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Pandola | I can't make you want the truth Empty Pandola | I can't make you want the truth

Dim 31 Mar - 14:15
Pandora A. O'Sullivan
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Pandora A. O'Sullivan
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I can't make you want the truth
Nikola & Pandora







Quand le courrier est arrivé dans ma boîte aux lettres, j'ai juré. Et quand je jure, ce n'est pas beau à entendre. Je déteste les hôpitaux, déteste les médecins, déteste par-dessus tout les aiguilles mais s'il y a bien un corps de métier qui me fait fuir plus que les autres dans le milieu médical, c'est bien la psychiatrie. Des psys, j'en ai vu un paquet ! Vous comprenez... une gamine de dix ans qui voit son père disparaître, quel traumatisme, trouvons-lui donc une tare à exploiter pour lui faire faire des cauchemars, tiens ! Pendant des années, j'ai vu des psys plus ou moins compétents – de la pire des peau de vache au type le plus chouette de la planète – mais il n'y a qu'à dix-huit ans que ma mère a accepté de cesser cette mascarade. Je suis toute cassée à l'intérieur mais j'ai suffisamment de colle mentale pour que rien ne se barre dans la mêlée, alors... à quoi bon continuer à dépenser de l'argent là-dedans ? Je sais très bien que si j'allais de mon propre chef voir un psy aujourd'hui, je ne saurais pas par quoi commencer.

Mais là... je sais très bien de quoi il va être question. Je vais avoir cet abominable vieux hibou de Travis, il ne va même pas me demander comment je vais, il va simplement me tomber dessus en me demandant si la nuit, je ne rêve pas de tuer des chatons en leur chantant des berceuses avec ma mutation démoniaque. J'exagère à peine mais lors de mon premier rendez-vous, le type n'a même pas cherché à contextualiser quoi que ce soit : à ses yeux, le simple fait que je sois mutante fait de moi une criminelle instable. Mais mon biquet ! Sous ces redoutables cordes vocales infernales, il y a un petit cœur sensible qui bat, hein ! Je me souviens encore du dernier rendez-vous... il a passé plus de temps à répondre à ses propres questions qu'à me laisser parler. Je déteste cette impression que ce genre de type me donne : celle d'être un monstre de foire potentiellement dangereux. Pourtant, ça doit bien faire plus d'un an que je n'y suis pas allée, à croire qu'il a mieux à faire que de m'entendre répéter sans arrêt que tout va bien et que j'ai toute ma tête !

J'avais même presque oublié ces rendez-vous... jusqu'à ce que je reçoive l'invitation – ou plutôt la convocation – à me présenter au DCRM pour un bilan. Mais bilan de quoi ? Ça m'angoisse, tout ça... ça m'angoisse plus que ça ne devrait et je me surprends à écrire un sms pour Calixte au moment de partir à ce fichu rendez-vous. Il y a beaucoup de choses qu'on se dit mais ça... ça, je dois le garder pour moi. J'efface le message, soupire et range le téléphone au fond de mon sac. Je n'ai toujours pas eu le courage de lui dire que je suis une mutante. D'un autre côté, qu'est-ce que ça change qu'il le sache ? Arrête de te poser des questions, Panda. Il faudra pourtant bien que je le lui dise un jour... j'aurais même pu le lui dire plus tôt si je n'avais eu la désagréable impression, au détour d'une conversation, que Calixte et mutants font 2 et certainement pas 1.

Je laisse mes questionnements derrière la porte de la maison que je verrouille et jette mes affaires sur le siège passager de ma voiture. Bon. Zen, Panda. Dans le pire des cas, ça sera une mauvaise heure à passer et après, ça ira mieux. Pauvre Crevette, obligé d'assister à ça... mince, ça aussi ça va se voir et ça va finir sur mon dossier... j'entends déjà ce vieil abruti de médecin sous-entendre que ce n'est pas malin pour une mutante d'avoir des enfants, que c'est propager le gêne et blablabla... foutu con, tiens ! Mais tant pis, à trois mois et demi, je ne plus le cacher.

