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Eddixte | We're dead to the world Empty Eddixte | We're dead to the world

Dim 31 Mar - 14:37
Edward T. Seymour
humain*
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We're dead to the world
Edward & Calixte






Edward n'avait jamais eu peur de son père. Du moins, pas autant que son frère. À vrai dire, en tant qu'aîné, il s'était toujours fait un devoir de garder la tête haute, même face à un père intransigeant et plus froid qu'un bloc de glace. Et puis surtout, Edward avait toujours pris soin de faire ce que son père lui demandait : sois un bon élève, deviens un grand avocat, épouse une jeune fille de bonne famille, protège ton frère... si l'aîné des Seymour était effectivement devenu un brillant avocat promis à un bel avenir, il se démenait toujours avec des fiançailles qui lui déplaisaient et surtout, il n'avait pas été en mesure de protéger son frère. C'était ça, le grand déclic, finalement. Malgré tous ses efforts et une surveillance proche de la paranoïa, Edward n'avait été capable de protéger son frère d'un mutant aussi belliqueux que difficile à attraper. Chaque jour, il luttait contre cette envie qu'il avait de passer ses mains autour de la gorge du Poison Prince pour serrer, serrer et encore serrer jusqu'à ce qu'il ne puisse plus faire de mal à personne. Chaque fois qu'il songeait à l'éventualité de rejoindre Calixte dans sa lutte sanguinaire contre ce mutant, Edward devait se faire violence pour revenir à la réalité : tuer n'était pas une solution. Et pourtant... il s'était senti profondément impuissant et indigne lorsque son frère s'était retrouvé dans le coma. De toute manière, son père le lui avait dit : tu aurais dû être là. Mais à cause de leur mésentente, Edward avait été absent, comme toujours.

Depuis des semaines, Edward ruminait une colère qui menaçait de le submerger. C'en était trop. De quel droit son père se permettait-il de dicter chaque action qu'il faisait ? De quel droit prenait-il en main l'intégralité de sa vie ? Il y avait d'abord eu les reproches au sujet de son frère, et puis il y avait ensuite eu ceux à propos de Diana : « pourquoi n'es-tu pas encore marié ? Qu'attends-tu ? » et la colère, qui grandissait chaque jour un peu plus dans le cœur d'Edward. Il s'était tut, avait pris les reproches comme autant de coups de poignard dans la poitrine sans jamais révéler à son père le secret de la jeune Howard mais il était fatigué de n'avoir aucun autre argument valable à opposer. Plus les jours passaient et plus Edward craignait que son père ne se mette à douter de lui. Alors, il s'était mis à imaginer des stratagèmes, des excuses, quelque chose qui justifierait une bonne fois pour tout le retard que prenait ce foutu mariage... mais Diana l'avait devancé.

Matin, Edward avait trouvé dans sa boîte aux lettre une enveloppe contenant une série de photo qui lui avait glacé le sang. On le voyait sourire, chose assez rare pour être relevée et systématiquement en présence de Rosamund. Si les premiers clichés semblaient anodins, les suivants les montraient de plus en plus proches, de plus en plus intimes, jusqu'à ce qu'un baiser volé ne soit immortalisé sur la pellicule du voyeur qui avait été visiblement engagé pour les suivre. Il s'était pourtant cru discret... sur la photo la plus compromettante de toutes, il y avait un post-it avec écrit « appelle-moi » d'une écriture qu'il aurait reconnue entre mille : Diana.

N'importe quelle fiancée aurait été en droit de hurler, de lui reprocher son infidélité, de le traiter de salaud car après tout, c'était ce qu'il était... mais pas pour Diana. Elle avait répondu d'un ton enjoué et guilleret au téléphone, tout simplement parce qu'elle avait enfin en main la clé qui pourrait les libérer tous les deux de leurs chaînes. Seulement, si la jeune femme semblait persuadée que tout serait simple, Edward ne voyait en la rupture de leurs fiançailles qu'un énorme merdier indémêlable. Ça sera facile, lui avait-elle dit, et lorsqu'il avait répliqué qu'ils ne pouvaient pas se séparer, elle s'était tut pour brusquement changer de ton. C'était bien simple, l'ultimatum qu'Edward craignait était tombé : une rupture en douceur ou la diffusion des photos à qui voudrait les voir pour créer un scandale sans précédent. Il connaissait suffisamment sa belle fiancée pour savoir qu'elle ne reculerait devant rien et jouerait bien mieux les fiancées trompées qu'il ne l'imaginait.

