Habituellement, Roodabeh logeait dans un château en dehors de la ville et aujourd’hui c’était la première fois qu’elle mettait les pieds dans un hôtel de la ville. Elle ne fut pas déçue de s’être préparée avant, car malgré que l’hôtel soit le plus prestigieux de la ville, elle le trouva petit et fade. Le bon goût semblait avoir pris la fuite, les couleurs jaunâtres qui dominaient partout étaient passées de mode depuis une éternité. Elle s’installa avec hésitation sur un canapé en cuir acheté probablement chez le vendeur de canapés du coin. Elle grimaça et sortit un miroir de poche de son sac à main rose poudré. Elle s’examina, on aurait pu la croire narcissique, elle était juste perfectionniste à cause de son père qui lui avait appris à ne jamais se montrer négligent et à toujours se montrer sous son meilleur jour. Son teint pâle lisse comme une peau de bébé, ses joues et ses lèvres roses, ses longs cils et ses sourcils impeccablement dessinés la satisfaire. Ses longs cheveux bruns glissaient en ondulation sur sa poitrine, elle portait une robe rose fleurie Dolce & Gabbana, une paire de sandales dorées Jimmy Choo et des boucle d’oreilles Boucheron qui parachevaient un look printanier presque innocent. Qui aurait pu croire qu’elle allait rencontrer des gens afin de financer des opérations plus que douteuse à l’encontre des mutants ? Personne. Non vraiment personne on lui aurait aurait donné le bon Dieu sans confession. Othmane attendait devant la porte de la suite, les bras dans le dos, les yeux rivés sur Roda. Au tout début, avoir cette paire de yeux constamment posée sur elle avait été troublant, mais elle s’y était habituée.

- Je voudrais qu’on prépare du thé et des pâtisseries arabes, demanda-t-elle. Mon invitée va bientôt arriver…
- Oui Votre Altesse, opina Othmane attrapant déjà un combiné de téléphone pour commander tout cela.

Quand il posa ses mains fermes sur ses épaules, elle sursauta surprise et tourna le cou pour le fixer bouche bée, il n’avait jamais été aussi familier. Il se pencha et lui glissa :

- Vous pouvez désobéir à votre père, vous savez….

De mieux en mieux, lui qui avait été acheté par son père, lui dont son père avait lavé le nom (c’était un ancien mafieux chinois, elle n’était pas stupide), lui la poussait à désobéir ouvertement à son père le roi Rahim Aga Khan. Ses yeux s’écarquillèrent horrifiés et elle commença à bégayer des paroles incompréhensibles jusqu’à un bruit à la porte la tire de son embarras. Othmane s’écarta alors d’elle et partit jeter un coup d’œil au judas pour vérifier qui les interrompait. Il ouvrit la porte et elle découvrit son invité, une jeune femme brune. Roda se leva par politesse, alors que cela allait contre les protocoles du à son rang, elle dépassait de presque deux têtes son interlocutrice, mais elle était habituée à être souvent plus grande que ces interlocuteurs, même masculin parfois. Elle tendit sa main non blessée c’est-à-dire la droite pour serrer la main de la femme. La cicatrice sur son autre main, impact de balle était caché avec du fond de teint.

- Vous pouvez m’appeler Roodabeh, installez-vous, j’ai commandé de quoi grignoter ça ne devrait pas tarder à arriver.

Voir une femme la rassura, surtout que ce groupe là de traqueurs ne semblaient pas trop violent comparé à la clique Gordon par exemple.

- Comment dois-je vous appeler ? Oh et voici Othmane c’est mon garde du corps, pas que j’ai peur de vous, mais mon père refuse qu’il me quitte d’une semelle.

Elle grimaça un peu gênée.