La route séparant Killingworth de Newcastle me semble en général interminable à cause des embouteillages mais cette fois, j'ai l'impression que le temps a filé sans même me laisser le temps de réaliser que je suis déjà arrivée. Lorsque je me présente à l'accueil, on m'annonce que les services ont changé d'étage, de couloir, d'endroit enfin bref : je vais avoir droit à une visite en solo du bâtiment pour trouver les nouveaux bureaux des psychologues de l'endroit. Bâtiment B, troisième étage, deuxième couloir à droite et ça sera indiqué, qu'elle m'a dit, la standardiste. Parfait mais heu... il est où, le bâtiment B ? À mesure que j'erre dans la grande cour autour desquels s'élèvent les différents bâtiments, je vois mon avance confortable se transformer en un quasi retard. Lorsqu'enfin je trouve le bâtiment, l'étage et le couloir, j'arrive haletante dans une salle d'attente déserte à l'exception d'un jeune homme plongé dans la lecture d'un magazine vieux de quelques années.

Heu... excusez-moi ? Je demande à l'homme assit derrière le comptoir d'accueil, J'ai rendez-vous à 10h et je-

Il ne prend pas la peine de lever la tête, tend la main pour que je lui remette ma convocation et me fait simplement signe d'aller m'asseoir après m'avoir tendu un dossier à remettre au psy. Charmant, l'accueil... à croire qu'il est trop occupé pour dire bonjour. Nerveuse, je commence à feuilleter mon dossier. Les résultats de mon dépistage me font sourire. Mutante jusqu'au bout des ongles, hein ? Analyse sanguine, patte de mouche griffonnées sur mon état physique et mental, antécédents médicaux... on ne peut pas leur reprocher de faire les choses à moitié.

Pandora O'Sullivan ?

Je relève brusquement la tête, manque de faire tomber le dossier et me tourne vers le type de l'accueil qui, Ô miracle, s'est décidé à parler et me lève.

Bureau n°3, il va vous recevoir.

L'économie de syllabes, un art de vivre... Je me contente donc d'un hochement de tête, me dirige vers le bureau qu'il m'a désigné et ouvre la porte... pour me retrouver nez à nez avec un type bien plus jeune et foutrement mignon que le vieux bouc que j'ai eu l'habitude de voir. Les sourcils froncés, je revérifie deux fois le numéro inscrit sur la porte – à tel point que je dois avoir l'air complètement idiote – et finis par refermer la porte derrière moi.

Vous... hum... vous n'êtes pas le docteur Travis, n'est-ce pas ?

Bah non, débile ! Ou alors... Ou alors, Travis est un mutant ! Non... Travis a une tête de con, l'homme assit derrière le bureau a plutôt une bouille d'ourson en peluche à qui on aurait envie de faire un câlin. Le tout avec l'air tellement inquiet et stressé qu'on dirait qu'il va faire un infarctus sur sa chaise. Je m'approche, tire un siège vers moi et, pour détendre l'atmosphère, tente de faire de l'humour.

Il s'est enfin décidé à prendre sa retraite, peut-être ?

Ou alors il est mort et tu viens de faire une énorme boulette, Panda... je me racle la gorge et tends mon dossier histoire de détourner un peu la conversation de ma pitoyable tentative de faire de l'humour.

Vous... vous savez pourquoi j'ai été convoquée aujourd'hui ? Je n'avais pas eu de rendez-vous depuis plus d'un an, je pensais que c'était terminé...

Et quelque chose me dit que dans trente secondes, il va poser le dossier parce qu'il aura la flemme de le lire et me demandera de lui raconter mon histoire. Mère Panda, raconte-lui une histoire... vous ai-je déjà dit que je détestais les psys ?

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Dim 7 Avr - 15:44
Nikola D. Stepanovic
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Nikola D. Stepanovic
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I can't make you want the truth
Quand le coup de fil m’avait interrompu au milieu d’une réunion client, quand j’avais vu le contact s’afficher sur l’écran, une seule réaction logique était à attendre : l’angoisse. L’angoisse marquée d’un visage laissé cadavérique par la désertion du sang, une pâleur extrême qui avait aussitôt poussé mes interlocuteurs à me proposer une pause, pour que je puisse répondre, pour que je puisse décrocher. Vous avez besoin d’un peu de temps ? Je n’avais pas fini d’opiner du chef qu’ils avaient déjà déserté la pièce, refermé doucement la porte derrière eux et que d’une main tremblante, j’acceptais l’appel provenant du DCRM. Département du Dépistage, du contrôle et de la régulation des mutants.  Trois points qui me concernaient directement. Trois points qui ne pouvaient qu’être liés à ces constantes pertes de contrôle que j’affichais, qu’aux conséquences de mes actes. Avaient-ils compris ce qu’il s’était passé à la banque, en janvier ? Ou bien y avait-il eu témoignage d’un des passagers du bus, accidenté par ma faute, encore une fois ? Mon cœur avait brutalement accéléré, et j’avais mis quelques secondes à comprendre que la question posée n’avait strictement rien à voir avec tout cela, bien au contraire. Ils ne voulaient pas me convoquer pour refermer sur moi les griffes d’une administration accusatrice. Ils voulaient que je remplace quelqu’un. Un absent. Encore. Pour le suivi de certaines personnes à qui on avait demandé de revenir, principalement les non-tatoués. Juste un suivi, un contrôle. On ne demandait pas le mutant, on demandait le psychologue. Et je n’avais pas vraiment eu d’autre choix que d’accepter ; mes contacts de l’hôpital avaient transmis mon nom, quelques recommandations, les mutants diplômés d’un doctorat en psychologie et acceptant systématiquement de remplacer au pied levé des absents ne courraient de toute évidence pas les rues. Et par un miracle – ou un grave quiproquo – mon honnêteté et mon objectivité n’avaient pour le moment pas une seule fois étaient remises en question. « D’accord ». Qu’aurais-je pu répondre d’autre ?