Finalement, l'affaire s'était résolue en un appel et un café avalé en trois gorgées : rien n'avait été signé, alors Diana s'était contentée de poser sa bague de fiançailles sur la table et, d'un air sincèrement désolé, lui avait souhaité d'être heureux avant de s'enfuir dès qu'elle l'avait pu. C'était bien là tout le côté tragique de leur relation : Edward aimait beaucoup la jeune femme, mais... comme une amie, une seconde petite sœur, pas comme son père aurait voulu qu'il la voit.

Et voilà. La veille, Edward cherchait un moyen de s'échapper à moyen termes de ses obligations familiales, désormais il en était débarrassé. Il n'avait simplement pas prévu comment gérer l'après. Devait-il l'annoncer à Rosamund ? À quoi bon, si c'était pour que dans deux mois on lui présente une nouvelle fiancée imposée ? Le dire à Helena ? À Alice ? Non... la seule personne à qui il devait en parler à présent, c'était son père. Et pour la première fois, Edward avait réellement peur de sa réaction. Il pouvait gérer celle d'Anthony, il pensait même pouvoir encaisser les railleries de son frère mais une nouvelle déception paternelle ? Ça non. Edward aurait aimé avoir le temps de réfléchir et élaborer une stratégie. Il aurait aimé pouvoir penser à un discours correct mais le temps jouait contre lui. Ce n'était qu'une question de jours voire d'heures avant que la nouvelle ne parvienne aux oreilles du Duc de Somerset.

La peur au ventre, Edward avait quitté le Northumberland tôt le matin pour rejoindre le domaine familial où, dès son arrivée, il avait compris que les choses seraient compliquées. Un silence pesant s'était emparé du manoir, sa mère l'avait fuit lorsqu'il avait voulu lui dire bonjour et le personnel de maison le suivait du regard tout en l'esquivant à chaque fois qu'il se tournait dans leur direction. Avant même d'avoir gravit les marches menant aux appartements de son père, Edward avait dû se résoudre à l'évidence : il savait. À mesure que ses pas le rapprochait du premier étage, il sentait des poids se lester à ses chevilles, jusqu'à ce que tout mouvement devienne douloureux. Et ce silence assourdissant qui lui donnait envie de hurler... chaque battement précipité de son cœur semblait se répercuter comme une balle de ping-pong sur les murs et lorsqu'il se retrouva devant la porte du bureau, Edward leva la main pour frapper mais fut immédiatement interrompu par la voix sèche de son père l'invitant à entrer. S'il n'avait pas été aussi terrifié, Edward aurait soupçonné son père d'être un mutant capable de voir à travers la matière.

« … Bonjour, père... », dit-il d'une voix blanche.

Les doigts gelés par le stress et le visage d'une pâleur cadavérique, Edward n'en menait pas large. Assit dans son fauteuil, plus maigre et dégarni que la dernière que son fils l'avait vu, George Seymour semblait fulminer d'une rage à peine descriptible. La plume de son stylo s'agitait d'une pile de feuille et chaque signature griffonnée arrachait un crissement désagréable au papier. Sans lever les yeux un seul instant de ses documents, le patriarche Seymour marmonna d'une voix difficilement contrôlée :

« J'aimerais comprendre, Edward, pourquoi toi et ton frère vous évertuez toujours à me contrarier... »

Son frère ? Pourquoi fallait-il qu'il les mette dans le même panier, soudain ? Edward serra les poings et se redressa pour se donner un air un peu plus assuré.

