vie, mon compagnon de travail, l'objet qui me rappelle sans cesse mon père mais dont je serais bien incapable de me séparer, c'est mon meilleur amie, mon meilleur ennemi, c'est tout à la fois et j'apporte à son entretien un soin qui tient plus de la maniaquerie que d'autre chose. Je fait même régulièrement la route jusqu'à Cardiff pour l'apporter au seul luthier du pays qui sache véritablement entretenir ce type d'instrument. Bois nourrit, vernis impeccable, cordes de qualité et archet ancien... tout un matériel qui m'a plus d'une fois ruinée mais sans lequel mon instrument ne serait plus que la moitié de ce qu'il est, j'en suis certaine. Mes doigts pincent une corde, mes sourcil se froncent. Seymour blêmit, comme si je venais de dire une horreur. Aurait-il quelque chose contre Londres ? Il semble soudain se fermer plus encore – si c'est possible – sans pour autant me donner la raison d'un tel mutisme. Ce n'est finalement que lorsque je lui donne mon nom qu'il consent à se dérider un peu, me laissant pourtant sans réponse.

À quoi vous servirait mon nom, vous avez mon prénom... S'il me faut vous décliner l'intégralité de mes papiers d'identité pour avoir votre prénom, je préfère encore me contenter de Seymour.

Oui, je suis têtue. Et je n'ai vraiment pas envie de lui donner une carte de plus à utiliser. Alors tant pis, je me contenterais de son nom, lui se contentera de mon prénom et nous en resterons là. Au fond, qu'est-ce que ça peut me faire de connaître son prénom ? Sitôt que nous serons sortis de cette pièce, chacun reprendra sa route et je ne compte bien revoir que son alto, pas sa jolie frimousse. Consciencieuse, me voilà en train d'accorder mon instrument sans me douter que le simple fait de caresser les cordes du bout des doigts suffit à attiser l'envie que l'autre à de se joindre à moi pour jouer. Mes paupières se ferment, laissant mes oreilles apprécier la rondeur du son émis par le violoncelle alliée à la mélancolie de l'alto. Ses notes sont justes, son vibrato est maîtrisé et j'en viens à me demander pourquoi ce n'est pas lui qui joue ce soir. Puisqu'il a l'air de tant aimer son instrument et de se payer le luxe de ne pas être mauvais une fois qu'il l'a en main, pourquoi laisser un autre s'octroyer le plaisir du quatuor à cordes ? Pire encore... pourquoi m'annoncer que le concert risque d'être annulé alors qu'il a dans le regard la lueur d'envie du musicien qui ne demande qu'à jouer ? Soit ce type est cinglé, soit il aime se faire désirer. Soit il y a des éléments inconnus dans l'équation, ce qui expliquerait sûrement bien des choses. Il ne m'en faut pas plus pour me lever, reposer mon violoncelle et m'approcher de lui pour lui tendre son archet. Au fond, qu'est-ce qu'il a à perdre ?

Je suis altiste, pas altruiste, et la différence est de taille, comme ma…

Surprise, je hausse les sourcils et esquisse un sourire en baissant les yeux vers ce dont il semble sous entendre l'existence.

Je veux bien vous croire... malheureusement, j'ai un petit côté Saint Thomas. Je ne crois que c'que j'vois !

Il a voulu jouer à ça, il a trouvé un adversaire à sa taille. Bon après, s'il commence à se défroquer pour avoir le dernier mot, on risque d'avoir un souci. À l'idée de le voir lâchant son archet pour me prouver qu'il a raison, je me retiens à grand peine de pouffer de rire. Ce n'est vraiment le moment, d'autant que j'ai le sentiment, lorsqu'il s'empare de son archet, que j'ai gagné une petite victoire. Victoire de courte durée, puisqu'il me répète qu'il ne jouera pas devant un public. Je grimace, pince les lèvres et hausse les épaules.

Si vous êtes trop timides pour jouer devant un public, c'est votre problème, mais je ne suis pas certaine que le conservateur apprécie d'avoir payé des musiciens pour rien.

Parce que j'entends bien repartir avec mon chèque, que le concert ait lieu ou non ! Enfin pour ça, il faut encore que je m'en sorte sans que Seymour n'appelle la sécurité et une fois ma perruque retirée, je commence à me dire que ça va être bien plus compliqué que prévu. Il n'a pas l'air dupe... oh non il a même l'air carrément suspicieux. Je vais me faire avoir... quelle idée j'ai eu de me déguiser comme ça ? Je n'aurais pas pu... je ne sais pas, mettre un chapeau ? Une casquette ? Un truc qui se retire un peu plus naturellement qu'une perruque ? Alors j'invente un mensonge, énorme, trop gros pour que ça passe et me prépare même à devoir employer la force pour sortir de là sans me faire arrêter. Ça ne va pas passeeeer... ça passe. Trop surprise pour ajouter quoi que ce soit, je cligne des yeux et me reprends suffisamment vite pour que ma surprise ne soit pas trop visible. Il faut croire que le conservateur du musée est vraiment aussi flippant qu'on le dit.

Oh non, ce n'est pas une lubie... des lubies, j'en ai des bien pires !, je réplique avec un sourire amusé.

Mais à peine ai-je le temps de lui demander s'il compte rester planté là sans rien faire encore longtemps qu'il a déjà trois notes d'avance. Prise au dépourvu, je pose l'archet contre les cordes, attends la fin du phrase et le rejoins, tout en le gratifiant d'un regard agacé. Habituée à suivre un chef ou un soliste, je le suis docilement lorsqu'il ralentit. C'est là toute l'ingratitude du violoncelle. Longtemps considéré comme un instrument d'accompagnement destiné à jouer la basse, on apprend très tôt aux jeunes musiciens à se plier aux exigences parfois loufoques des solistes. Pourtant, lorsque, sur un ton d'excuse, il m'avoue n'être « qu'un » amateur, mon archet se fige et le fixe un long moment, jusqu'à ce qu'un doigté malheureux n'arrache à son instrument une note plus haute que ce qu'elle devrait être. Je grimace légèrement, plus par réflexe qu'autre chose, puis repose une nouvelle fois le violoncelle et l'archet pour m'approcher du musicien maudit.

J'ai du mal à vous suivre... vous pensez que je ne joue pas pour le plaisir parce que j'en ai fait mon métier ? Allons... un musicien qui ne joue plus que par obligation et qui en oublie le plaisir et un mauvais musicien. Que vous apparteniez au plus grand orchestre du monde ou à la fanfare universitaire du coin, tout ce qui compte, c'est le cœur que vous mettez à l'ouvrage. Vous permettez ?

Je m'approche de lui, le contourne et, une fois dans son dos, appui légèrement sur les muscles situés entre ses deux omoplates.

Vous sentez ? On a sûrement dû vous le dire un paquet de fois quand vous étiez gamin mais bien se tenir quand on fait de la musique, c'est l'assurance de ne pas finir avec une scoliose à vingt ans. Tiens, mettez-vous en position pour jouer. Voilà. Vous sentez mon doigt ? Vos trapèzes sont tendus et vous empêchent d'avoir la souplesse idéale pour jouer.

Je le contourne alors pour lui faire face à nouveau et pose une main sur son épaule pour l'inciter à la relâcher.

Ce n'est pas une question de technique car la technique, malgré les quelques trente secondes que j'ai pu entendre, vous l'avez. Il faut juste vous détendre et ça passera tout seul !

J'esquisse un sourire, inconsciente de la véritable raison qui le pousse à refuser de s'exposer dès qu'il a son instrument dans les mains. C'est, pour moi, une chose inconcevable.

Je ne connais pas votre parcours, monsieur Seymour, je sais simplement qu'altiste, vous l'êtes. Ce n'est pas au nombre de fosses d'orchestre ou de disques enregistrés que l'on mesure le talent d'un musicien, mais bon vous n'êtes pas obligé de me croire. Vous avez un alto dans les mains, vous savez en jouer, vous êtes altiste, dis-je en haussant les épaules.

Ce n'est pas qu'il n'est pas altiste. C'est que, pour une raison que j'ignore, il refuse d'admettre l'idée qu'il puisse l'être ou puisse l'avoir été un jour. D'ailleurs, pour un type qui paraissait bien arrogant tout à l'heure, je le trouve soudain bien peu sûr de lui, comme s'il doutait de ses choix, de son talent, de ses capacités... je rêve où il me demande même un avis sincère sur le programme ?

Je... heu... disons que si ce n'était pas le cas, je ne l'aurais pas dit. En toute franchise, habituellement, j'ai horreur de jouer pour des inaugurations d'expositions. Les organisateurs commandent un quatuor à cordes, prétendent laisser aux musiciens le choix des pièces et, à l'arrivée, c'est toujours la même chose : Vivaldi et Pachelbel. Les quatre saisons, je les joue depuis que j'ai cinq ans et elles n'ont d'autre intérêt que de meubler les conversations des imbéciles dont vous parliez tout à l'heure. Tout ça pour dire que lorsque j'ai été invitée à jouer, j'étais partie pour refuser, du moins jusqu'à ce qu'on me donne le déroulé du concert. Le duo de Beethoven, les quintes de Haydn, Monti... vous avez achevé de me convaincre avec Webern. Langsamer Satz est une pièce sublime que fuient ceux qui ne la connaissent pas. Alors oui. J'apprécie réellement vos choix et vous ne devriez pas en douter. Vous avez su trouver un répertoire qui s'adresse à des mélomanes comme au grand public, sans prendre les uns pour des cons ni avoir l'air d'un connard trop cultivé pour les autres. Maintenant je vais me taire, à force de vous faire des compliments vous allez croire que j'vous drague !

Un sourire innocent se dessine sur mes lèvres tandis que je retire ma main de son épaule et me recule d'un pas. Mince... Il est chou avec cet air peu sûr de lui. En fait, c'est en m'intéressant au musicien et non plus à l'instrument que je me rends compte qu'il est même franchement bel homme. Le genre d'homme qui me fait généralement facilement craquer mais à cet instant, ce n'est vraiment pas le moment.

Rassuré ? Je n'aurais pas pris la peine de vous dire tout ça si ça n'était pas sincère et surtout, sans un beau programme, j'aurais fait la diva et refusé !

Un peu d'autodérision, ça n'a jamais fait de mal à personne. J'entends alors du bruit à l'extérieur et jette un regard vers l'horloge. Le concert va bientôt commencer.

Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on sort tous les deux de là avec nos instruments en main ou est-ce que vous rangez le vôtre et on annule tout ? Je vous assure que vous n'avez rien à envier à l'autre altiste. Après tout, ce n'est pas lui qui possède un bel instrument...

Et non seulement ça m'emmerderait d'être venue pour rien, mais en plus... je ne sais pas. J'ai senti que le courant passait bien, pendant les quelques mesures que nous avons partagées. Je n'ai pas senti la raideur ni la distance que l'altiste avec qui j'ai répété ces dernières semaines a tenu à imposer. Là... j'ai senti une complicité indispensable entre musiciens et ça, c'est le genre de chose qui me semble plus précieuse que n'importe quoi d'autre en musique.

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Lun 12 Mar - 0:13
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Pas plus que Pandora, Calixte avait sa langue dans sa poche. Loin de là, même, son franc-parler et sa tendance à être particulièrement acerbe et critique faisait de lui un homme de conversations, dans tous les milieux et toutes les circonstances, et son ego additionné à son orgueil le rendait de surcroît particulièrement réactif lorsqu’on avait le malheur de le chercher un peu. Comme elle venait de le faire. Comme elle le faisait avec légèreté et provocation. Comme elle allait regretter – peut-être – de l’avoir fait. Parce que si le Seymour avait une très haute opinion de sa personne et un mépris clairement affiché pour un bon nombre de pécores, lorsqu’on parlait musique, sa condescendance se tournait bel et bien vers ceux qui, sous prétexte d’avoir de l’or plein les poches – Papa le premier – se pavanaient dans les galeries sans savoir faire la différence entre un alto et un harmonica. Et ceux-là, très sincèrement, pourraient toujours s’enfoncer le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate s’ils pensaient réellement avoir un jour le droit de poser ledit doigt sur son Vuillaume, foi de Calixte, foi de Seymour, foi de Calixte Seymour, et puis basta. La virulence du petit cadet tendit ses mots, firent cingler sa voix et acidifia ses propos sans la moindre retenue. Oh, il était calme, le Seymour. Oh, il ne tomba – fort heureusement – pas dans une excitation agacée comme il pouvait en avoir face à Edward, mais il se contenta de dire ce qu’il pensait, yeux dans les yeux, à cette petite pimbêche qui ne valait guère mieux que tous ceux qui se promenaient actuellement dans la galerie si elle se laissait mener par le bout du nez par ses préjugés. Le regard de Calixte était sévère, agacé, sur la défensive : il ne se dérida que face au sourire qui finit par – douloureusement sembla-t-il – se dessiner sur les lèvres de la violoncelliste. Ah... touché... J'vous aime bien. Pas très agréable, mais direct. Un sourire jumeau effleura ses propres lèvres On me le dit parfois, en effet… Il renchérit sans se faire prier, enterrant dans son esprit une hache de guerre à peine extraite de terre. Il valait mieux, de toute manière, poursuivre la conversation sur un autre terrain que de s’appesantir sur un sujet aussi stérile que celui-là. Ils avaient mieux à faire, à dire.