J’arrivai en avance. Le Royal Victoria Infirmary n’était qu’à quelques blocs de mon bureau, la convocation officielle du DCRM m’avait libéré une semaine complète de mes obligations, contre une semaine posée à la dernière minute qui avait fait grimacer les RH. J’arrivai en avance, me concentrant pour afficher le visage serein de celui qui n’avait rien à se reprocher. Si seulement. L’ironie de la situation me broyait les tempes, compressait ma poitrine de culpabilité ; j’avais l’impression plus que douloureuse de sentir gravée sur ma chair, au milieu de mon front, l’accusation HYPOCRITE. D’une main nerveuse, je me frottai le front. Me présentai à l’accueil. On vint me chercher, on me fit même faire le tour de l’étage avant de remettre entre mes mains l’ensemble des dossiers de la journée, la plupart tronqués en grande partie sous la censure des informations auxquelles je n’étais pas supposé avoir accès en tant que simple remplaçant. La responsable du département Suivi m’affirma que si je le souhaitais et qu’eux, de leur côté, n’y voyaient aucun inconvénient, je pourrai devenir titulaire ou du moins m’immiscer dans les rouages de l’administration de régulation des mutants, à la condition d’avoir par la suite l’accréditation adéquate. J’hochai la tête, très peu pour moi : plus le bâtiment se refermait autour de moi, moins je m’y sentais à ma place.

On me désigna un bureau, on m’y abandonna, je pris le temps de souffler avant d’ouvrir le premier dossier. Pandora O’Sullivan. Rendez-vous à 10h00. Un coup d’œil à ma montre m’apprit que j’allais n’avoir qu’une vingtaine de minutes devant moi avant que cette journée que je pressentais déjà interminable ne démarre. Pandora O’Sullivan, contrôle des ondes sonores par modulation des cordes vocales avec possible action sur la temporalité et la longueur des… J’avais suivi un cursus poussé en psychologie, mais rien en physique ou en biologie quelconque. Je dus m’y reprendre à trois fois pour me faire une idée de la mutation que possédait la jeune femme – de l’âge d’Helena. Très bonne maîtrise. Potentiellement dangereuse. Un frisson d’angoisse se propagea dans ma colonne vertébrale. Surveiller de près. Défaillance pulmonaire. Père absent. Antécédents en psychologie. Je feuilletai le reste du dossier, avant de le laisser sur la table et de ranger tous les autres. Il était vide, à mes yeux. Vide de sens, vide d’intérêt, juste des faits, des suppositions, des craintes et des mises en garde. Mais au final, de cette Pandora O’Sullivan, il ne m’apprenait rien.