« Père, je... ça n'aurait jamais marché, avec Diana, c'était une erreur de nous- »
« Serais-tu en train d'insinuer que je commets des erreurs ? »

Edward sursauta lorsque son père tonna en se tournant vers lui. S'il avait été un peu plus maître de sa peur, le jeune homme aurait répliqué que oui, George avait fait de nombreuses erreurs, à commencer par laisser ses deux fils dormir dehors ou en faire des ennemis plutôt que d'alimenter la complicité qu'ils avaient pu avoir étant enfants. Pourtant, Edward ne se démonta pas.

« Je n'insinue rien du tout. Je dis simplement que même si j'apprécie Diana, il n'y a nul amour ou désir de maria- »
« Mais bougre d'imbécile écervelé ! Qui t'a mis ces histoires d'amour dans la tête ? Bon sang, Edward, je te croyais plus intelligent que ton frère... l'amour, c'est pour les enfants et les idiots. Nous avons un devoir, un devoir de sang et je me fiche totalement que tu n'éprouves pas d'amour pour Diana. Ta mère ne m'aimait pas non plus, à notre mariage. La confiance, la loyauté, l'héritage, voilà les fondations d'un véritable mariage. »

Mais Edward ne voyait pas les choses ainsi. Il avait envie de hurler à son père qu'il était loin, le temps où on mariait les gens par intérêt et où la seule mission d'un couple était de procréer pour assurer la pérennité d'un nom. Il était si loin que même les héritiers de la couronne britannique s'en émancipaient.

« Pardonnez-moi, père... », furent les seuls mots qu'Edward parvint à articuler.
« Te pardonner ? Tu m'as déçu, Edward. Jamais je n'aurais cru que tu puisses me décevoir de la sorte. Ton mariage devait assurer notre alliance avec les Howard et tu viens de tout gâcher pour une raison qui m'échappe... »
« Notre alliance ? Je vous en prie, les relations entre nos familles n'ont jamais été aussi bonnes que depuis qu'Anthony dirige la famille et qu'Henry les soutient ! »

Un silence accueilli sa déclaration et Edward resta interdit l'espace d'un instant. Alors que son père avait semblé prêt à répliquer, il s'était fermé comme une huître lorsque le nom de son cadet avait été prononcé.

« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

Au prix d'un effort qui sembla surhumain, George se leva et vint faire face à son aîné qui, à mesure que la distance les séparant se réduisait, se tassait un peu plus.

« Il y a que toi et ton frère êtes des ingrats et des imbéciles. Chacune de vos actions n'est motivée que par vos propres intérêts. Je ne vous ai pas éduqués pour faire de vous des hommes égoïstes. »
« Arrêtez de me parler d'Henry, il collectionne les absurdités depuis longtemps, je ne vois vraiment pas ce qui vous étonne chez lui ! »

Et à nouveau, Edward fit face au silence de son père. La gravité de son visage laissa place à une lassitude qui doucha son fils en à peine quelques secondes. Avec cette expression fatiguée sur le visage, il semblait soudain plus vieux, amoindrit comme jamais, et Edward su à l'instant où son père repris la parole qu'il aurait préféré qu'il se taise.

« J'ai mis ton frère à la porte. Il a engrossé l'une de ses conquêtes, et comme si cette honte n'était pas suffisante pour notre famille, il a décidé d'assumer un semblant d'éducation pour ce petit bâtard. Tu comprends pourquoi je suis si fatigué ? Je n'en peux plus de devoir rattraper sans cesse vos bêtises. Alors si tu veux retrouver un peu de mon respect, raisonne ton frère. Nous reparlerons de ton mariage plus tard. »

Edward ne sut quoi répondre, tant la nouvelle lui avait coupé le souffle. Calixte avait mis une fille enceinte. Un coup d'un soir, sûrement, avec qui il avait dû coucher en ayant trop bu, comme toujours. Calixte allait être père, ce qu'il avait toujours souhaité mais à cet instant, Edward n'éprouvait ni de la joie pour son cadet, ni de la surprise. Il était simplement jaloux. En commettant le premier un erreur grossière, Calixte avait une fois de plus prouvé qu'il était très doué pour ruiner tous les efforts de son frère. Serrant les poings, Edward se voyait déjà dire à son frère à quel point il était idiot, inconscient, qu'il allait devoir couper toutes communications avec la mère de l'enfant et que jamais, Ô grand jamais, il ne devrait tenter d'entrer en contact avec le bâtard.