Bien mieux à faire. Le regard de Calixte dérivait vers son alto sans qu’il ne puisse se retenir, vers les vestiges d’une carrière avortée et une tentation toujours plus grande, toujours plus saisissante, toujours plus irrésistible de replonger pleinement. Il n’avait jamais réussi à réellement raccrocher, ranger l’archet et les partitions, se défaire de son instrument, il avait encore au bout des doigts des mélodies qui ne demandaient qu’à être transmises, partagées, il avait encore dans la poitrine des battements de cœur qui ne souhaitaient qu’être rythmé et éprouvé, dans une sensibilité exacerbée qui le prenait aux tripes dès les premières mesures. Pandora était tentatrice. Réellement. Violoncelle en main, elle s’était – et très certainement sans le savoir – transformée en sirène qui l’appelait, le guidait vers les notes, des cordes tendues, accordées. Le frisson et cette envie, presque douloureuse, cette jalousie de la savoir professionnelle, quand il n’avait pu rester qu’amateur, quand il n’avait pas su se contenter d’amateur, quand il avait tourné le dos avec rage à ce qu’elle avait embrassé. Lettre d’acceptation déchirée, jetée dans la poubelle sans un mot superflu de la part de Papa. Calixte était hanté par le fantôme de sa carrière, Pandora était tentatrice, séduisante, écœurante même. Et incroyablement agaçante. Curieuse. Bavarde. Elle avait tous ces traits de caractère qui attiraient le Seymour, jusqu’à cette capacité à le sortir de sa torpeur et lui permettre de reprendre pied, dans une provocation joueuse. À quoi vous servirait mon nom, vous avez mon prénom... S'il me faut vous décliner l'intégralité de mes papiers d'identité pour avoir votre prénom, je préfère encore me contenter de Seymour. Et bien, contentez-vous en et je me contenterai de Pandora ! Ses répliques ne nécessitaient aucune concentration de sa part, quand tout le reste… bon sang tout le reste… le força à céder.

Vraiment. Il prit son alto, en caressant les courbes avec une affection marquée, une envie palpable, un désir grandissant. Son archet l’appelait à son tour, Calixte parlait sans penser tout à fait ses mots, usant sans scrupule de sa capacité à tenir une conversation quand son esprit n’y était guère, jonglant entre ses pensées et ses propos avec brio, lui permettant de survivre à tout ça, à défaut d’être à son aise. Ses doigts pincèrent une corde, l’archet s’y frotta, Calixte céda une première fois, juste pour l’accorder. Mis son doigt dans un engrenage dont il n’allait rien sortir de bon. S’empressa de se trouver une diversion dans l’annonce d’un concert potentiellement annulé – dans les faits, il ne savait même pas si c’était réellement le cas – pour mieux entendre Pandora protester. Que croyait-elle, de toute manière ? Qu’en plus d’être altiste, il était altruiste ? Non, grand Dieu non, et entre les deux, il y avait un gouffre de taille. D’une taille que Calixte ne put s’empêcher de décrire dans un sous-entendu des plus édifiants qui lui attira un haussement de sourcils particulièrement éloquent. Je veux bien vous croire... malheureusement, j'ai un petit côté Saint Thomas. Je ne crois que c'que j'vois ! Un fin sourire transforma temporairement le visage du Seymour, trop prévisible sur le sujet. Vous savez, ça peut s’arranger, ce genre de chose… Il commença – trop loquace pour son propre bien – avant de malheureusement devoir faire marche arrière, les circonstances n’étant pas des plus idéales. Et il ne fallait surtout pas qu’il oublie, tout de même, qu’il était supposé être de mauvaise humeur. Mais peut-être pas tout de suite, mon Vuillaume est très prude. Tout comme les caméras de surveillance devaient l’être, celles-là même qu’il désigna d’un regard coquin tout en se saisissant de son alto puisque – de toute manière – il était irrémédiablement foutu sur le sujet.

Elle voulait l’entendre jouer ? Et bien elle allait l’entendre jouer, quand bien même ce n’était qu’une très, très mauvaise idée. Et uniquement le temps d’une poignée de minutes, aux notes enfermées dans la pièce, réduites à n’avoir pour spectateurs que les vitrines et leur contenu, le violoncelle de Pandora et Pandora elle-même, parce que si Calixte cédait sur ce point-là, sur le reste… Si vous êtes trop timides pour jouer devant un public, c'est votre problème, mais je ne suis pas certaine que le conservateur apprécie d'avoir payé des musiciens pour rien. Il haussa les épaules. Et se tut. Etrangement. Préférant garder pour lui son opinion sur le sujet : les musiciens allaient être payés ou du moins les frais de déplacement allaient être remboursés, et tout cela ne le regardait en rien, uniquement le conservateur suffisamment stupide pour ne pas lui avoir demandé avant l’autorisation de prêter son alto. Et Calixte ne comptait pas faire volteface, même pour les beaux yeux – et diable qu’ils étaient craquants – de la rouquine. Rouquine. Oh non, ce n'est pas une lubie... des lubies, j'en ai des bien pires ! Un sourire étincelant : J’ignore s’il faille que je sois curieux de les connaître ou davantage craintif, je dois l’avouer…, ça ne le regardait pas plus que toutes ces paperasses administratifs que son caprice allait engendrer. Calixte avait non seulement décidé d’être de mauvaise humeur – décision extrêmement mise à mal ces dernières minutes – mais également de rester particulièrement détaché de tout ce qui ne le regardait pas et ne l’intéressait pas. Et ils avaient un morceau à jouer, ou plutôt à déchiffrer dans les méandres de ses souvenirs dans son cas, après tout.

Une envolée de notes coupa court à la conversation, impulsivité et impatience de Calixte personnifiées en quelques croches, il ne ralentit que pour qu’elle le rejoigne, il ne ralentit qu’en se rendant compte de ce qu’il était en train de faire. D’aimer faire. De céder aux chants hypnotiques des sirènes, de céder à la tentation, de croquer dans une pomme qui n’allait mener qu’à la discorde, qu’à l’erreur, qu’à la douleur de se rétracter, encore. Céder, tenter, il avait envie, bon sang, il avait envie Calixte d’aller plus loin, de remplacer au pied levé un altiste déçu, de montrer au monde que son univers n’était pas peuplé de chiffres et d’articles de loi, mais de notes, de couleurs, de rythmes, d’espoir et d’émotion, il mourrait d’envie, Calixte, mais il n’avait pas le droit et ses muscles crispés le lui prouvèrent, arrachant du bout des doigts une fausse note, inévitable, qui lui transperça les poumons de colère. Il n’était pas altruiste, mais il n’était pas altiste non plus. Juste un vulgaire amateur, qui devait le rester, puisqu’après tout, on n’avait jamais vu de duc altiste. J'ai du mal à vous suivre... vous pensez que je ne joue pas pour le plaisir parce que j'en ai fait mon métier ? Allons... un musicien qui ne joue plus que par obligation et qui en oublie le plaisir et un mauvais musicien. Que vous apparteniez au plus grand orchestre du monde ou à la fanfare universitaire du coin, tout ce qui compte, c'est le cœur que vous mettez à l'ouvrage. Vous permettez ? S’il permettait ? Plaît-il ? Il décolla son menton de l’instrument, tourna légèrement la tête pour suivre les mouvements de la violoncelliste. Inspira profondément en sentant ses mains effleurer ses muscles au niveau des omoplates, des muscles anormalement crispés qui lui auraient mérité de la part de son professeur un reproche des plus acides. Vous sentez ? On a sûrement dû vous le dire un paquet de fois quand vous étiez gamin mais bien se tenir quand on fait de la musique, c'est l'assurance de ne pas finir avec une scoliose à vingt ans. Tiens, mettez-vous en position pour jouer. Voilà. Vous sentez mon doigt ? Vos trapèzes sont tendus et vous empêchent d'avoir la souplesse idéale pour jouer. Il sentait, oui. Mais il ne dit pas mot, se contenta d’osciller en silence entre la frustration, l’humiliation, la colère et la détresse de se savoir redevenu élève quand il avait effleuré bien, bien plus que ce simple statut. Amateur, oui. Amateur. Jusqu’au bout. Amateur. Altiste ? Calixte souffla, relâchant de force ses épaules bien trop tendues. Je sais articula-t-il du bout des lèvres. Ce n'est pas une question de technique car la technique, malgré les quelques trente secondes que j'ai pu entendre, vous l'avez. Il faut juste vous détendre et ça passera tout seul ! Je sais. Le premier je sais avait été agressif, le second était las, las de savoir cela et de n’avoir pu, malgré tout, l’éviter. Il secoua la tête, glissa ses doigts sur les cordes sans les tirer pour autant de leur torpeur.

Je ne connais pas votre parcours, monsieur Seymour, je sais simplement qu'altiste, vous l'êtes. Ce n'est pas au nombre de fosses d'orchestre ou de disques enregistrés que l'on mesure le talent d'un musicien, mais bon vous n'êtes pas obligé de me croire. Vous avez un alto dans les mains, vous savez en jouer, vous êtes altiste. Les yeux bruns du Seymour se posèrent sur Pandora, frissonnant de ce qu’elle impliquait. Les choses sont un peu plus compliquées que cela, malheureusement… marmonna-t-il dans sa barbe pour toute réponse, d’un marmonnement qui n’appelait aucun retour de la part de la rouquine. Un peu plus compliqué, voilà un euphémisme bien aisé. Qui n’avait peut-être même pas lieu d’être. Il n’était pas professionnel, il était à peine amateur, il ne jouait que pour lui-même, par besoin, par nécessité, quand le dessin et la boxe ne suffisaient plus pour son équilibre, il n’était pas altiste, pas pleinement, pas comme il aurait voulu l’être parce qu’il n’en avait pas le droit. Et chaque transgression n’était qu’une absurdité qu’il ne pouvait s’empêcher de commettre, comme tout le reste. Calixte était tout simplement incapable de ne pas enfreindre les règles énoncées par Papa. Ses doigts tremblèrent sur l’alto, le fil de ses pensées le mena à tout remettre en question, même de cet acharnement qu’il mettait à rester, encore et toujours, en lien non seulement avec l’alto mais aussi avec la musique, avec ces galeries, ces événements, jusqu’au choix même des pièces. Des pièces que Pandora avait jugée bien choisies. Il faisait une erreur, c’était certain, à être incapable de lâcher complètement les amarres.

Etait-elle au moins sincère dans ses compliments ? Je... heu... disons que si ce n'était pas le cas, je ne l'aurais pas dit. Certes. Et il appréciait, indéniablement, cette franchise qui était la sienne. Vivaldi, Pachelbel… à l’évocation de ces trop courantes pièces, Calixte ne put s’empêcher de sourire. A cinq ans, il n’avait pas encore vraiment touché à l’alto, se contentant de suivre les traces d’Edward en caressant noires et blanches touches. Mais déjà à l’époque, il les connaissait. Le duo de Beethoven, les quintes de Haydn, Monti... vous avez achevé de me convaincre avec Webern. Langsamer Satz est une pièce sublime que fuient ceux qui ne la connaissent pas. Alors oui. J'apprécie réellement vos choix et vous ne devriez pas en douter. Vous avez su trouver un répertoire qui s'adresse à des mélomanes comme au grand public, sans prendre les uns pour des cons ni avoir l'air d'un connard trop cultivé pour les autres. Maintenant je vais me taire, à force de vous faire des compliments vous allez croire que j'vous drague ! Calixte rougit.

Bon sang, il en vint à rougir sous tout ce qu’elle venait de dire, de débiter même à un rythme des plus soutenus, rougit en prenant conscience qu’elle avait gardé sa main sur son épaule. Rougit de se sentir rougir, rougit de se sentir effectivement rassuré, rougit un instant, un instant extrêmement gênant. Rougit, vraiment. Il s’en affligea. Se passa la langue sur les lèvres pour les humecter, gérer sa nervosité. Trop sensible ne cessait-on de lui répéter – Edward le premier. Jusque dans son rapport avec la musique. Rassuré ? Je n'aurais pas pris la peine de vous dire tout ça si ça n'était pas sincère et surtout, sans un beau programme, j'aurais fait la diva et refusé ! Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on sort tous les deux de là avec nos instruments en main ou est-ce que vous rangez le vôtre et on annule tout ? Je vous assure que vous n'avez rien à envier à l'autre altiste. Après tout, ce n'est pas lui qui possède un bel instrument... Un haussement d’épaules, il sentait bien, Calixte, qu’il allait finir par devoir dire quelque chose, parce que Pandora allait certainement se lasser de gérer seule la conversation, parce que son éducation le lui interdisait, parce que sa nature même n’était pas au silence. Mais bel et bien – Papa et Maman s’en désespéreraient – à cette drague qu’elle avait évoquée. Et cette envie qu’il avait d’en savoir plus sur elle, maintenant qu’elle en avait trop dit. Et qu’elle s’était montrée si intéressante. Un haussement d’épaules, il papillonna une nouvelle fois sur une gamme et quelques notes maladroites, avant de se séparer définitivement de son alto et de l’enfermer une nouvelle fois dans son écrin, répondant par les gestes de prime abord.