J’arrivai à cette conclusion au moment où on m’avertit qu’elle venait d’arriver, qu’elle était aiguillée vers mon bureau. Je réorganisai précipitamment mes quelques crayons. La porte s’ouvrit timidement, non sans me faire sursauter. Je me levai d’un bond, au risque de lui faire peur – elle eut ce qui me parut être comme un mouvement de recul, ou alors elle se contenta de vérifier le numéro du bureau. Vous... hum... vous n'êtes pas le docteur Travis, n'est-ce pas ? Je… docteur Travis ? J’eus un petit sourire nerveux. « Oh, euh, non, je… » Je me rassis en la voyant s’approcher et tirer un siège vers elle, avec une nervosité de plus en plus croissante au fur et à mesure que je découvrais personne qui se cachait derrière quelques gênes et quelques remarques sur une mutation potentiellement dangereuse. Juste une jeune femme, de l’âge d’Helena, enceinte et stressée, inquiète et pleine de bonnes intentions. Il s'est enfin décidé à prendre sa retraite, peut-être ? Je m’apprêtai à répondre, elle me coupa l’herbe sous le pied. Mettez une bavarde et un muet l’un face à l’autre, il n’y a pas beaucoup de doute à avoir sur la personne qui assurera la conversation. Vous... vous savez pourquoi j'ai été convoquée aujourd'hui ? Je n'avais pas eu de rendez-vous depuis plus d'un an, je pensais que c'était terminé... Je récupérai le dossier qu’elle me tendait, le comparai d’un regard à celui qu’on m’avait confié, n’y trouvait que le dépistage complet alors qu’il avait été censuré dans la version non accréditée que l’on m’avait fournie, et guère plus d’information. Une mutante avec un très fort pourcentage de mutation sur quasiment l’intégralité de son génome. Je sentis ma poitrine se serrer et refermai sans attendre tout cela.

Avant de prendre mon inspiration. Elle attendait, visiblement, que je réponde à ses questions maintenant qu’elle les avait toutes posées. Je me pinçai l’arête du nez, fatigué. Depuis combien de temps n’avais-je pas concrètement fait ça ? Plusieurs années. Autant commencer par le commencement. « Vous avez vu juste, je ne suis pas le docteur Travis. » Je lui offris un petit sourire, autant destiné à calmer ma nervosité qu’à l’inviter à la confiance. « Le docteur Travis est actuellement en congé maladie, et comme il est déjà très compliqué d’organiser toutes ces entrevues et que le DCRM tient à ce qu’elles soient faites en temps et en heures, ils m’ont demandé de le remplacer pour quelques jours. » Au moins, c’était dit. « Je suis le docteur Stepanovic, mais tant qu’à faire, autant m’appeler Nikola. » Nous étions tous les deux suffisamment stressés pour ne pas s’embarrasser du reste, non ? Je pris une nouvelle inspiration. « Quant à votre nouvelle convocation… à dire vrai, je ne sais pas trop… de ce que j’ai pu lire des informations que l’on m’a données, je suis à peu près convaincu que c’est juste une entrevue de routine, faisant directement suite à… » A toute la merde qui se passe en ce moment et dont les mutants sont directement responsables ? Mauvaise formulation. « … à l’actualité préoccupante. Vous étiez au Cosmic Ballroom à ce que j’ai lu. » J’hésitai à m’attarder sur le sujet.

J’hésitai, vraiment. Puis, je me rendis compte que ça ne servirait à rien. Je n’étais pas là pour tenir les propos qu’aurait tenu, à ma place, le docteur Travis. J’étais là pour évaluer la stabilité émotionnelle d’une personne qui avait un contrôle excellent sur sa mutation. J’abandonnai ma tentative de suivre une feuille de route que l’on ne m’avait, dans tous les cas, pas donnée, pour laisser plutôt mon instinct prendre les devants. « Je pense que c’est important d’exprimer ce qu’on peut ressentir vis-à-vis de tout ça. La situation est compliquée pour tout le monde, et elle le devient davantage encore lorsque… on pourrait se sentir concerné. Le Poison Prince est un mutant, c’est un fait avéré. Et un mutant qui utilise ses capacités à mauvais, très mauvais escient, ce qui peut donner à croire que toutes les personnes mutantes sont susceptibles de faire comme lui. » Je la regardai droit dans les yeux. « Ca peut donner à faire réfléchir. Et ça peut pousser à se poser des questions, aussi. » Surtout pour une femme enceinte, une mère consciente de la vulnérabilité de son enfant à naître. Surtout lorsqu’on avait des personnes à protéger.