Ce rendez-vous n’était pas habituel, et en entrant dans l’hôtel, Maria se sentit de plus en plus nerveuse. Ils avaient eu une discussion animée, avec Alejandro, pour décider de la marche à suivre. Après tout, ce n’était pas commun, un message invitant à un rendez-vous secret avec une princesse orientale, et la promesse d’argent au final. Ca sonnait clairement comme une arnaque. Et pourtant…Maria ne voulait pas laisser passer une opportunité pareille. Elle était naïve parfois, crédule même, et ça lui avait joué des tours. Mais une promesse d’argent, c’était ce dont elle avait besoin, en ce moment. Elle voulait développer le groupe de traqueurs, mais ils avaient besoin de moyen. Maria en avait assez de toujours faire avec le système D, de se débrouiller avec ce qu’ils avaient à disposition. Ca leur faisait prendre des risques inutiles, ça les mettait potentiellement en danger. Avec des moyens, un mécène, tout pourrait être beaucoup plus…efficace. Et c’était exactement ce que proposait cette famille Aga Khan. Alejandro et elle avaient vérifié le nom sur internet, et la famille existait bel et bien. De la royauté, à Killingsworth. On aura tout vu. Après quelques recherches et discussions, Maria avait décidé d’y aller. C’était un risque, certes, mais un risque à prendre. Au pire, elle saurait se débrouiller, elle se débrouillait toujours.

Un poignard glissé sur elle, elle se mit donc en route. L’hôtel était un établissement de luxe. Pas vraiment le genre d’endroit où on voyait Maria d’habitude. Elle avait donc essayé de s’habiller en conséquence, mettant même une robe pour l’occasion, histoire de ne pas trop détonner dans le paysage. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de ne pas se sentir à sa place au milieu des clients riches. Pas un n’avait mis les pieds au Bar de la Armada, probablement. Elle fit de son mieux pour rester la tête haute. Elle se dirigea vers la réception, mais n’eut pas le temps d’y arriver. Un homme s’approcha d’elle et lui indiqua que Son Altesse était prête à la recevoir. De toute évidence, même le personnel de l’hôtel ne devait pas être au courant de cette entrevue. Ce n’était pas plus mal, finalement.

Arrivée devant la chambre, ou plutôt une suite, l’homme la laissa là, et Maria toqua à la porte. Un homme aux airs asiatiques lui ouvrit, puis l’espagnole découvrit une grande et mince jeune femme, très bien habillée, nettement plus élégante qu’elle. Elle avait le teint très pâle. Maria s’approcha doucement et serra la main tendue de la jeune femme.

« Votre Altesse », dit-elle avec déférence. Ils avaient de la royauté en Espagne, et Maria avait appris dès son plus jeune âge qu’ils méritaient le respect dû à leur rang.
« Vous pouvez m’appeler Roodabeh », répondit son hôte, à la surprise de Maria qui se contenta d’un hochement de tête. Elle s’installa en face de la princesse, ne pouvant pas s’empêcher de la scruter du regard. En apparence, Roodabeh ne criait pas « princesse » par tous les pores. Pourtant, il y avait quelque chose, dans sa tenue altière, dans la façon dont elle regardait les choses et les gens…quelque chose de différent. Cela ne l’avait pas empêchée de se lever pour saluer Maria et de se présenter par son prénom. Elle ne pétait donc pas plus haut que son cul. Instinctivement, cela avait détendu Maria, plus prompte à faire confiance à quelqu’un d’honnête.

« Comment dois-je vous appeler ? Oh et voici Othmane c’est mon garde du corps, pas que j’ai peur de vous, mais mon père refuse qu’il me quitte d’une semelle. »
Maria sourit.
« Je m’appelle Maria. Enchantée. »
Elle jeta un œil au garde du corps, lui fit un signe de tête.
« Pas de problème, je comprends. On ne sait jamais sur qui on peut tomber. Surtout quelqu’un de votre rang, votre famille doit avoir des ennemis. Mais je ne suis pas l’un d’entre eux. »
Elle entrelaça ses mains et les posa sur ses genoux, légèrement penchée en avant.
« Je dois avouer que votre message nous a surpris. Nous sommes un groupe discret, nous tenons à notre anonymité. J’espère que vous comprenez, vu le climat ambiant. »
Elle haussa les épaules. Elle ne voulait pas forcément de détails, mais les Estevez mettaient un point d’honneur à ne pas laisser d’indices derrière eux. Après, ils étaient des amateurs, alors ils en avaient forcément laissé. En tous les cas, la famille Aga Khan avait eu les moyens de les retrouver. Ils ne rigolaient pas.
« Mais nous apprécions votre intérêt pour nous. Nous n’avons pas le nombre ou la réputation d’autres groupes de la ville, mais nous sommes réglos. Et dévoués. Votre….aide nous serait très bénéfique. »