Je range mon alto. Vous avez raison, je suis trop tendu. Vous avez raison également, on me l’a suffisamment répété. Mais vous avez tort : jouer de l’alto ne fait pas de moi un altiste, les choses ne fonctionnent pas comme cela sinon bien trop d’adjectifs me correspondraient… Et non, je ne sous-entendais pas que parce que vous êtes professionnelle, vous avez cessé de jouer pour le plaisir. Etait-ce tout ? Non, bien sûr que non, Calixte était resté bien plus longtemps silencieux que cela. Webern s’est imposé comme une évidence, vous auriez dû voir ma tête lorsqu’ils ont commencé par effectivement proposer Vivaldi… pitié, leur premier jet a fini dans la poubelle et j’ai pris les choses en main, je n’allais pas envoyer des semaines de préparation et de négociation avec les propriétaires pour que les visiteurs aient à entendre ça pour la millième fois. Il s’emballait – comme souvent – et n’en prit conscience que de justesse, quand ses doigts fermaient l’étui de son alto et une clé mise en collier et sortie de sa chaîne pour l’occasion le verrouilla. Cela fait, il se tourna vers la violoncelliste. L’annulation n’est plus de mon ressort, l’autre altiste a peut-être eu l’intelligence d’apporter son propre instrument après tout. En revanche, concernant vos compliments, je dois dire qu’effectivement, j’ai été tenté de me poser la question. Après, si vos compliments ne sont pas un acte de drague, j’ose espérer que vous ne prendrez pas non plus comme tel une invitation à aller boire un café. Pour me faire pardonner.

Une fraction de seconde. Juste une fraction de seconde. Ce fut le temps que dura son hésitation, infime, imperceptible, impertinente. Comme lui. Une fraction de seconde, juste le temps d’une respiration. Avant qu’il ne se sente obligé de rajouter : Histoire de satisfaire votre curiosité, aussi, peut-être. qui ne l’engageait pas vraiment qu’à répondre à d’éventuelles questions. Une fraction de seconde, encore, avant qu’il ne cède – encore – à la tentation de rajouter sur un ton des plus coquins un N’est-ce pas, St Thomas ? qui mourut dans un sursaut quand la porte s’ouvrit soudain sur le conservateur et un musicien dont les voix s’entrechoquèrent avec colère – pour le second – et angoisse – dans le cas du premier.

Henry, je vous assure, j’ai essayé de le retenir, il… C’est vous, l’enfoiré qui me refuse le Vuillaume ? Calixte s’immobilisa. Tétanisé. Bouche entrouverte, regard passant du conservateur à Pandora en passant par le petit imbécile. C’était ça qui se proclamait altiste ? Il se pourrait bien, oui. Voix sèche, ton méprisant, condescendance.


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Lun 12 Mar - 17:48
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Je crois bien que c'est la première fois que je rencontre quelqu'un qui répond du tac au tac à mes provocations. Rien ne le laisse sans voix et c'est comme si la moindre de ses répliques trouvait réponse avec les miennes et inversement. Ce type est vraiment amusant ! Et agaçant aussi... je vais devoir me contenter de l'appeler par son nom, puisque môssieur refuse de me donner autre chose. Je vais vraiment finir par l'appeler Bob, mais ce qui m'amuse le plus, c'est cette répartie cinglante ou provocante. C'est comme si on se renvoyait la balle avec une aisance déconcertante. Moi qui pensais réussir à le choquer en lui disant que je ne crois que ce que je vois, on dirait qu'il en a suffisant dans le pantalon pour être prêt à le baisser et prouver ce qu'il avance.

N'abîmons pas les chastes ouïe de votre alto... et je ne voudrais pas que mon Stradivarius ait une extinction de voix en voyant ça.

Après tout, il n'est pas le seul ici à posséder un instrument historique et hors de prix. Je n'ai jamais fait estimer le mien, persuadée que je suis que cela ne peut se chiffrer en livres mais bon... suis-je vraiment objective ? Pas vraiment. Quelques notes s'élèvent, des cordes sont tendues pour accorder nos instruments, et voilà que leurs timbres respectifs se mêlent en une parfaite harmonie. Harmonie que l'on retrouve dans nos provocations et pourtant, lorsqu'il admet être curieux d'en savoir plus à mon sujet, je sens mon sourire s'effacer et mon visage se fermer. Elle est toujours là, cette crainte, cette peur morbide que j'ai de voir quiconque s'intéresser à moi d'un peu trop près avant de brutalement disparaître. Je ne m'ouvre plus à qui que ce soit depuis longtemps, enfile des déguisements de carnaval pour me faire passer pour celle que je ne suis pas, tout ça pour que personne ne sache ce qui se cache sous cette tignasse rousse et ce sourire faussement enjoué. Je préfère presque qu'il soit craintif et se cache loin de ce qu'il pourrait découvrir. Et puis au fond... tout ce petit jeu n'est que passager, nous passons le temps avant le concert, mais une fois qu'il sera fini, chacun retournera de son côté et on n'en parlera plus. Oui... c'est bien ce qu'il faut que je me dise et pourtant, je n'en suis pas convaincue. Je reste muette, faisant mine de jouer une gamme en boucle pour masquer la nervosité qui agite mes doigts. Ne rien répondre, c'est encore la meilleure façon d'esquiver le sujet pour mieux embrayer sur autre chose et fort heureusement, il m'en donne l'occasion lorsqu'une fausse note grince sous son archet. Lorsque je me lève pour tenter, gentiment, de rectifier cette tension entre ses omoplates, je sens ses muscles se crisper un peu plus. Ah ? Aurait-il un problème avec les contacts physiques ou n'aime-t-il simplement pas qu'on le reprenne ? Visiblement, il sait... oui, très bien, mais il sait quoi ? Il sait qu'il est tendu ou bien il sait pourquoi il est tendu ? Ce sont deux choses bien différentes et je dois bien avouer que la curiosité me dévore. Je poursuis, lui lance des perches, espère qu'il les attrapera au vol, mais il se contente d'un énigmatique « c'est plus compliqué que ça ». C'est toujours plus compliqué avec les gens qui refusent de parler. Je penche légèrement la tête, le fixe un long moment et cherche à comprendre ce qui peut à ce point bloquer ce type. Il a l'air de connaître le conservateur du musée, il s'est inévitablement payé le luxe de faire assurer son alto pour pouvoir l'exposer dans cette galerie, son costume semble avoir été taillé sur lui avec de belles étoffes... bon sang. Il a le fric, les connaissances, qu'est-ce qui l'empêche à ce point d'être épanouit lorsqu'il joue ? Échec à un concours ? Hum... il n'aurait sûrement pas continué à jouer. À moins que sa carrière n'ait été interrompue par une fracture ou une blessure grave à la main ? Je me surprends à laisser promener mes yeux le long de l'archet, détaillant ses phalanges à la recherche d'une cicatrice, mais je n'y trouve rien. Rien si ce n'est qu'il a plus des mains de pianiste que d'altiste. Merde... j'ai envie de savoir. Je me tue à répéter à mes élèves que s'ils veulent devenir musiciens, ce n'est ni leur naissance, ni leur sexe, ni leur origine qui doit conditionner cela. Il n'y a que le travail et la passion qui soient susceptibles de faire d'eux de médiocres amateurs ou de formidables virtuoses. Ce type... Seymour... il est enfermé dans une bulle de déni et préfère répéter en boucle qu'il n'est pas altiste. Je ne réplique rien, consciente que si j'insiste, il va se fermer davantage et je perdrais définitivement le droit de lui reposer la question.

Je me contente d'un soupir, hausse les épaules et garde cette interrogation dans un coin de mon esprit. Moi qui me disais quelques minutes plus tôt que je ne le reverrais jamais et qu'il n'aurait ainsi pas l'occasion d'en savoir plus à mon sujet, voilà que je m'aventure à vouloir creuser le mystère qui l'entoure. Mystère qui s'épaissit lorsque d'un coup, la question sur son choix de programmation fuse. Il a l'air réellement inquiet, comme l'idée que je puisse réellement apprécier ses directives artistiques soit d'une importance capitale. C'est fou comme il l'air différent de l'homme assuré qu'il est entré dans la pièce quelques minutes plus tôt. Le mépris s'est fissuré, l'assurance s'est envolée et le voilà maintenant soucieux, indécis, et je ne peux que répondre avec la franchise qui me caractérise tant. Oui j'aime ses choix, oui je les trouve audacieux et... mais c'est qu'il rougit ?! Alors ça... il est tout rouge, si je n'étais pas aussi surprise j'éclaterais de rire ! Non vraiment, c'est possible d'être aussi irritant et mignon à la fois ? On dirait un adorable chaton qui se transforme par moments en gremlin. J'entrevois presque une issue, une reddition de sa part, quelque chose... je le vois presque accepter que nous sortions ensemble pour rejoindre la scène et... et il range son alto, ce con. Il est buté, borné, exaspérant et j'ai envie de le secouer pour lui dire d'arrêter de faire la princesse effarouchée.

Oh mais pour l'amour du ciel, Seymour ! Vous êtes d'un chiant ! Et ne me regardez pas avec cet air de princesse effarouchée !

J'avais bien dit que ça finirait par sortir...

Vous êtes musicien, sensible, un brin musicologue... et vous allez laisser un autre briller à votre place. C'est... c'est complètement con. Vous ne voulez pas me dire pourquoi vous ne pouvez pas jouer en public ? Très bien ! Mais ne comptez pas sur moi pour accepter l'idée que vous ne veniez pas jouer. Ce programme doit sa cohérence à son programmateur, point barre.

Je n'arrive plus trop à savoir si je l'engueule ou si je le flatte, à ce stade, mais moi aussi, je suis énervée. J'espère que l'autre crétin d'altiste qui doit jouer ce soir aura amené son alto, j'espère qu'il ne fera pas un caprice – là-dessus j'ai des doutes – j'espère que ce concert aura lieu et j'espère aussi que Seymour finira par me dire comment fonctionnent les rouages détractés de son esprit.

Lui aussi est doué pour éluder les questions, bon sang... le voilà qui rebondit comme la danseuse en tutu de soie qu'il est pour me renvoyer l'ascenseur. Merde... ça passe à ce point pour de la drague, mes compliments ? Il faut dire qu'il n'est définitivement pas laid à regarder et, je dois bien l'avouer, j'ai toujours eu un faible pour les musiciens. À mon tour, je sens mon visage s'embraser et devine aisément que mes joues doivent avoir pris une jolie teinte pivoine. J'ouvre la bouche, incapable de savoir quoi répondre, la referme, réfléchit... je suis censée répondre quoi à ça ? Au secours !

Je... heu...

Belle démonstration d'éloquence, Pandora. Superbe, vraiment. Je n'ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit de plus qu'il enchaîne, enfonçant un peu plus ce qui ressemble de plus en plus à une technique de drague qui, en d'autres circonstances, m'aurait fait rire. Je papillonne des yeux sous la surprise, partagée entre l'envie que j'ai de lui dire oui – pour des milliers de raisons, pas seulement pour ses beaux yeux, non mais oh – et refuser poliment pour maintenir entre nous une certaine distance. Et puis je tombe dans le piège. Parce que la malice dans ses yeux plissés par l'amusement m'attire, parce que je l'ai suffisamment provoqué pour qu'un non passe pour un caprice de ma part, et parce que je meurs d'envie de comprendre pourquoi le poids de son alto semble peser huit tonnes sur ses épaules. L'étonnement passé, j'esquisse un sourire et hausse les épaules.

C'est tellement gentil à vous de vouloir me rendre la vue... je vais devoir accepter, si je veux que le miracle se produise.

Voilà voilà. Comment mettre les deux pieds dans le plat d'une façon tout aussi évidente que la sienne. C'est vraiment la première fois que ma franchise ne fait pas peur à quelqu'un ! Pourtant, à peine ai-je le temps de répondre cela et d'ajouter que nous pouvons nous retrouver à l'entrée du musée que la porte s'ouvre à la volée. Je sursaute en voyant entrer un conservateur transpirant la peur et le stress qui tente de retenir un musicien rouge de colère. Décidément, tout le monde rougit, ici... L'agression fuse, directe, s'incarnant en des mots crachés avec suffisance et mépris. Je déteste ce type. Thomas Smith, voilà le nom de l'impertinent qui se permet d'exiger qu'on lui rende un instrument qui ne lui appartient pas. Sa suffisance m'exaspère depuis plus de douze ans : je m'en souviens, nous avons intégré le LSO en même temps. C'est lui qui est venu combler la chaise vide qui, je le pensais naïvement, devait avoir été attribué à mon ange gardien. Au lieu de ce garçon séduisant et plein d'entrain, l'orchestre traîne depuis une décennies ce boulet imbu de sa personne et persuadé qu'il est l'élément indispensable de la formation. Doit-on lui rappeler qu'il n'était qu'un second choix, à l'origine ?

Eh oh, tout doux, Tommy... quand on est polit, on dit bonjour.

C'est alors qu'il semble prendre conscience de ma présence, me toise de haut et crache ces quelques mots qui me glacent.

Ah... O'Sullivan, comme toujours. Tu devrais savoir, depuis le temps, que ce n'est pas en léchant le cul de tous les mécènes que tu croises que ça fera un jour de toi une grande musicienne. Donnez-moi l'alto, le concert va commencer.