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Mar 28 Mai - 16:51
Pandora A. O'Sullivan
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I can't make you want the truth
Nikola & Pandora






Je suis quelqu’un d’angoissé. Ce n’est pas une fatalité, juste une constatation : l’inconnu me fait peur, l’abandon me terrifie et les rendez-vous chez le psy me donnent envie de partir en courant. Autant dire que là, je suis servie et me retrouve à taper nerveusement du talon sur la moquette tandis que je fais face à un médecin qui ne doit pas être plus vieux que Marcus. Et vue l’expression crispée sur son visage, il est aussi à l’aise que moi ! Feel you, buddy, on est dans le même bateau. Comme si c’était le moment de venir m’emmerder avec ces conneries de rendez-vous de contrôle… j’ai l’impression d’être une pestiférée, une moins que rien et me sens particulièrement jugée pour un simple génome hors du commun. C’est stupide, bon sang. La dernière fois que j’ai vu Travis, il a noté sur son compte-rendu que j’étais sur la défensive – pour ne pas dire purement agressive – par que je l’ai envoyé balader à plusieurs reprises. Tout ça pour masquer au mieux mes activités illégales mais he… combien de gens dans la rue font la même chose que moi, au juste ? Combien abusent du système, vol, mettent en place des fraudes, avec ou sans mutation ? Je n’ai jamais fait de mal à qui que ce soit, du moins pas physiquement, et ça ne me viendrait même pas à l’idée de blesser quelqu’un volontairement. Seulement ça, Travis a toujours eu du mal à le comprendre. Peut-être suis-je paranoïaque, mais à le voir me regarder en plissant ses yeux de fouines à chaque fois que je lui affirmais sans hésiter n’être qu’une simple violoncelliste d’orchestre sans histoire… disons qu’à force, j’ai fini par me dire qu’une partie de la population n’est tout simplement pas prête à accepter l’idée que les mutants ne sont pas tous des criminels. Alors la question est la suivante : le blondinet qui me fait face est-il plus ouvert d’esprit ou encore pire que les autres ?

Viennent les présentations, il ose même le sourire qui se veut rassurant et me propose de l’appeler par son prénom : Nikola. Bien, soit, Nikola, faisons comme ça. De toute manière, je ne suis pas certaine de réussir à prononcer Stepanovic sans éternuer au pass… minute… Stepanovic ? Comme Divna ?

« Vous connaissez quelqu’un qui s’appelle Divna Stepanovic ? Elle est créatrice de mode extrêmement talentueuse, elle a designé plusieurs de mes tenues concert ! »

S’il me répond que ce nom ne lui dit rien, je vais passer pour une imbécile finie… mais d’un autre côté, s’il la connait, ça détendra un peu l’atmosphère. Si tant est qu’il soit en bon termes avec elle ! Il enchaîne, m’annonce que lui non plus ne sait pas vraiment pourquoi on m’a fait venir… et je me rends compte que cet endroit est encore moins bien organisé que dans mes souvenirs. Seulement, il poursuit une fois de plus et mentionne le sujet que j’aurais préféré pouvoir éviter… l’attentat au Cosmic Ballroom, le Poisoned Birthday, tous les titres pompeux et terrifiant que les journalistes ont pu donner à cet épisode que j’aurais préféré pouvoir éviter. Je serre les poings, les mâchoires et détourne le regard. Oui j’étais là et non, je n’ai pas envie d’en parler. Seulement, si je m’obstine à ne rien dire, je vais sembler suspecte. Bordel de merde, je suis coincée. Je me contente finalement de hocher la tête et le laisse se dépatouiller comme un grand avec son discours. Discours qui finit d’ailleurs par me surprendre, quand il prend la direction bien plus pacifique de la discussion, des confidences… je relève les yeux et lui lance un regard étonné. J’ai tellement l’habitude de Travis, qui n’aurait pas manqué de répéter à quel point les mutations peuvent être dangereuses si elles ne sont pas maîtrisées, que je suis étonnée d’entendre Nikola me proposer de parler de ce que je ressens personnellement. Si ça me fait réfléchir ? Il est drôle, lui… mon ton se fait plus froid, plus sec lorsque j’ouvre la bouche, mais je ne me vois pas lui parler sur un ton enjoué.

« Bien sûr, que ça m’a fait réfléchir. L’existence même des mutants fait réfléchir. Seulement, il y a deux types de personnes : celles qui réfléchissent et acceptent l’évolution, et les idiots qui ne savent pas faire fonctionner autre chose que le neurone de la haine. Donnez un couteau à un fou, il égorgera sûrement des passants mais donnez le à un cuisinier et il vous fera le meilleur osso bucco de votre vie. Si j’ai l’air amer ? Je le suis. Je suis même en colère. »

Et merde, ça fait du bien de parler de ça, en fait… c’est un sujet sensible, que j’essaye d’éviter dès que je suis avec mon entourage pour qu’on ne juge pas mes positions au sujet des mutants.