Lorsque Edward ressorti du manoir, une heure et demi plus tard, il se sentait assommé par le discours de son père. Une fois de plus, il avait dû faire face à un mur incapable d'écouter son mal-être, tout comme il allait devoir, une fois encore, rattraper les erreurs de son frère. C'était toujours comme ça, n'est-ce pas ? Edward ne savait tout simplement pas par où commencer... et il y avait surtout la menace ou plutôt l'injonction de George, injonction qu'Edward aurait préféré pouvoir ignorer mais face à laquelle il ne pouvait pas faire grand-chose... refusant d'y penser plus longtemps, il se concentra sur la route et sur le jour qui commençait déjà à s'obscurcir. Comment allait-il pouvoir annoncer ça à son frère sans déclencher une nouvelle dispute ? Il fallait dire que leur dernière discussion avait été plus que mouvementée.

Arrivé à plus de minuit à Killingworth, Edward pris la décision d'attendre le lendemain pour confronter son frère. L'ennui, c'est qu'il ne trouva pas le sommeil et se retrouva, à 5h du matin, à renoncer à l'idée de se reposer.

C'est pour cela qu'à 7h, il était déjà devant les laboratoires Asclepios, dans lesquels on le laissa entrer sur simple présentation de sa carte d'identité. Trop fatigué pour réfléchir, Edward laissa ses pas le guider vers l'étage où comptables et analystes financiers géraient les monstrueux capitaux du laboratoire. Salles de réunion, open space déjà bruyant à cette heure matinale, machine à café où se pressaient des employés encore endormis... au bout du couloir, Edward trouva le bureau entrouvert de son frère... et fronça le nez en voyant le bazar qui y régnait. Dossiers mal rangés, avion en papier écrasé à côté de la poubelle, gobelet de café traînant sur le bureau... visiblement, les deux frères n'avaient pas la même conception d'un espace de travail sain. Sans demander l'avis à qui que ce soit – de toute manière il n'y avait personne – Edward s'installa sur un divan dans un coin du bureau et attrapa une revue qu'il commença à feuilleter. 7H30, 8h, 8h30... c'est aux alentours de 9h15 que la porte s'ouvrit, faisant à peine réagir Edward.

« Tu es en retard, Henry... je me demande ce qu'en pense ton patron... »

Il fallait croire que le mot bonjour ne faisait pas partie du vocabulaire Seymour. Après avoir pris quelques secondes pour terminer un soporifique article dont il n'avait pas retenu un mot, Edward se leva pour faire face à son frère.

« J'étais de passage non loin de Bristol, hier... tu n'aurais pas par hasard des choses à me dire ? »

Le ton n'était pas agressif ou froid, il invitait plutôt à la discussion. Après tout, mieux valait commencer poliment pour entamer les hostilités plus tard. D'un geste, Edward ferma la porte du bureau, mettant son frère devant le fait accompli.

« Charmant, la décoration de ton bureau, au passage... »

On ne changerait pas non plus totalement Edward...

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Dim 31 Mar - 14:55
H. Calixte Seymour
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Edward
Calixte
« we're dead to the world »


Le week-end dans la campagne irlandaise avait été un dépaysement total pour Calixte. Une cinquantaine d’heures hors du temps, hors de tout, consacrées à une seule femme, à un seul nous, à un seul présent, à un seul futur. Une cinquantaine d’heures où il s’était autorisé à n’être que Calixte, juste amoureux, juste heureux, libéré de tout le reste, de tous les soucis que toute cette relation allait pouvoir engendrer, de toutes les attentes qu’il pouvait sentir peser sur ses épaules, et toutes les conséquences des événements récents qu’il allait directement ou indirectement devoir gérer via une veille déjà durement mise à l’épreuve.