Mes poings se serrent, ma mâchoire également, mais je suis incapable de répliquer quoi que ce soit. De l'assurance, j'en ai. En apparence. En réalité, je doute toujours beaucoup de mon talent, me demande sans cesse si je ne suis pas simplement une usurpatrice et si j'ai réellement mérité ma place de soliste. Ces mots qu'il crache, je les sais enrobés de méchanceté et de malhonnêteté, mais je ne peux m'empêcher de les écouter et d'y croire. Petit con... Préférant ne rien répondre, je me tourne vers le conservateur du musée.

J'ai vu que vous aviez un Lupot dans la vitrine du fond, il est à qui ?

Oh heu... laissez-moi regarder dans mes notes... oui c'est bien ce que je pensais. Il est la propriété d'une banque suisse depuis dix ans maintenant.

Parfait ! Ce genre de donateur est beaucoup moins regardant sur les crétins qui posent leurs sales pattes sur leurs instruments. Vous n'avez qu'à le donner à monsieur et peut-être que ça le calmera dix minutes. Si vous voulez bien m'excuser...

Si je suis vexée ? Sans blague... je suis surtout incapable de me sortir la remarque de Smith de la tête. Ça me fait mal de me dire que je viens de suggérer au conservateur de lui confier un instrument presque aussi bon que le Vuillaume de Seymour. J'attrape mon violoncelle, l'archet, récupère les partitions des mains de Seymour et me dirige à grands pas vers la galerie du musée. Quelques instants plus tôt, je me réjouissais presque d'aller partager une passion commune autour d'un verre mais là... minute... le conservateur l'a appelé Henry ? L'intervention de Smith m'a sorti ça de la tête mais... Henry ? Étrange comme ce nom lui va mal et pourtant, il m'évoquer quelque chose. Mince pourquoi je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui me tracasse ? C'est un prénom tout à fait classique, surtout chez les aristo, après tout. Je m'installe à ma place, pose les partitions sur le pupitre et salue les deux violonistes d'un air distrait. Tandis que le public nous applaudit, l'idiot du village se fait attendre. Lorsqu'il surgit de l'aile privée, c'est pour bomber le torse face à un public qui l'applaudit lui aussi en pensant naïvement qu'il doit être le soliste de la troupe. Dans sa main, une alto vieux de deux siècles qui ne va pouvoir que souffrir sous les coups d'archet acérés de Smith. C'est un bon musicien, c'est vrai. Mais un bon musicien lorsqu'il joue seul. Au sein d'un quatuor, il fait tâche, ne s'harmonise pas aux autres parce qu'il refuse de faire partie d'un tout et c'est une chose qui m'exaspère au plus haut point. Anika, la première violoniste, lève les yeux au ciel et lui désigne sa montre pour lui rappeler qu'il est en retard. Lorsque le silence se fait, je n'ose même pas lever les yeux vers le public, de peur d'y croiser le regard de Seymour. Je me concentre, darde mon regard sur Anika et la suit lorsqu'elle donne le coup d'envoi du concert.

Voilà... c'est ça... une bulle de sérénité, de musique et d'harmonie, voilà ce dont j'avais désespérément besoin. Il y a une réelle connivence entre Anika et James, son compagnon de pupitre et de vie, une telle osmose qu'ils semblent jouer d'un seul et même instrument. Pourtant, il y en a un qui ne suit pas. Un qui semble toujours tarder un peu sur la fin d'une phrase ou anticiper un peu un départ, un qui me donne envie de lui enfoncer mon archet dans l'œil lorsqu'il m'agresse les oreilles avec son trémolo interminable, un qui ne suit que sa propre battue et non celle d'Anika. Ça ne joue pas à grand chose et la quasi totalité des spectateurs ne doit y voir que du feu, mais l'oreille affûtée de n'importe quel musicien doit entendre ce qui cloche dans notre formation. Les pièces s'enchaînent, les applaudissements pleuvent et nous effectuons même deux rappels pour satisfaire un public qui en demande toujours plus. Perdue à mi-chemin entre la musique et mes pensées, c'est lors du dernier morceau que je relève finalement les yeux vers le public et y croise ceux de Seymour.

Henry... altiste... bordel de merde – que de vilains mots dans mon esprit – mais... non. C'est impossible que ça soit lui, la coïncidence serait bien trop énorme. J'essaye de me remémorer son visage, douze ans auparavant. Plus de barbe, des pattes d'oie moins dessinées autour des yeux... mais un sourire inchangé. J'ai envie de croire que c'est lui, mais le rationalisme de mon esprit me pousse à penser que je cherche à idéaliser ce quasi-inconnu pour combler une question sans réponse : qu'est devenu celui à qui je dois ma carrière de musicienne ?

Lorsque le concert se termine, je quitte en silence la scène avec les autres et regagne l'aile privée où j'ai laissé mes affaires, tandis qu'eux se dirigent vers les loges. Tant mieux. J'ai besoin de calme pour réfléchir. Je détends les crins de mon archet, passe un coup de chiffon sur le bois de l'instrument, le range précautionneusement et me dirige vers la sortie, toujours perdue dans mes pensées. Tellement perdue que j'en percute quelqu'un au niveau de la sortie.

Oh pardon, je suis dé... oh... décidément, nous sommes fait pour nous percuter, monsieur Seymour !

Ce n'est qu'après l'avoir prononcée que je me rends compte que ma phrase est effroyablement tendancieuse.

Vous... vous avez aimé le concert ?

Je le suis jusqu'à l'extérieur, plonge les mains dans mes poches pour les épargner du froid et m'arrête à nouveau.

Avant que vous ne m'emmeniez boire ce café que vous m'avez promis, j'ai une question à vous poser. Avez-vous passé un concours de recrutement à London Symphony Orchestra le 18 septembre 2005 ?

J'ai le cœur qui bat à tout rompre et suis incapable de savoir ce que je préférerais entendre comme réponse : qu'il ne soit pas celui auquel je pense, au risque d'être déçue, ou que ça soit bien lui et que... et que quoi, d'ailleurs ? À peine ai-je posé cette question que je la regrette déjà.

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Jeu 15 Mar - 21:37
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pandora & calixte






Une part de Calixte s’amusait, c’était indéniable. Une part de lui s’amusait à répliquer, du tac-au-tac, s’amusait à se savoir face à une femme du même acabit que lui, que rien ne semblait arrêter, que rien ne semblait heurter mais qui avait une certaine finesse dans ses propos, une finesse qui n’avait strictement rien à voir avec de la pudeur ou un balai planté au mauvais endroit. Rien à voir avec cela : Pandora possédait définitivement toutes les qualités que Calixte recherchait chez ses pairs, toutes ces qualités qui alimentaient non seulement une bonne conversation mais également un éclat de malice dans son regard, jusqu’à cette lueur provocante donnant envie de jouer au poker avec elle, ne sachant pas où donc se situait la limite que l'autre ne franchirait pas. N'abîmons pas les chastes ouïe de votre alto... et je ne voudrais pas que mon Stradivarius ait une extinction de voix en voyant ça. Un ricanement, un petit rire plutôt, compléta cette conclusion tout sauf chaste, aux sous-entendus bien trop explicites, mais qui conservaient la finesse d’être maintenus dans le silence courtois. Bien sûr, bien sûr, ce serait déroutant qu’il poursuivit. Avant que la conversation, également, ne se poursuive.

Et que tout dégénère, allant de mal en pis, de mieux en mieux, avant que tout ne dérape et ne s’échappe hors de son contrôle, avant que le Seymour ne se fasse malmené dans ses émotions et sa sensibilité par la musique, par son alto, par ses regrets et ses doutes, par même une remise en question de ce qu’il pouvait faire dans le monde de la musique, un monde qui lui était interdit et qu’il fréquentait quand même en déambulant sur la ligne du trop avec une témérité délétère. Tout dégénéra, des promesses commencèrent à être rompues, comme celle de ne plus jouer avec un autre musicien, et Calixte eut comme l'impression de tremper ses lèvres dans un Sauvignon de première classe après des années d'abstinence. Et prit peur. Définitivement peur de ne pas réussir à tourner le dos une seconde fois à tout ça s'il cédait une fois de plus, de désobéir une fois de trop à un interdit de Papa… Calixte prit peur. Se crispa. Se rétracta. Se referma sur lui-même et une part de lui se mit même à comprendre la réticence qu’avait Helena à goûter une nouvelle fois un alcool de crainte de ne plus pouvoir faire marche arrière. Parce qu'il avait réellement apprécié ces quelques mesures, cet aperçu d'un tout. Parce qu’il mourrait d’envie de poursuivre. Parce que ça le consumait. Parce que tout, absolument tout, lui semblait bien plus compliqué que ce qu’elle pouvait croire, jusqu’à son manque d’assurance soudain et ses joues inhabituellement rougies sous les compliments, un rougissement qu’il masqua en s’empressant de refermer la boîte de Pandore, avant l’amère sensation d’y enfermer l’espoir, redite du mythe. Oh mais pour l'amour du ciel, Seymour ! Vous êtes d'un chiant ! Calixte fit volteface, surpris par la soudaine velléité de la violoncelliste, surpris aussi - agréablement c’était indéniable - par la familiarité qui s’était tissée entre eux et qui se dévoilait maintenant. Et ne me regardez pas avec cet air de princesse effarouchée ! Il fronça les sourcils, trop surpris, vraiment, pour se renfrogner. Plaît-il ? Vous êtes musicien, sensible, un brin musicologue... et vous allez laisser un autre briller à votre place. C'est... c'est complètement con. Vous ne voulez pas me dire pourquoi vous ne pouvez pas jouer en public ? Très bien ! Mais ne comptez pas sur moi pour accepter l'idée que vous ne veniez pas jouer. Ce programme doit sa cohérence à son programmateur, point barre. Sa surprise se transforme en sourire, son sourire en agacement, son agacement en résignation, sa résignation en détermination, le tout en l’espace d’une fraction de seconde. Calixte ignorait même ce qu’il ressentait exactement, à ce stade là d’une conversation qui avait pris une toute autre teinte, décidément, ces dernières minutes, et il ne s’en sortit qu’en éludant des questions qui le dérangeaient pour retrouver le terrain bien plus familier, stable et sûr - étrangement - qu’était celui des répliques faciles. Du charme relatif. Et de la drague éhontée, proprement scandaleuse et culottée. Elle craignait qu’il ne voit en ces compliments qu’elle lui adressait une technique de drague évidente ? Et bien soit, parti dans cette voix… Calixte retomba sur ses pattes dans un regard taquin, coquin, malicieux, tendancieux, ce que l’on voulait, parce qu’au moins, il retrouvait là une zone de confort relative dans laquelle évoluer sans risquer de trop se perdre. Et il eut au moins la satisfaction de la voir à son tour prendre des couleurs, dans un Je... heu... qui détonnait avec sa répartie de tantôt et qui ne fut qu’un tremplin pour un Calixte sans aucune limite à la provocation. St Thomas, avait-elle dit ? Et bien St Thomas, il avait envie d’en savoir plus sur elle, St Thomas, qui-ne-voit-que-ce-qu’elle-voit, Calixte se serait senti bien mal de la laisser dans les ténèbres, St Thomas, il se sentait bien trop à l’aise avec elle, et elle correspondait bien trop à tout ce qu’il appréciait pour ne pas aller plus loin. Et c’était tout de même bien plus simple que de devoir lutter une seconde de plus pour ne pas céder à l’appel d’une harmonie musicale. Vraiment plus simple. C'est tellement gentil à vous de vouloir me rendre la vue... je vais devoir accepter, si je veux que le miracle se produise. Un large sourire fendit les lèvres du Seymour, vraiment plus à son aise dans un tel contexte, retrouvant la terre ferme dans la tempête de ses émotions et de sa sensibilité. Il ne s’était même pas rendu compte qu’il n’avait pas considéré un seul instant la possibilité d’une réponse négative. Le courant passait trop bien. Et…

La discussion avait pris une trop belle tournure - finalement - pour que cela ne dure plus longtemps : on les interrompit brutalement. Et l’interruption prit la forme d’un conservateur et d’un musicien, d’une phrase d’excuse et d’une agression qui causèrent chez Calixte un renversement complet de son état d’esprit. De l’homme - comment avait-elle dit déjà ? - musicien, sensible et musicologue, nulle trace : il n’y eut soudainement qu’un aristocrate agacé. Et plus de drague ni de charme, juste un mépris affiché. Eh oh, tout doux, Tommy... quand on est poli, on dit bonjour. Calixte n’eut aucun regard en direction de Pandora, toisant de haut en bas d’inconnu. Et altiste, de toute évidence. Ah... O'Sullivan, comme toujours. Tu devrais savoir, depuis le temps, que ce n'est pas en léchant le cul de tous les mécènes que tu croises que ça fera un jour de toi une grande musicienne. Donnez-moi l'alto, le concert va commencer. Le sang de Calixte se glaça, il ne se fit pas prier pour s’approcher, cracher : Vous pouvez aller vous faire foutre si vous trouvez quelqu’un d’assez désespéré pour supporter votre présence et votre existence suffisamment longtemps pour ça, mais vous ne toucherez pas à cet instrument. Débrouillez-vous, mendiez donc auprès d’autres propriétaires, cela ne me regarde plus. Cet homme représentait définitivement, de ses manières et ses mots en passant par son attitude, tout ce que Calixte pouvait exécrer chez Edward et bien d’autres, l’élégance en moins, la médiocrité en plus, et il avait une telle envie de provoquer une rencontre percutante entre son poing et les dents de lapin du musicien qu’il ne vit qu’une seule solution : partir avant que tout cela ne dégénère d’une bien méchante façon. Un regard lancé à Pandora, il s’entendit lui dire Bon courage pour supporter cet imbécile et non lui donner rendez-vous à la sortie de la galerie, et préféra sortir plutôt que de céder à une impulsivité malheureuse, donnant sans conteste raison à tous ceux qui le traitaient de lâche, assurément.