« J’étais au Cosmic Ballroom, c’est vrai. J’ai subi la folie de cet inconnu, ce… fantôme, alors que je ne l’ai jamais rencontré. Ça pourrait être n’importe qui, tout ce que je sais, c’est qu’à cause de lui, j’ai bien failli me vider de mon sang et perdre Cal… perdre mon bébé. Oui, j’en veux à ce salopard, oui je veux qu’il paye pour ce qu’il a fait, pour ceux qui ont eu moins de chance que moi mais... ce n’est pas pour autant que je condamne tous les mutants. »

Ça serait tout de même ironique si je le faisais !

« Je ne sais pas ce que vous voulez que je vous dise. Dans ce combat, je ne prends parti pour personne parce que je suis une mutante, mais je suis aussi humaine. Seulement, ce n’est pas parce que ce monstre est un mutant que je vais le suivre ou au contraire le lapider. Si je me pose des questions ? En permanence. De quoi sera fait mon avenir ? Dans quel monde mon enfant va voir le jour ? Sera-t-il mutant ? Je sais que c’est injuste, mais pour son propre bien, j’aimerais qu’il ne soit pas mutant. »

Qu’il n’ait pas à subir cette discrimination, qu’il ne se heurte pas au rejet de ceux qui haïssent les mutants, qu’il n’ait pas à faire face au dégoût potentiel de son père, qui ne porte pas vraiment les mutants dans son cœur.

« En fait, je… j’ai peur. Peur d’être à nouveau victime d’un fou tel que lui mais aussi peur d’être la victime de la peur ambiante. Je ne veux pas être cataloguée parce que je suis mutante… »

Ça doit sûrement se voir, que j’ai peur. La colère qui a animé le début de mon discours s’est rapidement changée en terreur : si je me réveille la nuit, c’est parce que je vois une multitude de visage se calquer sur le corps d’un inconnu, cet inconnu : le Poison Prince. Ça pourrait aussi bien être Nikola que je ne le saurais pas !

« Et vous… vous en pensez quoi, de tout ça ? »

Je sais bien que ce n’est pas à moi de poser les questions mais j’ai besoin d’être rassurée, maintenant plus que jamais.

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Mar 18 Juin - 0:41
Nikola D. Stepanovic
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Nikola D. Stepanovic
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I can't make you want the truth
Au moment où la première patiente de la – trop – longue liste que l’on m’avait confiée à mon arrivée, je me rendis réellement compte de ce qu’impliquait la convocation – car je ne pouvais plus vraiment me résoudre à appeler ça une demande – que j’avais reçue pour remplacer le docteur Travis. J’allais devoir émettre un avis objectif sur des personnes souffrant comme moi d’une mutation. J’allais, même, devoir donner un avis objectif dont dépendrait certainement leur avenir, leurs libertés, la confiance qu’ils pouvaient avoir en eux et en leur contrôle sur leur mutation. L’ironie de la situation me crispa, mes doigts réorganisèrent des stylos parfaitement bien rangés sur le bureau, je me levai d’une main tendue pour la saluer, tâchant comme je le pus de lui cacher mes doutes sur mes capacités de psychologue. Un bien bel échec : sa nervosité se heurta à la mienne, je passai les premières secondes à la détailler, à la comparer bien malgré moi à Helena, je notai aussitôt son ventre arrondi qu’elle ne pouvait plus cacher derrière de amples vêtements… Lorsque je me rassis, elle reprit la parole, me noya sous des questions, des informations, me perdit davantage et m’angoissa plus encore lorsqu’elle tut : elle attendait que je réagisse à tout ça.

Sauf que je ne la connaissais pas. Et que j’étais supposé faire une évaluation psychologique sûre et complète. Sachant qu’étant donné la situation que connaissait le comté depuis quelques mois, je n’avais pas le droit à l’erreur, sympathie mutante ou non. Je déglutis, me pinçai l’arête du nez, pris le temps de souffler et de reposer en ordre mes pensées avant de parler. Simplement. Avec toute la douceur que j’entendais déployer dans mon travail, avec la sérénité que j’affichais de plus en plus avec hypocrisie. Non, je n’étais pas le docteur Travis, et oui, c’était moi qui allais réexaminer son dossier. Et non, elle n’avait pas à s’en faire, je ne mordais pas. Ces derniers mots, si je ne les prononçai pas, je tentai de les lui faire entendre dans mon sourire : mais sa réaction fut loin d’être de celles que j’attendais. « Vous connaissez quelqu’un qui s’appelle Divna Stepanovic ? Elle est créatrice de mode extrêmement talentueuse, elle a dessiné plusieurs de mes tenues de concert ! » J’ouvris grand les yeux. Si je m’attendais à ça ? Non. Bien sûr que non… « Vous connaissez ma sœur ? » Une réponse à sa question, avant même d’y réfléchir. « C’est ma petite sœur, mais nous ne sommes plus vraiment en contact. » Je n’avais pas envie d’en parler tout de suite. C’était elle qu’il fallait que j’apprenne à connaître. Et penser à Divna… c’était penser à ce que je lui avais fait. Et ce que je lui faisais à chaque fois que je la voyais, à chaque fois que je voyais dans la glace le tatouage qui refusait de disparaître depuis dix-sept ans maintenant.