Le week-end en Irlande, donc, avait été un dépaysement des plus rafraîchissants. Et le retour à la réalité, quand il avait embrassé tendrement Pandora à l’aéroport de Cork avant de la laisser rentrer chez elle, avant de lui tourner le dos pour monter, de son côté, à l’avant de l’appareil… Calixte avait sincèrement hésité à reporter son vol, à s’octroyer une nuit de plus avec elle, à s’octroyer quelques heures de plus loin de tout. Seul son sens des responsabilités et la conscience aiguë qu’il pouvait avoir de marcher sur un fil menaçant à chaque instant de se rompre l’avaient poussé à ne pas céder à la tentation - pourtant tenace - et à laisser le temps, et son bonheur volé, filer entre ses doigts. Et à présent, Calixte était à deux doigts de renouer avec sa vraie vie, celle qu’il supportait avec difficulté, celle impliquant de la finance, des budgets, des secrets, un devoir atavique, et le regard toujours plus pesant de son père sur son dos.

Quand le cadet Seymour franchit les portes des laboratoires Asclepios, lundi matin, quand il présenta son badge, indifférent à l’heure tardive, armé de sa canne en excuse, de son nom en protection, de son indifférence posée en ultime rempart face aux reproches qu’un imprudent oserait lui opposer, son esprit était encore en Irlande. Le portable vibrant dans sa main à chaque message de Pandora, le coeur battant dans la poitrine d’un manque croissant, de l’envie, toujours plus violente, de faire demi-tour, il s’enferma dans un ascenseur, ferma les yeux, appuya son dos contre une des parois métalliques. Absence complète d’envie de replonger là-dedans. Une sonnerie le força à ouvrir les yeux. Cyrus. “Yep ?” Un silence, agaçant. “Cyrus ?” Et la voix de son meilleur ami résonna avec un temps de retard. “Tu ne m’as pas appelé du week-end” Le reproche et l’accusation perceptibles troublèrent Calixte, tout en le mettant sur la défensive. La possessivité de Cyrus lui avait toujours paru être une flatterie et un compliment, à présent qu’elle venait agresser la relation trop fragile qui s’établissait entre lui et Pandora… “J’étais un peu occupé… désolé” Mais Cyrus restait son meilleur ami, et un ami trop cher pour que Calixte envisage un seul instant de le perdre. Les excuses, qu’il prononçait si peu, si rarement, toujours à contre-coeur, lui virent naturellement. “J’ai vu les photos, merci de les avoir postées pour moi. On se voit ce soir ?” Comme un nouveau geste d’excuses. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur des employés, se refermèrent, la conversation se fit bien moins privée, et davantage à sens unique : rancoeur ravalée, Cyrus entreprit de raconter à Calixte ce que les deux meilleurs amis avaient fait ce week-end.

Ski, Suisse, randonnée, raclette, petit bar, un peu - suffisamment - d’alcool pour justifier la fatigue de Calixte, un manque certain de réseau sur les pistes, expliquant également son manque de réactivité… quand les portes s’ouvrirent une dernière fois sur l’étage qui hébergeait le bureau de Calixte, privilégié parmi les privilégiés, prince en son royaume, l’apprenti espion se sentait prêt, ou presque, à assumer son week-end suisse le temps que les questions se tarissent, et le temps, également, que les choses rentrent dans l’ordre. Toujours en grande discussion avec Cyrus, Calixte jeta un coup d’oeil à une horloge, se plia avec diligence à sa routine hebdomadaire. Passer voir sa secrétaire, s’enquérir des rendez-vous de la journée, récupérer un café, le courrier, les dossiers à consulter, éventuellement les notes laissées à son intention, sociabiliser comme il se devait avec les autres employés, récupérer auprès d’une cousine éloignée des Percy les données demandées le vendredi passé auprès du bâtiment D et s’échouer, son bras libre encombré, le second crispé sur sa canne, dans son bureau…