Dans la galerie, il n’eut pas le loisir de s’adosser contre un mur, comme il avait pu le souhaiter. Dans la galerie, Calixte fut aussitôt accaparé par des poissons-pilotes comme il les appelait en son for intérieur, de ceux qui tournoyaient autour de lui attirés par son nom, sa réputation, son assurance et non par tout le reste. Dans la galerie, Calixte fut forcé de mettre de côté Pandora, la si curieuse Pandora, fut forcé d’oublier ces quelques notes jouées, ce frisson sur ses doigts et l’ombre des mains de la violoncelliste sur ses trapèzes crispés, il mit de côté tout cela pour être celui qu’on attendait. Pas un altiste, pas un dragueur, pas un musicien, pas un brin musicologue, juste le mécène et le pont vers Edward et Papa que bien des gens voyaient au travers de sa présence. Dans la galerie, puis face au quatuor, Calixte se retrouva plongé dans un univers dont il connaissait par coeur les codes. S’y noya par la force de l’habitude. Evita de poser son regard sur la rouquine, se contraignit à n’écouter que d’une oreille distraite l’harmonie pour suivre la conversation, autour d’un verre de champagne bien choisi, qu’on lui réclamait. Tatouage et dépistage étaient bien évidemment au coeur des débats, la position d’Asclepios n’en était pas de reste, quelques rumeurs sur Papa qu’il s’empressa de faire disparaître dans un éclat de rire et un mensonge assuré, des remarques, par ci, par là, invitant au calme et à la confiance en leur gouvernement si solide furent articulés quand vint le sujet du dealer… On ne parlait pas que de musique et d’alto, au fond de la salle qui accueillait la formation musicale, on n’écoutait pas réellement Webern, on ne prêtait pas réellement attention à cette harmonie, presque parfaite, défaillante au son d’un altiste trop m’as-tu-vu qui hérissait le poil de Calixte, et quand vinrent les applaudissements, les mains claquèrent par réflexe, politesse et hypocrisie plutôt que par réel enthousiasme, au grand désespoir du Seymour. Un premier rappel, il délaissa le verre - vide - et récupéra quelques petits fours. Un second rappel, il s’éloigna du groupe de Lord et de Sir pour céder - encore - à la tentation. Aux derniers applaudissements, il croisa le regard de Pandora. Et sourit, bien évidemment, dans un mouvement bref de la tête, un mouvement appréciateur, et une grimace légère désignant sans nul doute possible le paon qui se rengorgeait à côté. Quel triste con. Henry, très belle programmation. Je vous félicite. On attira son attention, il ne put se montrer impoli en ignorant un quelconque comte et dut se détourner au moment où elle quittait la scène. Mit quelques minutes, trop longues, à se défaire des griffes d’un commère auquel la pire des pies et des gouvernantes - madame Stevenson venait en première position, avec sa voix geignard qui lui hurlait deux décennies plus tôt de finir son assiette de choux de Bruxelles - avant de réussir à enfin se décider et courir comme il le pouvait, rejoindre la sortie.

Juste à temps. Oh pardon, je suis dé... oh... décidément, nous sommes fait pour nous percuter, monsieur Seymour ! Un éclat de rire, léger, contenu, réceptionna la remarque. Ce n’est rien, je vous cherchais ! Après tout, ils n’avaient pas réellement fini leur conversation. D’un mouvement de main, dans une courbette légèrement exagérée, surjouée par plaisir de la comédie, Calixte désigna l’extérieur, un extérieur vers lequel il se dirigea sans plus tarder - merci bien, il ne voulait surtout pas croiser à nouveau le conservateur ou qui que ce soit. Vous... vous avez aimé le concert ? Il ouvrit la bouche pour répondre, la referma sans avoir articulé le moindre mot, se résigna à dire plutôt une vérité : Vous êtes douée qu’il entendait bien détailler plus tard. Mais pas tout de suite, parce que Pandora venait d’avoir le malheur de reprendre la parole, et surtout d’avoir un visage particulièrement expressif : Avant que vous ne m'emmeniez boire ce café que vous m'avez promis, j'ai une question à vous poser. Avez-vous passé un concours de recrutement à London Symphony Orchestra le 18 septembre 2005 ?

Son coeur rata un battement. Comment… Cette date était naturellement gravée dans sa mémoire. Au jour près. Un dimanche. Pluvieux. Froid. Calixte prit le temps de détailler la violoncelliste. Pandora. 2005. London Symphony Orchestra. Et une conviction se faufila dans ses tripes, avec la saveur de la nervosité. Il la connaissait, c’était certain, tout comme elle le connaissait. Une rousse. Violoncelliste. 2005. Pandora. Oh doux Jésus… Bonté divine aurait même dit Maman. Vous êtes la petite stressée ? Celle avait qui j’ai parlé avant mon audition ? La question pouvait paraître stupide, bien évidemment, mais dans les lèvres de Calixte, elle était teintée de certitude. J’ai passé le concours, oui. Et il lui tendit une main nerveuse Henry Seymour, mais je préfère que l’on m’appelle Calixte, mon deuxième prénom. Nul besoin de faire le moindre mystère sur son prénom, Calixte était conscient qu’un peu plus tôt, le conservateur avait vendu la mèche. Et que douze ans et demi plus tôt, il s’était déjà présenté. Presque de la même manière. J’ai passé le concours, mais je n’ai pas eu le plaisir de rejoindre le London Symphony Orchestra après ça. Content de voir que vous avez été prise… Et ce, même si son plaisir sonnait faux, crispé par la jalousie - dévorante, la déception - aiguë, et les souvenirs - douloureux. Bon sang, vous avez bien grandi depuis, je ne vous aurais jamais reconnue de moi-même ! Qu’est-ce qui vous a mis sur la piste, si ce n’est pas indiscret ? Hum… Calixte fronça les sourcils, regarda autour d’eux. Porta son choix sur la devanture la plus proche : nous étions de toute manière dans un quartier de Newcastle qui n’était pas à plaindre, loin de là, tout café était bon à prendre. On va peut-être se mettre au chaud avant de commencer à faire les pipelettes sur le trottoir.

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Dim 18 Mar - 21:07
Pandora A. O'Sullivan
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Je ne sais pas ce qui m'a retenue de le frapper. Je hais les excès d'arrogance, abhorre le mépris des idiots de son genre et pourtant, je suis restée figée là, incapable de lui dire d'aller se faire foutre. Finalement, c'est Seymour qui s'en charge pour moi et je dois bien avouer que je lui en suis reconnaissante. Bon courage, qu'il me dit ? Ça c'est sûr, il va m'en falloir un paquet. C'est toujours pareil, avec ces altiste à la con : moi je, moi je, moi je. Incapable de suivre une battue correctement, le mec arriverait à vexer un métronome ! Ça n'a d'ailleurs pas loupé pendant le concert, puisqu'il a trouvé le moyen de se faire remarquer. C'est idiot mais... cette alchimie qui a commencé à prendre entre Seymour et moi me fait cruellement défaut lorsque je me retrouve sur scène : je suis alors persuadée que s'il avait accepté ma proposition, tout aurait été parfait. Bon il aurait fallu ligoter l'autre con, mais ça c'est une autre histoire. Lorsque je relève les yeux vers la salle, je l'aperçois, entouré d'une foule dont il entretient la conversation avec un sourire hypocrite. Bon sang, mais c'est qui, ce type ? Il est célèbre au point de rassembler les foules, en fait ? Seymour... j'ai beau y réfléchir, pas moyen de comprendre pourquoi tout ce monde lui tourne autour comme si c'était la star du coin. Il faut dire que je n'ai plus vraiment le temps de regarder la télé ni de lire les journaux, ce qui explique sûrement pourquoi sa célébrité m'échappe.

Lorsque le concert se termine, c'est presque avec soulagement que je le percute, alors même que je commençais à me dire qu'il avait dû fuir la foule et oublier son invitation. J'esquisse un sourire un peu gêné, remet machinalement une mèche de cheveux derrière mon oreille et sors telle une princesse lorsqu'il exagère une courbette en direction de l'extérieur. Son compliment me fait plaisir et pourtant, j'enchaîne immédiatement sur la question qui me taraude depuis quelques minutes déjà.

Oh doux Jésus…

Heuu... non, moi c'est Pandora, je lâche machinalement.

À force de vivre avec Marcus, son humour déteint sur moi ! Songeant soudain à mon frère, je me fais la remarque qu'il doit se demander si je n'ai pas disparu dans un trou noir, depuis le temps. Seymour poursuit tandis que je hausse les sourcils et pince les lèvres.

Stressée oui mais petite... ça va ! Vous aviez quoi... 17 ans ? Pas beaucoup plus que moi à l'époque !

Il me tend alors la main, j'hésite un instant, rouge comme une pivoine. C'est maintenant que je suis supposée lui dire que je l'ai longtemps considéré comme un ange gardien et que je lui attribue ma réussite ? Mauvaise estime de moi, dirait un psy, mais j'ai toujours eu du mal à me dire que j'avais réussi ce concours grâce mon travail ou au talent. C'était plus facile d'attribuer ça à la rencontre éphémère avec un type bien plus assuré que moi. Je finis par lui tendre la main et serre la sienne en souriant avec un air amusé.

Je comprends pourquoi vous préférez qu'on vous appelle Calixte... ça vous va mieux qu'Henry, c'est moins... classique. Pandora O'Sullivan.

Maintenant que les présentations ont été faites, je l'observe discrètement. C'est quand même dingue de nous retrouver ici ! Douze années se sont écoulées, douze années que je lui dois les remerciements du siècle, douze années que je me demande pourquoi moi et pas lui. Il a pris quelques centimètres, une carrure athlétique que l'on devine sous son costume et la barbe le rend méconnaissable. Tu m'étonnes que je ne l'ai pas reconnu ! À l'exception de son sourire et de ses yeux qui me font dire que c'est ça qui a dû me mettre le doute, j'aurais eu du mal à le reconnaître. Calixte... c'est quand même pas commun, comme nom, mais c'est franchement mieux que Henry. Lorsque j'essaye de coller Henry sur son front, il prend 30 ans dans la figure et l'incontinence avec mais bon... on me dit souvent que j'ai l'esprit un peu trop imagé.

Alors Calixte, pourquoi n'avoir pas rejoint le LSO ? Si je n'avais pas peur de la réponse, je lui poserais immédiatement la question. N'a-t-il pas été pris ? Est-ce cet échec qui le pousse à s'interdire de jouer ? Ou est-ce pire encore ? Il poursuit, je penche la tête sur le côté et fronce les sourcils. À aucun moment il n'a dit qu'il avait été refusé. Il a simplement dit qu'il n'avait pas eu le plaisir de rejoindre l'orchestre... pourquoi ne pas être venu s'il était pris ? Là, ça m'échappe. Je n'ose répondre quoi que ce soit, perturbée par cette révélation et lorsqu'il enchaîne, je n'ai pas non plus le temps de répondre quoi que ce soit car il a la bonne idée de m'inviter à nous trouver une table au chaud.

Bonne idée ! Il fait un froid de canard, aujourd'hui... mais... ce café est hors de... ok.

Visiblement, il a décidé que ça serait ce café et pas un autre. Je n'y suis jamais entrée, il est réputé pour être un peu trop huppé pour les petits portefeuilles. Résignée, je sors mon téléphone, envoie un message à Marcus et me hâte jusqu'au café. Lorsque nous entrons, le son d'un piano nous accueille et je repère un peu plus loin un pianiste qui improvise sur un vieux standard de jazz. Une serveuse en tailleur et chignon impeccable nous accueille, et je me sens soudain très mal à l'aise. Comme si je n'étais pas la bienvenue dans ce genre d'endroit. Nous nous installons, la carte nous est présentée et j'ignore résolument les prix exorbitants pour ne me concentrer que sur une chose : le choix du thé le plus adapté à la situation. Commençons par quelque chose de soft, si j'entame les hostilités avec le remontant alcoolisé dont je rêve à cet instant, il va me prendre pour un poivrot.

C'est... heu... c'est joli, ici. Je n'avais jamais vu autant de variétés de thés sur une carte !

Détend-toi, Panpan, ça va bien se passer. Je jette mon dévolu sur un mélange fruité et referme la carte aussitôt. De quoi parlions-nous ? Ah oui.