D’un mouvement de tête, je balayai les formalités, son dossier que je n’avais parcouru que d’un œil. Au diable les conventions et ce qu’on attendait de moi, les questions que l’on attendait que je pose, les réponses qu’on attendait que je reçoive. Je balayai tout ça, pour prendre sur moi, et me comporter comme un véritable psychologue. Ce que j’étais, même si je n’exerçais plus quotidiennement comme tel. Ce que j’étais. Ce que je tentais d’être quand on me le demandait, plus exactement. Ce que j’essayai d’être avec mes questions. Ce que j’échouai à être : sa réaction crispée, son ton glacial, sa posture qui se raidit… trop d’indices qui me firent comprendre que j’avais fait une erreur. « Bien sûr, que ça m’a fait réfléchir. L’existence même des mutants fait réfléchir. Seulement, il y a deux types de personnes : celles qui réfléchissent et acceptent l’évolution, et les idiots qui ne savent pas faire fonctionner autre chose que le neurone de la haine. Donnez un couteau à un fou, il égorgera sûrement des passants mais donnez-le à un cuisinier et il vous fera le meilleur osso bucco de votre vie. Si j’ai l’air amer ? Je le suis. Je suis même en colère. » Un froncement de sourcils, mes doigts attrapèrent bien malgré moi un crayon, jetèrent quelques mots sur un papier. Evolution. C’était donc ainsi qu’elle nous voyait, une évolution ? Mes tatouages persistant se mirent à me démanger. Je ne l’interrompis pas pour autant alors qu’elle poursuivit sur les événements du Cosmic Ballroom et tout ce qu’il en découlait désormais. La tension de plus en plus croissante dans un des rares pays à avoir trouvé jusque-là un équilibre des plus précaires sur la question mutante. A la mention de son bébé, je lui lançai un coup d’œil, avant de reprendre mes quelques notes. « ... Oui, j’en veux à ce salopard, oui je veux qu’il paye pour ce qu’il a fait, pour ceux qui ont eu moins de chance que moi mais... ce n’est pas pour autant que je condamne tous les mutants. » Je rajoutai sur ma prise de notes Agressivité mais méfiance et retenue, avant de lui lancer un nouveau coup d’œil songeur. « Je ne sais pas ce que vous voulez que je vous dise. Dans ce combat, je ne prends parti pour personne parce que je suis une mutante, mais je suis aussi humaine. Seulement, ce n’est pas parce que ce monstre est un mutant que je vais le suivre ou au contraire le lapider. Si je me pose des questions ? En permanence. De quoi sera fait mon avenir ? Dans quel monde mon enfant va voir le jour ? Sera-t-il mutant ? Je sais que c’est injuste, mais pour son propre bien, j’aimerais qu’il ne soit pas mutant. » Je me mordis la lèvre, reposai le crayon gris. En effet, pour se poser des questions, elle semblait en avoir un certain nombre à l’esprit, et j’étais bien conscient que je n’avais droit qu’à une infime portion de la partie émergée de l’iceberg. Anxiété marquée je rajoutai, avant de raturer d’un trait nerveux. Et peu convaincu. D’un nouveau regard face à son silence, je cherchai à savoir si elle attendait de moi que je réponde ou si…

