Une corde après l'autre
   viviana & calixte

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Bien sûr qu’il la chercha. Sitôt qu’il franchit les portes de l’exposition, pour son petit tour quotidien en fin d’après-midi, il la chercha du regard. Stupidement, à n’en pas douter mais… dans un claquement de langue, Calixte marqua sa légère déception à ne pas apercevoir cette tignasse rousse qu’il avait appris à guetter, à craindre de rencontrer – aussi – et qu’il s’amusait à chercher désormais, depuis qu’ils avaient mis les choses au clair. D’un mouvement appuyé par l’habitude, il se redressa, se revêtit de la prestance qu’on exigeait de lui chaque fois qu’il paraissait en public – surtout à Newcastle où la cohabitation marquée de quatre familles ducales n’était jamais vraiment passée inaperçue, d’un mouvement affirmé par l’habitude, Calixte profita d’un reflet dans une vitre pour vérifier sa mise, resserrer légèrement son nœud de cravate, ouvrir son long manteau piqueté de gouttes d’eau d’une pluie incessante que les instruments ne devaient absolument pas apprécier. Délaissant sa veste entre les mains d’une personne venue spécifiquement le cueillir, il la chercha. Et se reprit une seconde trop tard : il n’était pas là pour la trouver, et aux dernières nouvelles, il pouvait toujours lui envoyer un SMS pour avoir une réponse, bien plus rapide et certaine, à la question qui le taraudait. Et, surtout, Pandora avait déjà vu l’exposition. Le jour même de son ouverture, après tout. Pourquoi reviendrait-elle ici, et surtout sans le tenir au courant ? Ce serait particulièrement stupide. Et Calixte secoua la tête, apercevant la silhouette d’un des gérants de l’exposition qui se dirigeait dans sa direction. Il écouta d’une oreille attentive le résumé que lui fit Geoffroy, tant sur la fréquentation de l’exposition, la réception que le public en faisait, que sur les instruments mis en vitrine aujourd’hui et ceux préservés des changements hygrométriques et aux armatures et cordes plus capricieuses que jamais. Il hocha la tête, remercia, sans réfléchir, sans même avoir à y penser : c’était inscrit dans ses réflexes désormais, ces discussions mondaines ou lapidaires, ces ronds de jambe nécessaires mais lassants,… ils remontaient lentement la galerie, Calixte écoutait – vraiment – les commentaires faits par Geoffroy sur les différents pôles de l’exposition, ceux qui étaient les plus appréciés, ceux qui étaient délaissés, tout en regardant la population qui s’était traînée jusqu’au Laing Art Gallery. Des personnes âgées ou des adultes plus proches de la retraite que des stages de fin d’études, quelques enfants mais trop peu à son goût et… Calixte ralentit, un sourire aux lèvres.

Calixte était un homme de goût, et un homme passionné. C’était un homme complet dans ses choix, dans ses vocations, dans sa sensibilité. C’était un artiste et les cours qu’il donnait aux enfants issus de milieux défavorisés lui avaient appris qu’il savait également se montrer pédagogue, comme missionné d’un devoir de transmission, puisqu’on lui avait interdit de mettre à profit ses trop nombreuses années d’alto lové au cœur d’un orchestre ou, soliste, sur une scène de spectacle. Calixte ne cessait jamais d’être un artiste, quoiqu’il puisse vouloir affirmer. Il respirait la musique, ses doigts frémissaient d’esquisse, il aimait le beau, il aimait le sensible, et il rêvait, parfois, d’être capable de délaisser le nom de Seymour, le devoir de Veilleur, les attentes de son père, pour fuir de l’autre côté du monde, la main lovée dans celle de son amante, Euterpe. Alors quand il voyait une jeune fille, sortie depuis peu de l’adolescence, ou du moins encore perdue dans cette étape de la vie qui voyait se faire les premiers véritables choix d’adulte, tenir un violon imaginaire entre les doigts pour laisser glisser un archet sur des cordes faites de brume, il ne put se retenir de sourire. Il ne put s’empêcher de s’y intéresser bien d’avantage qu’à ce que pouvait lui dire Geoffroy, aussi fascinant que cela puisse être… Calixte le congédia dans un sourire, ignora la moue outrée de l’homme, et préféra se diriger vers la jeune femme, un sourire mutin aux lèvres. Et arrivé non loin d’elle, il choisit de s’adosser nonchalamment au mur le plus proche. Vous savez, si vous teniez un véritable instrument entre vos mains, il paraît que ça marcherait mieux… Sa voix vibra d’un éclat amusé, de celui malicieux qu’il servait sans discrimination à tous ceux et celles qui avaient la chance de le croiser de bonne humeur. Comme elle. Il lui tendit une main voulue rassurante et sympathique. Je m’appelle Calixte, altiste de mon état. Et vous ? Il considéra la position de la jeune fille, choisit de tabler sur un instinct consommé par l’expérience. Violoniste je dirais… même si c’est difficile d’en être certain au jugé. Mais je dirais que vous avez une plutôt bonne technique. D’un mouvement de menton, il désigna les instruments, les affichettes explicatives, la galerie et la pièce… Intéressante exposition ?