Comment je vous ai reconnu ? Votre nom, déjà. Seymour, ça me disait quelque chose et puis je ne sais pas... il y a quelque chose dans votre sourire qui m'a rappelé un vieux souvenir, sans que j'arrive à savoir pourquoi. Lorsque le conservateur vous a appelé Henry, ça a cogité, les pièces se sont mises en place et j'ai eu de gros doutes. C'est un peu grotesque, je sais, mais bon. Vous avez l'air drôlement connu dans le coin, en tout cas ! Vous aviez un véritable fan club autour de vous, tout à l'heure !

J'ignore si je vais passer pour la cruche de service qui n'est pas au courant de ce qui se passe autour d'elle, ou si au contraire il sera agréable surpris de voir que je m'intéresse à sa personne et non à ce que la presse peut dire de lui. Entre nous, la presse pourrait bien lui prêter une folie avancée ou des délires douteux que je m'en ficherais, pour le moment.

Et... désolée pour tout à l'heure. Thomas est un vrai con, je ne pense qu'un seul musicien l'apprécie, à Londres. Il est orgueilleux, désagréable, toujours en retard... la semaine dernière, j'ai bien cru que le chef allait lui planter sa baguette dans le pif !

Je soupire en me passant une main dans les cheveux. Si c'est ce crétin qui a pris la place de Seymour, c'est encore plus con que je ne l'aurais cru ! En parlant de ça... la serveuse nous apporte nos commandes, j'attends un peu que les feuilles de thé aient fini d'infuser et joue avec la petite cuillère ouvragée qui est posée sur la soucoupe.

Pourquoi n'avez-vous pas rejoint le LSO, Calixte ? Enfin je... désolée, je suis un peu directe, mais j'ai l'impression que ça vous peine vraiment alors... si vous voulez en parler... ou si vous voulez qu'on parle d'autre chose, je peux me taire !

Il paraît que ça ne me ferait pas de mal de me taire, de temps en temps... Je déballe le petit biscuit qui accompagne mon thé et en grignote un morceau. C'est con mais j'ai vraiment envie de savoir, de comprendre pourquoi ce type qui a l'air d'avoir tout pour lui affiche l'air le plus triste et résigné du monde dès qu'il pose les yeux sur son alto.

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Sam 24 Mar - 22:11
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Si Papa avait trouvé inconcevable qu’un de ses enfants et plus encore un de ses fils fasse de la musique son métier, il n’avait pas refusé à Calixte le droit de conserver un pied dans le milieu à titre de simple activité ludique et axillaire, et pour cause : ce genre d’exposition, de rassemblement était un prétexte pour toute une partie de leur classe sociale aux discussions et aux accords, aux réflexions et aux mondanités. Calixte n’était pas seulement là pour superviser, ni pour signer quelques chèques et en récupérer bien d’autres, Calixte n’était pas seulement là en tant qu’organisateur ou mécène connu et reconnu de la galerie, il avait également un rôle, un rôle de porte parole de la famille Seymour, un rôle d’oreille attentive, de propagande, un rôle de représentant de Papa et d’Edward. Et lorsque le concert commença, il ne put réellement en profiter ou l’écouter, il attacha son attention à ce qui justifiait sa présence ici aux yeux de Papa, argumenta verre à la main, répondit, petit four entre les doigts, contre-attaqua, sourire aux lèvres, de ces sourires qu’il offrait sans réfléchir, sans le moindre effort, réflexe acquis avec l’âge et l’habitude alors qu’il n’avait été qu’un enfant insolent et intenable pendant les plus jeunes années de sa vie. Qu’il avait changé, qu’il avait gagné en crédibilité, qu’il avait gagné en responsabilité. Qu’il s’était fait enfermé dans un rôle, dans un rôle de représentation, également. Porte-parole de Papa, futur porte-parole d’Edward, porte-voix des Veilleurs, ce n’était que très rarement que Calixte avait le droit de s’exprimer par lui-même, d’exposer son opinion, distincte de celles de ses aînées. Et cette fois n’y faisait pas exception, lorsqu’il rit poliment aux plaisanteries d’un duc, d’un comte, d’un lord ou d’un que-sais-je encore, c’était Edward qui riait. Et lorsque ses yeux se plissaient d’une hilarité mesurée, c’était ceux de Papa qui s’exprimaient. Naturellement. C’étaient ceux de Papa, teintés du caractère de Calixte, que l’on observait. Et quand le cadet Seymour applaudit chaleureusement le quatuor, ce fut par son biais la famille Seymour qui applaudit, le dissolvant dans l’impersonnalité de la représentation, avec obéissance et complaisance, fermant son esprit à la colère et aux regrets pour jouer le rôle qu’on attendait de lui et attendre patiemment le moment où il allait pouvoir délaisser duc de Somerset et baron Seymour, pour n’agir plus qu’en tant que Calixte, uniquement Calixte. Laisser tomber Henry Seymour, second fils du duc, et courir vers la sortie intercepter une - très - jolie rouquine qui s’en échappait.

Parce qu’après tout, ils avaient une conversation à poursuivre, à finir, et le courant était trop bien passé entre eux en l’espace de quelques demi-douzaines de minutes pour ne pas en profiter : Calixte était curieux d’en savoir plus sur elle, de la connaître davantage, de comprendre également comment elle faisait pour supporter de jouer avec un abruti pareil dans une formation aussi remarquable que celle qu’il avait failli rejoindre, des années plus tôt. Et à ce propos… la question de Pandora le prit de court, vraiment. Et lorsque les pièces s'emboîtèrent enfin dans son esprit pour lui offrir une réponse et un souvenir, oh doux Jésus lui échappa, de la même manière que Maman dispensait des bonté divine et Papa des par l’amour du ciel avec leur familiarité bien connue. Heuu... non, moi c'est Pandora Calixte fut incapable de relever un humour auquel il n’aurait osé, de toute manière, apposé le moindre adjectif qualificatif, parce qu’il s’avérait, si ses déductions étaient exacts, être en présence de la petite violoncelliste, la seule de son âge voire plus jeune, qu’il avait abordée à l’époque. Pour la détendre, pour l’aider à décompresser. Pour se détendre également. Et passer le temps. Elle pinça les lèvres, Calixte la détailla davantage encore, cherchant à reconnaître en elle l’image qu’il avait conservée d’une petite rouquine. Stressée oui mais petite... ça va ! Vous aviez quoi... 17 ans ? Pas beaucoup plus que moi à l'époque ! D’un mouvement de main, le Seymour lui fit comprendre que tout cela n’importait que peu et qu’au final, la seule chose qui avait de l’intérêt à cet instant, c’était qu’ils se soient retrouvés de manière si inattendue. Henry Seymour, Calixte Seymour, les présentations furent plus complètes cette fois, tout anonymat - fort relatif - étant désormais vain : il lui tendit une main amicale qu’elle hésita à saisir. Je comprends pourquoi vous préférez qu'on vous appelle Calixte... ça vous va mieux qu'Henry, c'est moins... classique. Pandora O'Sullivan. Calixte arqua un sourcil légèrement amusé devant la tournure que prenait la situation. O’Sullivan, donc. Et nous sommes d’accord, lorsque l’on entend Henry, on a davantage envie de me proposer un nouveau dentier qu’une nouvelle cuite. Ce qui est bien malheureux, d’où Calixte Un sourire nerveux ponctua sa réponse, avant que la conversation ne se tende légèrement sous les questions et sous ce que cachaient leurs réponses.

Oui, Calixte avait effectivement passé le concours pour intégrer l’orchestre symphonique. Mais il ne l’avait pas rejoint et même s’il nota le froncement de sourcils de Pandora, il n’eut aucune envie de s’attarder sur le sujet, balançant entre son humilité naturelle - absente - et cette envie d’exposer à tous l’injustice qu’il avait subie - envie absente également. Calixte se passa une main dans la barbe, renchérit avec davantage de questions et conclut sans permettre une seule seconde à Pandora de l’interrompre que quitte à discuter comme des commères, il valait certainement mieux s’abriter dans un endroit chaud, à l’abri du vent et dispensant si possible quelques tasses de café ou d’alcool un peu plus fort que de rester dehors à perdre peu à peu leurs extrémités sous un froid mordant. Sans hésiter réellement, Calixte désigna le café le plus proche et commença à s’y diriger. Il n’avait pas l’habitude d’attendre qu’on obtempère dans ce genre de situation : la réponse de la violoncelliste aurait pu être négative qu’il aurait continué dans son idée. Bonne idée ! Il fait un froid de canard, aujourd'hui... mais... ce café est hors de... ok. Ce café était hors de… ? Il lança un regard en direction de Pandora, haussa les épaules et poussa le battant pour la laisser entrer en première.

Aussitôt, Calixte remarqua une chose : elle n’était pas à son aise. Trop nerveuse, à regarder autour d’elle dans un premier temps puis à fixer la carte avec attention, d’instinct il pouvait sentir qu’elle détonnait dans l’ensemble ou du moins qu’elle pensait détonner, ce qui revenait presque au moment. Et pourtant, dans un même temps, elle s’harmonisait au reste. Calixte fit un signe de tête au gérant du café - qui le connaissait bien -, s’installa sans plus tarder en face de la violoncelliste, posant sur la chaise voisine l’étui de son alto. Ses yeux parcoururent la carte, sans s’y attarder pour autant, la refermèrent, il résista à grand peine à l'envie de desserrer sa cravate, entreprit plutôt de l'observer choisir une boisson.

C'est... heu... c'est joli, ici. Je n'avais jamais vu autant de variétés de thés sur une carte ! Un sourire entendu glissa sur son visage. Ils en sont très fiers, oui. Si vous voulez, on pourra vous donner de plus amples informations. Le regard du Seymour glissa vers la serveuse qui les avait accueilli, comme pour l'inviter à revenir les voir pour prendre leur commande. Pandora jeta son dévolu sur un mélange fruité, Calixte se contenta de rendre la carte : Je prendrai comme d'habitude je pense. Merci. avant de reporter son attention sur Pandora qui allait forcément devoir répondre à ses questions à un moment donné, non ?

Comment je vous ai reconnu ? Votre nom, déjà. Seymour, ça me disait quelque chose et puis je ne sais pas... il y a quelque chose dans votre sourire qui m'a rappelé un vieux souvenir, sans que j'arrive à savoir pourquoi. Lorsque le conservateur vous a appelé Henry, ça a cogité, les pièces se sont mises en place et j'ai eu de gros doutes. C'est un peu grotesque, je sais, mais bon. Vous avez l'air drôlement connu dans le coin, en tout cas ! Vous aviez un véritable fan club autour de vous, tout à l'heure ! Cette fois, le Seymour ne se contenta pas de sourire, il éclata de rire, attirant brièvement sur eux les regards. Parce qu’autant il ne pouvait se targuer d'être aussi connu qu'un quelconque prince héritier, autant il était bien rare qu'on lui assène une telle vérité aussi vite et de cette manière. Rare, pour ainsi dire jamais. Surtout dans ce coin de la ville où la culture régnait en maître. Disons qu'en règle générale les gens ne se contentent pas dans ce genre d'événement d’hausser un sourcil interrogateur en voyant mon patronyme. Son rire et ses propos pouvaient ils passer pour de la condescendance ? Très certainement mais ce n'était pas le genre de détails dont Calixte avait conscience. Et... désolée pour tout à l'heure. Thomas est un vrai con, je ne pense qu'un seul musicien l'apprécie, à Londres. Il est orgueilleux, désagréable, toujours en retard... la semaine dernière, j'ai bien cru que le chef allait lui planter sa baguette dans le pif ! Un nouvel haussement d’épaule, et un petit rire, bien moins sonore que le premier, répondirent à ce qui semblait être une évidence. Ah, ça, je n’en doute pas un seul instant, voyez-vous… j’en ai vu suffisamment pour avoir faire le tour de sa petite personne, je crois. Réducteur, d’établir le jugement d’un homme suite à une poignée de secondes en sa présence ? Pas plus que de la condescendance et du mépris dont il pouvait faire preuve, Calixte n’en était conscient. Aveugle à sa prétention, aveugle à son petit côté hautain, il se contentait d’être le plus naturellement possible ce qu’il avait appris à être. Et lorsqu’on leur apporta leurs commandes et aussitôt Calixte eut le sentiment d’accentuer leur différence par ses manières, ne fit rien pour changer ce fait, parce qu’il en était de toute manière plus qu’incapable. Ses doigts se saisirent de la cuillère, observèrent l’eau se teinter peu à peu au contact des feuilles brunes. Laissa ses pensées se perdre, dans un silence noyé par l’ambiance musicale du café.