« En fait, je… j’ai peur. Peur d’être à nouveau victime d’un fou tel que lui mais aussi peur d’être la victime de la peur ambiante. Je ne veux pas être cataloguée parce que je suis mutante… Et vous… vous en pensez quoi, de tout ça ? » Ou si elle avait encore quelque chose à dire. Je raturai un peu plus la note sur son anxiété : ce n’était pas notable, c’était parfaitement normal pour une jeune femme enceinte mutante que d’appréhender l’avenir. Et moi, de mon côté, est-ce que mon regard anxieux sur la situation actuelle était normal également ? Je reposai mon crayon une nouvelle fois. « Ce que j’en pense… à dire vrai, mon entretien psychologique a été reporté et j’imagine que le médecin en charge de mon dossier me posera exactement la même question. Ça vous dérange si j’attends cette discussion avant de vous répondre ? » Un demi sourire aux lèvres, une nonchalance décontractée : voilà comment je choisis dans un premier temps de lui faire comprendre que nous étions dans le même camp. Et dans un second temps… je soupirai, encore. « Je n’attends pas que vous me disiez quelque chose en particulier. Je n’ai pas une grille de bingo à remplir dans la journée. Si je vous ai posé ces questions c’est parce qu’elles sont importantes. Et il n’y a ni bonne, ni mauvaise réponse… juste des ressentis, des intuitions, des appréhensions… nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Mais nous avons un point commun avec un homme qui a commis un crime. Et parce que la majorité de la population pense que ça nous lie forcément à cet homme, ça prend forcément une importance qu’on n’a pas le droit d’ignorer. »

Finalement, la discussion que j’avais prévu d’avoir avec le docteur Henderson commençait à montrer le bout de son nez. Je me passai une main sur le visage, cherchant à décortiquer après coup tout ce qu’elle venait de me dire. « Mais reprenons au début… Si les gènes de votre enfant vous angoissent, il doit y avoir un moyen de dépister les mutations chez un enfant en bas âge, voire un fœtus encore dans le ventre de sa mère. Je sais que les séquençages ADN proposés par Asclepios sont très coûteux, mais si vous le souhaitez je peux vous fournir des informations et des contacts qui vous renseigneront sur cette solution. Quant à la peur ambiante… »

Je me tus, le temps de réfléchir et de peser mes mots. « Nous avons tous peur. Ceux qui ne possèdent pas de gènes mutants éveillés craignent pour leur vie tout comme vous. J’ai peur de l’escalade de la violence. Et vous avez peur, oui, mais… interrompez-moi si je m’égare, vous êtes aussi en colère. Et amère. Et chargée d’un ressentiment. Ceux qui acceptent l’évolution… Sommes-nous réellement une évolution ? Êtes-vous une évolution parce que vous êtes rousse ? Et si nous sommes une évolution, dans ce cas-là, sommes-nous encore des homo sapiens ? » Je me redressai sur mon fauteuil au fur et à mesure qu’avec des questions, j’oubliais mon manque d’assurance et j’entrais dans le vif d’un sujet qui ne pouvait pas plaire. Mais qui me semblait nécessaire. Nous n’étions pas un nouveau stade de l’évolution, nous étions des erreurs de l’évolution. Rien de bien différents, mais des mutants et Darwin n’avait pas encore tranché sur notre utilité pour la survie de l’espèce humaine. « Tu es en colère, Pandora. Mais contre qui exactement, et pourquoi ? Contre le Poison Prince ? Contre le Royaume Uni ? Contre l’humanité ? Contre le dépistage, le DCRM, le tatouage, contre moi, mes questions ? Contre un peu de tout ça ou contre l’anxiété de la grossesse, de l’incertitude ? Tu ne veux pas être cataloguée parce que tu es mutante, mais… dans les faits nous sommes tous catalogués. Nous avons peur de ce que nous ne connaissons pas : mettre des mots rassure. C’est humain. Je suis blond, myope, gaucher, croate… Je suis un homme, un psychologue, un photographe. Et un mutant. Autant de catégorisation qui me place chacune dans des petites cases. Est-ce que c’est un mal ? Qu’est-ce qui fait qu’une case est plus mauvaise qu’une autre ? »

Je ne savais pas vraiment où je voulais en venir ni même ce que je voulais lui faire comprendre, mais si j’espérais bien une chose, c’était canaliser la rancœur que j’avais pu entendre dès ses premiers mots pour l’évacuer un peu plus loin. Qu’elle ne se sente pas agressée dès qu’on parlait mutant. Qu’elle cesse de se voire comme le prochain stade de l’évolution. Qu’elle ignore cette barrière entre mutant et humain sans la nier pour autant. Qu’elle me prouve qu’on pouvait être en paix avec sa nature, sans se croire supérieur au reste du monde. Et qu’elle me rassure sur le fait qu’être un mutant psychologiste n’était pas une malédiction.  

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