Pourquoi n'avez-vous pas rejoint le LSO, Calixte ? Enfin je... désolée, je suis un peu directe, mais j'ai l'impression que ça vous peine vraiment alors... si vous voulez en parler... ou si vous voulez qu'on parle d'autre chose, je peux me taire ! Les yeux de Calixte quittèrent l’eau, remontèrent vers Pandora, lentement, pour mieux lui permettre une nouvelle fois de se décider. Lui en parler, oui, non, peut-être ? La question et les circonstances n’étaient plus les mêmes que lorsqu’elle l’avait questionné une première fois sur sa décision de ne pas jouer, oui, mais… les raisons de son silence n’avaient en rien changé. Il n’avait pas envie d’en parler. Mais en même temps, il lui devait un certain nombre de réponse sinon, pourquoi donc seraient-ils venus dans ce café ? Il lâcha la cuillère, laissa ses doigts clinquer sur le bord de la tasse, dans de petites pichenettes qui avaient le don certain d’agacer Maman. Un, deux, trois, quatre, cinq. J’ai été accepté, mais je n’ai pas eu l’autorisation de rejoindre la formation. Fini l’enfance, m’a-t-on dit. Deviens adulte. Un sourire triste, Calixte étendit les bras, comme pour l’inviter à regarder l’homme qu’il était devenu, ce qui était vaguement l’idée de la manœuvre. Et voilà, vous êtes face à un analyste financier recommandable, mécène à ses heures perdues, amoureux de la musique. Un bien piètre résumé, cela allait sans dire. Et maintenant, changeons donc de sujet. Parlez moi un peu de vous, Pandora, violoncelliste depuis toujours ? Vous avez fait carrière, tout de même, au moins d’être invité par le grand et irrévérencieux Calixte Seymour. Un peu d’autodérision ne pourrait faire de mal à une conversation qu’il voulait garder sous contrôle, le Seymour, pour la simple raison que parler du 18 septembre 2005 n’était pas dans le top vingt de ses sujets de conversation favori. Qui vous a proposé de jouer au juste ? Que je sache qui remercier pour ce choix judicieux, et qui réprimander pour avoir ramené l’autre imbécile ?



Dernière édition par H. Calixte Seymour le Dim 25 Mar - 17:58, édité 1 fois

Calixte | It`s time to cut the rope and fly Empty Re: Calixte | It`s time to cut the rope and fly

Sam 24 Mar - 22:24
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Je suis loin d'être la nana la plus originale du monde. J'ai la tête en vrac le matin, j'aime les chatons et les licornes, j'écoute en cachette les pires horreurs que la musique d'aujourd'hui peut sortir, j'aime le pâtes et déteste les brocolis... non vraiment, niveau originalité on a vu mieux. Alors forcément, quand on m'invite à entrer dans un lieu où les serveurs sont au petits soins et où on vous sert le thé le plus fin que vous avez jamais bu, ça donne envie. Moi aussi, j'ai rêvé qu'on tire ma chaise, qu'on m'appelle madame et qu'on remplisse mon verre à chaque fois que je bois une gorgée. Vraiment. Mais la première fois que j'ai mis les pieds dans un endroit pareil, c'était avec Maximilian. C'était parfait, c'était somptueux, j'avais des papillons dans les yeux... et je ne me suis jamais sentie aussi mal à l'aise de toute ma vie. Ça l'a perturbé et presque vexé, maintenant que j'y pense. Mauvaise idée, de penser à Max, ça me met encore plus à l'aise. Mais c'est comme ça, je me sens toujours étrangère et particulièrement mal venue lorsque je mets les pieds dans un endroit pareil. On n'a manqué de rien, à la maison, loin de là. On avait à manger dans nos assiettes, un toit sur la tête et des jouets à Noël. Ça nous suffisait. Aller manger dehors, ça se résumait souvent à un fast-food et le goûter du dimanche c'était une glace achetée une livre à un vendeur ambulant. Débourser l'équivalent d'un salaire dans un repas, en revanche... je me sens aussi peu à ma place que Calixte semble à son aise. C'est drôle, quelque part : je reconnais bien cette élégance, cette aisance et ce côté « c'est normal pour moi » que j'ai tant observé chez Max. Calixte est à son aise parce que c'est son monde, ses habitudes et je suis loin de les lui reprocher. Après tout, sans un public pour consommer le luxe, le luxe n'aurait plus de raison d'être. C'est juste que... je crains de faire un faux pas. Un abruti qui rote en mettant des frites partout autour de lui fera moins tâche dans un mcdo qu'une gourdasse qui se tromperait de fourchette en mangeant son caviar dans ce genre d'endroit. Calixte est à l'aise, Calixte est détendu, Calixte est dans son monde. Et j'espère vraiment qu'il n'a pas trop remarqué ma gêne, sinon je vais vraiment passer pour une imbécile. Quand je parlais de Max à Charlie, il me disait toujours qu'un jour, je vivrais dans un château et qu'on m'appellerait madame la duchesse. AH ! La bonne blague ! Le jour où un sang bleu me passera la bague au doigt, les poules auront le râtelier de ma grand-mère ! Et je vous jure qu'elle a de bonnes dents !

Pourtant, ça m'a toujours fascinée, tout ça : les nobles ont cette exigence de la tradition et du sang qui les pousse à documenter chaque vie qui traverse leur généalogie. Je suis certaine qu'en tapant Seymour dans Google, on doit avoir les noms de tous ceux qui ont un jour fait partie de leur famille. Si je me souviens bien de mes lointains cours d'histoire, ils ont même compté une reine dans leur rang. Ça me fascine et pourtant, je suis larguée. J'ai peut-être en face de moi un héritier et futur je ne sais quoi, qui sait ? Dire que je lui ai dit qu'il était chiant... m'enfin c'est vrai. Il est chiant. Je relève alors la tête avec un air étonné.

Des informations ? Vous voulez dire qu'ils capables de me raconter l'histoire du thé que je vais boire ? Wouaw... ok...

C'est complètement dingue. Surréaliste. À peu près autant que la façon dont il parle de son patronyme. Visiblement, Calixte a l'habitude qu'on le reconnaisse, l'habitude qu'on connaisse sa vie et je pourrais le trouver condescendant si je ne trouvais pas ça révoltant. Ce n'est pas le ton qu'il emploie qui me laisse sans voix mais plutôt ce que ça implique : ce type est connu, on sait qui il est, ce qu'il fait... où sont la liberté et la vie privée, dans tout ça ?

Je... vois... et ce n'est pas gênant ? Je veux dire... ça ne vous arrive pas d'avoir envie de vous fondre dans la masse, que personne ne vous reconnaisse ?

Il n'y a aucun jugement dans ma voix, juste une réelle surprise teintée d'intérêt. Je n'ose déjà pas imaginer ce que c'est pour une star de cinéma, alors pour un type qui est né avec la célébrité au-dessus de la tête, qu'est-ce que ça doit être ? Immédiatement, j'embraye sur le sujet Thomas, qui fâche bien plus.

Oh je vous rassure... vous avez vu tout ce qu'il y a à voir de lui.

J'esquisse un sourire, amusé par le ton méprisant qu'a employé Calixte. Je l'imagine très bien avec un monocle et des moustaches en train de regarder Thomas de haut. J'imagine que ce genre d'attitude, typique de son rang, doit surprendre, fasciner, agacer... pour le moment, comme ça ne m'est pas destinée, je trouve juste ça drôle. En revanche, s'il commence à mettre une distance noble-roturière entre nous, là je rigolerai moins. La serveuse revient avec nos commandes et je me retrouve soudain bête : petite cuillère d'un côté, thé qui infuse dans la théière, sablier ouvragé posé sur le plateau mais personne pour me dire combien de temps je suis supposée laisser les feuilles tremper. De son côté, Calixte a l'air d'avoir fait ça toute sa vie et, je dois bien l'admettre, c'est frustrant et agaçant. Par ses manières, il accentue plus encore le fossé qui nous séparent. Serait-il à son tour gêné s'il se retrouvait « dans mon monde » ? Je n'en suis même pas certaine, finalement, car c'est plus facile pour lui de s'abaisser à mon niveau, j'ai l'impression. Préférant laisser de côté ma frustration de ne pas comprendre comment tout ça fonctionne, je préfère relancer la conversation sur le sujet qui me taraude, à savoir son absence au LSO.

À son hésitation et au ton qu'il emploie, je sens bien que Calixte n'a pas envie de parler de ça. Il est avare en mots, survole la question et n'avoue qu'à demi-mot la réalité : on l'a empêché de réaliser son rêve. On lui a coupé les ailes alors qu'il voulait quitter le nid et je trouve ça terriblement triste. Alors que, quelques instants plus, je le voyais comme l'un de ces privilégié à qui tout réussi, je me rends soudain compte que pour rien au monde je n'échangerais ma place avec lui. Je préfère avoir grandi dans une famille ordinaire, sans nom célèbre et avoir pu choisir ma voie plutôt que d'avoir à suivre celle que mes parents m'auraient choisie. Fini l'enfance, qu'on lui a dit... comme si faire de la musique un métier était un caprice d'enfant, tiens ! Je sens ma main se crisper sur l'anse de la tasse.

C'est injuste... vous avez du talent.

Et je m'arrête là car je ne sais rien de celui, celle ou ceux qui l'ont poussé à arrêter. Je ne sais rien de lui ni de sa famille et il vaut mieux ne pas s'orienter dans cette direction pour le moment. Analyste financier, qu'il me dit avec une fausse note de grandiloquence dans la voix. Je le regarde, bien peu impressionnée mais néanmoins amusée. C'est tout à fait respectable, d'être analyste, mais c'est tout de même triste pour un type qui se destinait à la scène et à l'expression de soi à travers la musique. Les chiffres sont froids, impersonnels et implacables. Tout le contraire de la musique.

Eh bien... Si c'est ça, être adulte, je préfère rester une enfant ! Mais j'ose espérer que jamais votre amour pour la musique ne se tarira, ce serait d'autant plus dommage.

Ne manquerait plus qu'on l'en dégoûte, tiens ! Ce qui est certain, c'est qu'il n'a pas l'air de vouloir s'étendre sur le sujet et ça se comprend. C'est sûrement trop dur et trop amer à supporter. C'est bien plus facile de cacher qui il est pour me demander qui je suis. Je souris, sans pour autant répondre tout de suite. Chaque fois qu'on me demande qui je suis, j'hésite à répondre que je suis une experte de la contrefaçon d'objets d'art, que je suis en colère permanente à cause d'un père qui m'a abandonnée et que j'ai dû dire adieu à ma carrière prometteuse de chanteuse à cause d'une insuffisance respiratoire aiguë. Et puis je me rends alors compte que j'aurais bien besoin d'une thérapie et ça me freine dans mon élan.

Il n'y a pas grand chose à dire de moi, en réalité... mon accent et mon nom trahisse mes origines irlandaises, mes parents ont canalisé mon hyperactivité grâce à la musique, j'ai étudié le piano, le violoncelle et le chant... je me destinais à l'opéra mais c'est finalement le violoncelle qui l'a emporté. Je ne peux même pas vous dire que je l'ai choisi parce que j'avais un parent violoncelliste ou parce que le son m'a émue. Mon père possédait un Stradivarius de 1718 et je suis simplement tomber amoureuse de la forme de l'instrument avant même d'en avoir entendu le son. J'ai pris des cours, j'ai arpenté les conservatoires, enchaîné les concours... Et donc me voilà, face à l'irrévérencieux Calixte Seymour. Comme quoi, le monde est amusant !

Je bien loin de l'histoire merveilleuse ou de la passion qui s'est éveillée après une révélation. J'ai simplement vu un bel instrument, point. Je souris, amusée, et bois une gorgée de thé.

Oh la vache... ce thé est délicieux ! Vous voulez goût... ah heu... oui... non... c'est peut-être un peu trop familier, ça.

L'habitude, Pandora, l'habitude. Que ce soit avec mes frères ou mes amis, nous avons l'habitude de tout partager, même notre assiette et... je me rends compte que si j'ai si vite eu le réflexe de proposer à Calixte de goûter au thé, c'est bien parce que je me sens suffisamment à l'aise avec lui pour ne pas avoir réfléchi une seule seconde. J'avale une seconde gorgée en souhaitant disparaître derrière ma tasse en porcelaine à motif fleurit. Fort heureusement, il relance la discussion.

Oh heu... voyez ça avec le conservateur du musée ! Il connaît... enfin connaissait bien mon père et comme je joue sur un instrument ancien, il a tout de suite pensé à moi pour illustrer l'exposition d'aujourd'hui. Quant à Thomas, c'est une bonne question. Je ne sais pas quel est le con qui a eu l'idée de le faire venir, mais il a loupé une occasion de se taire !

Mes yeux se perdent en direction de la chaise sur laquelle est posée l'alto de Calixte et je me mordille légèrement la lèvre. J'étais censée faire du repérage, m'assurer que je pourrais récupérer l'instrument sans problème mais là... ça me semble compliqué. Il veille dessus comme si c'était son môme, autant dire que c'est peine perdue pour le moment.

La conversation se poursuit, les sujets défilent et bientôt, il n'y a plus que nous sur la petite mezzanine qui surplombe la place. En bas, les gens ont troqué le thé de 17 heures pour le repas et pourtant, nous en sommes toujours au même point, avec Calixte. Nous nous sommes raconté des histoires banales, amusantes, honteuses, juste assez anodines pour qu'on en sache plus sur l'autre sans avoir à rentrer dans les secrets inavouables. Le thé a été remplacé par un soda et, maintenant que mon verre est vide, je regard pour la troisième fois la carte.

Tiens ? C'est quoi ce truc-là ?, je demande en désignant un nom tarabiscoté sur la carte.

Je hausse les épaules, désigne le truc en question à la serveuse qui me regarde avec un air interloqué puis reprends la discussion.

Alors dites-moi... le Vuillaume... c'est aussi un héritage familial ? Si c'est le cas, je trouve que nous commençons à avoir beaucoup de points communs !

C'en est même un peu effrayant, à vrai dire. La serveuse nous apporte notre nouvelle commande et j'observe alors l'étrange superposition de couleurs dans le verre. Très bien... on a quitté l'élégance du thé, abandonné le ridicule du diabolo grenadine... à mon avis, ce truc-là va me monter à la tête et vite.

Bon... santé ! Ce truc est un peu inquiétant...

J'en avale une gorgée, le regrette immédiatement et déglutis avec difficulté. Après une quinte de toux qui fait perler des larmes à mes yeux, j'articule péniblement quelques mots.

Doux Jésus, comme vous dites si bien... ça réveillerait un mort...

Et ça rendrait la vue à Saint-Thomas, tiens ! J'attends toujours ma preuve ! Mais nous n'avons peut-être encore assez bu pour ça, surtout dans un lieu comme celui-ci.

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Dim 25 Mar - 17:59
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Je vais prendre comme d’habitude, merci : Calixte n’aurait pu trouver une meilleure manière de montrer à Pandora qui’l était chez lui, dans ce café, dans ce quartier, dans ce milieu. A chaque seconde s’affirmait une conviction : ils n’étaient clairement pas du même monde, ils n’étaient pas vraiment du même milieu et même si ça ne changeait rien au fait que Pandora soit une femme particulièrement intéressante, Calixte se demanda un seul instant si cela allait poser problème. Non, bien sûr que non, il n’y avait aucune raison particulière pour cela. Il allait du moins faire en sorte que cela ne pose aucun problème. Avec un sourire, Calixte l’observa parcourir la carte, s’étonner du choix proposer, compléta ses propos en l’assurant de la bienveillance du service : si elle avait une quelconque question sur un mélange, sur la provenance des feuilles de thé ou autre, il ne fallait pas qu’elle hésite. Calixte était certain que n’importe quel employé saurait répondre à ses questions, si lui-même n’avait pas la réponse. Des informations ? Vous voulez dire qu'ils capables de me raconter l'histoire du thé que je vais boire ? Wouaw... ok... Son sourire s’accentua, pétillant, comme ses yeux qui se plissèrent d’amusement : elle était vraiment fabuleuse jusque dans son émerveillement. C’est leur métier, oui. Et tout cela lui semblait parfaitement normal. Tout comme il lui paraissait, finalement, tout à fait normal que son patronyme éveille de l’intérêt, des remarques et des préjugés, de multiples a priori, autant chez ceux qui avaient été invité à l’ouverture de la galerie un peu plus tôt que chez… et bien à peu près tous les rejetons de comte, baron, duc, de ces familles de Lord que l’Angleterre connaissait bien. Bien sûr qu’il était connu. Je... vois... et ce n'est pas gênant ? Je veux dire... ça ne vous arrive pas d'avoir envie de vous fondre dans la masse, que personne ne vous reconnaisse ? Les éclats de rire de Calixte s’estompèrent alors qu’il secouait la tête, de dénégation, par réflexe. S’il avait envie de se fondre parfois dans la masse ? Grand Dieu, non, cela me dérouterait davantage qu’autre chose, je crois. Je ne suis pas non plus célèbre à ce point et… lorsqu’on grandit ainsi, on finit par ne plus y faire attention. Se fondre dans la masse, disparaître aux yeux des gens, ce n’était vraiment pas dans les objectifs à court terme du cadet Seymour, bien au contraire. Certes, son nom de famille lui avait coûté sa carrière, certes, son rang de naissance lui coûtait une vie sentimentale stable, et un quelconque lien fraternel complice avec Edward, mais il y avait à ses yeux bien trop davantage pour qu’il tourne le dos à cela. Sans compter que Calixte était tout simplement incapable de renoncer à son nom, et tout ce à quoi il lui ouvrait les portes, en premier lieu les Veilleurs et leur réseau, les Veilleurs et leur mission, les Veilleurs et leur devoir. Alors non, ça ne lui arrivait pas d’avoir envie de se fondre dans la masse, pas depuis un certain nombre d’année. Au contraire, il en voulait plus, le plus souvent, plus que ce qu’il avait déjà naturellement.

Et, au moins, sa popularité n’était pas due à sa connerie congénitale, contrairement à l’autre imbécile qui avait hérité par un quelconque coup du sort du titre d’altiste, ce qui faisait -aux yeux partiaux de Calixte – particulièrement honte à ce corps d’instrumentiste. Oh je vous rassure... vous avez vu tout ce qu'il y a à voir de lui. Il leva les yeux au ciel, concluant parce cette mimique éloquente une discussion sur un idiot. Une mimique et un profond soupir, comme pour mieux dire bonté divine, quel imbécile. Quel imbécile, oui. Et le silence retomba, légèrement, entrecoupé dans un premier temps par le bruit des cuillères remuant une eau chaude, un thé infusé. Un silence qui ne fut interrompu que par l’intervention de Pandora, une intervention légitime, assurément, mais donc Calixte se serait bien passé. Pourquoi n’avait-il pas intégré le LSO ? Parce qu’il n’avait pas pu, voilà tout. Il avait été accepté, oui. Mais Papa avait décidé qu’il était également temps de grandir, parce que Papa avait décidé que l’alto, ce n’était qu’une occupation relevant de l’enfance, parce que Papa avait dit que et qu’il n’avait pu faire autrement que d’obéir. Comme toujours. Calixte joua quelques secondes avec sa cuillère, en observa les détails, se résolut enfin à répondre. Honnêtement, avec un sourire triste qu’il voulut enjoué : il était analyse financier, désormais, et non altiste. C'est injuste... vous avez du talent. Je ne vous le fais pas dire, mais… c’est la vie ! Et il ne voulait pas commencer à s’apitoyer sur son sort sinon, et Calixte se connaissait bien à ce sujet, il allait lui être extrêmement difficile de cesser, de cesser de ressasser une rancœur vieille de douze ans et demi, il allait lui être extrêmement difficile de retrouver son état d’esprit détaché et distant qui lui permettait de se résoudre, chaque matin, de rejoindre Asclepios. Eh bien... Si c'est ça, être adulte, je préfère rester une enfant ! Mais j'ose espérer que jamais votre amour pour la musique ne se tarira, ce serait d'autant plus dommage. Calixte secoua immédiatement la tête, pour mieux la rassurer : Aucun risque, vraiment, aucun risque Pandora. La musique, c’est ma vie, je ne saurais m’en passer. Inutile de préciser à quel point, en disant ça, Calixte se montrait sincère avec elle. C’était sa drogue, il ne pouvait se tenir longtemps à distance de son instrument, à distance des concerts, à distance des orchestres. Vraiment, qu’elle n’ait aucune crainte à ce propos, Calixte ne comptait plus tourner la page de la musique. S’il en avait effleuré la possibilité juste après sa désillusion, à dix-sept ans, il devait à Abigaël de ne pas avoir fait cette folie.

Mais suffisamment parlé de lui : c’était Pandora qui était la plus intéressante à ses yeux à cet instant – et ce n’était pas peu dire : d’ordinaire, Calixte adorait parler de lui, en long, en large et en travers. Mais pas aujourd’hui. Comment s’était-elle retrouvé invitée à cet événement ? Il n'y a pas grand-chose à dire de moi, en réalité... Ah, ça, je ne vous crois pas un seul instant ! Mon accent et mon nom trahisse mes origines irlandaises, mes parents ont canalisé mon hyperactivité grâce à la musique, j'ai étudié le piano, le violoncelle et le chant... je me destinais à l'opéra mais c'est finalement le violoncelle qui l'a emporté. Je ne peux même pas vous dire que je l'ai choisi parce que j'avais un parent violoncelliste ou parce que le son m'a émue. Mon père possédait un Stradivarius de 1718 et je suis simplement tomber amoureuse de la forme de l'instrument avant même d'en avoir entendu le son. J'ai pris des cours, j'ai arpenté les conservatoires, enchaîné les concours... Et donc me voilà, face à l'irrévérencieux Calixte Seymour. Comme quoi, le monde est amusant ! Le sourire de Calixte suivait ses phrases, s’accentua lorsqu’elle évoqua les instruments de musique – comme quoi ils avaient tous deux commencés par le piano – et s’accentua encore plus quand elle lui exposa comment elle en était venue à choisir le violoncelle. Tomber amoureux de la forme d’un instrument, il ne pouvait que comprendre ça. Il en pouvait que se retrouver. Comme je vous comprends. L’alto m’a attiré tout de suite, également. J’avais commencé par le piano, comme mon frère, mais j’ai ressenti le besoin de me démarquer… Le besoin, aussi, d’exister non comme le double de l’héritier Seymour, mais comme Calixte. Enfin… Henry, à l’époque. Petite pause, ils avalèrent une gorgée de nos thés respectifs. Du coin de l’œil, il guetta sa réaction, qui ne se fit pas attendre.

Oh la vache... ce thé est délicieux ! Vous voulez goût... ah heu... oui... non... c'est peut-être un peu trop familier, ça. Un éclat de rire lui échappa – rebelote, les regards se tournèrent dans leur direction et Calixte aperçut même la moue offusquée d’une petite vieille qu’ils avaient ainsi dérangée – sans s’en soucier outre mesure : il fallait bien, bien plus pour le mettre mal à l’aise. D’un mouvement de main, il rejeta la proposition de goûter, espérant ne pas l’offusquer. Sans façon. Mais je vous crois : dans mes souvenirs, c’était l’un des meilleurs. Avant que je ne découvre celui-là, bien sûr. Et par celui-là, il entendait celui qu’il sirotait dans son coin. Mais elle n’avait pas répondu à toutes ses questions et il entendait bien savoir non seulement qui l’avait invitée, mais également à qui il devait la présence de l’altiste.

Oh heu... voyez ça avec le conservateur du musée ! Il connaît... enfin connaissait bien mon père et comme je joue sur un instrument ancien, il a tout de suite pensé à moi pour illustrer l'exposition d'aujourd'hui. Quant à Thomas, c'est une bonne question. Je ne sais pas quel est le con qui a eu l'idée de le faire venir, mais il a loupé une occasion de se taire ! Ah ça… Je prends note ! Et ça, je ne vous le ferais pas dire… je vais me débrouiller pour qu’il ne se mêle plus jamais de mes affaires, je peux vous l’assurer. Et si Calixte n’avait aucun moyen de le faire expulser du LSO – l’idée l’avait caressé il fallait l’avouer – il pouvait tout à fait faire en sorte qu’on ne l’invite plus jamais dans les galeries qu’il subventionnait et dans les événements qu’il organisait.

La conversation se poursuivit ensuite, il entreprit de lui décrire quelques thés, ils rirent d’ailleurs en en goûtant un deuxième, pour mieux chercher à détecter tous les arômes vendus par la carte, les sujets se suivirent sans se ressembler, sans qu’il ne sente le temps passer. Sans qu’il ne vit à un seul instant l’heure qui tournait. Et quand il jeta un coup d’œil à l’extérieur et n’y vit qu’un jour déclinant, Calixte déclencha les hostilités en troquant le thé poli et respectable contre quelque chose de plus corsé. Et Pandora le suivit sans plus tarder, optant pour du plus fort encore, sous le regard amusé du Seymour. Tiens ? C'est quoi ce truc-là ? Un regard légèrement interrogateur, Calixte commença à vouloir lui demander si elle était sûre de vouloir vraiment opter pour ceci mais elle le devança après avoir commandé ce truc-là auprès de la serveur. Alors dites-moi... le Vuillaume... c'est aussi un héritage familial ? Si c'est le cas, je trouve que nous commençons à avoir beaucoup de points communs ! Et oui. Et oui. C’est un héritage, oui, on peut dire ça. Il appartient à ma famille depuis… La serveuse revint vite, Calixte réceptionna son verre – un whisky relativement sage. Merci bien… depuis des décennies, je n’ai plus la date exacte de l’acquisition en tête. Et il aurait dû l’avoir, d’ailleurs : c’était fort regrettable qu’elle lui échappe.

Bon... santé ! Ce truc est un peu inquiétant... Doux Jésus, comme vous dites si bien... ça réveillerait un mort... Et pour la cinquième – sixième ? – fois, Calixte éclata de rire, sans se faire prier. Pourtant, l’alcool est similaire aux grenouilles, Pandora, c’est bien connu ! Plus les couleurs sont vives, plus il faut s’en méfier. Et ne vous moquez pas de mes expressions,… Il afficha une moue faussement offusquée, qu’un sourire vint sans tarder décrédibiliser. Son verre se vida sans y penser, il le glissa devant lui avant de croiser les bras et de se pencher vers elle. Pandora, j’ai deux questions. Et je veux que vous y répondiez le plus sincèrement possible. Devait-elle se méfier de ces deux questions ? Oui, assurément. Il fallait toujours se méfier quand Calixte Seymour avait aux lèvres un sourire aussi taquin, goguenard et malicieux. Ne devrions-nous pas plutôt migrer vers un bar, si on commence à délaisser le thé pour quelque chose de plus pétillant. Et est-ce que nous n’envisagerions pas d’abandonner le vouvoiement, un instant. Il regarda sa montre : Ca fait tout de même plus de trois heures qu’on discute, mine de rien. Si ça vous dit, on se déplace ? Et je vous laisse choisir le bar. En bon seigneur.


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