Entrouvert. Habité. « Tu es en retard, Henry... je me demande ce qu'en pense ton patron... » Une crispation le figea dans un premier temps, Calixte se reprit cependant bien vite. « Je suis un cadre, Edward, mes horaires sont libres, Jeremy n’a pas son mot à dire à leur sujet. » Les dossiers manquèrent de lui échapper, il libéra d’un geste un peu d’espace sur son bureau, déplaça ce qu’il avait pu abandonner en hâte vendredi, dans sa hâte de fuir tout ceci. Calixte se pinça l’arête du nez, une fois sa canne posée dans un coin, refusant pour autant de s’asseoir. Edward, debout, le dépassait déjà détestablement, il était inutile d’accentuer cela. Le petit frère offrit un regard des plus noirs à son aîné, envisagea de lui montrer la porte, hésita un peu trop longtemps, se fit devancer par Edward et le regretta plus que jamais.

« J'étais de passage non loin de Bristol, hier... tu n'aurais pas par hasard des choses à me dire ? » Bien malgré lui, le regard de Calixte dériva vers la porte laissée grande ouverte. Edward la referma d’un geste. Le sang de Calixte se glaça dans ses veines. Ses mains se plaquèrent sur le dessus de son bureau, pour camoufler tout geste de faiblesse. Non loin de Bristol. « Charmant, la décoration de ton bureau, au passage... » Un claquement de langue, Calixte laissa la critique de côté, ne s’en souciant pas le moins du monde : il avait bien plus important à gérer, il y avait bien plus important sur quoi se concentrer. Bristol ne pouvait impliquer qu’une seule chose. Et en l’espace d’une poignée d’heures, le week-end en Irlande passa du statut de jardin secret et bonheur volé à celui de plaisir coupable et de caprice à regretter. Et rien que pour cela, Calixte détesta son frère. D’une voix à l’agressivité difficilement contrôlée, il ne put que constater : « Tu l’as vu. », sans avoir besoin de préciser qui était ce il camouflé derrière un pronom. Edward avait vu Papa. « Et il t’en a parlé. »

Et Papa lui avait, bien évidemment, parlé de Pandora. Calixte inspira. Considéra une nouvelle fois les mots choisis par Edward, le ton employé, les sous-entendus esquissés… on pouvait reprocher de nombreuses choses, de très nombreuses choses au cadet des Seymour, mais on ne pouvait malheureusement lui reprocher une certaine lenteur d’esprit ou une absence complète d’analyse : il n’eut pas à ciller deux fois pour saisir une partie de la teneur de la conversation qui allait s’imposer. Sans compter que bien malgré lui, on lui avait inculqué depuis son plus jeune âge à obéir à Papa mais plus encore à son duc. Et bien malgré lui, encore une fois, Calixte ne pouvait que savoir qui, entre Edward et lui, allait hériter du titre et par ce bien de l’autorité sur tous les membres de la famille Seymour. Un soupir. Calixte désigna du menton le divan sur lequel Edward s’était installé pour l’attendre, contourna son bureau et s’octroya un fauteuil pour reposer son corps constamment épuisé. « J’attends. Tes reproches, tes remarques, ton constant mépris satisfait et la petite leçon que tu as, je n’en doute pas, répété dans ta tête en m’attendant, comme une parfaite plaidoirie pour condamner le fils indigne. Vas-y, Edward, fais-toi plaisir, tu n’attends que ça. » Tout en parlant, Calixte se découvrit étrangement calme.

Et ne se fit aucune illusion sur l’origine de sa sérénité. Un week-end en Irlande l’avait conforté dans son choix, dans ses certitudes. Dans l’apaisement sans cesse renouvelé que Pandora pouvait lui apporter. « Mais avant que tu commences, que ce soit bien clair, je ne changerai pas de position sur le sujet. J’ai pris une décision, j’ai fait une promesse, je compte bien m’y tenir. »

by marelle

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Dim 31 Mar - 14:56
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Edward & Calixte






Edward se sentait comme un chat fixant avec patience et appétit une petite souris. Souris qui se débattait avec des dossiers et un handicap bien mal dissimulé aux yeux du Seymour. À aucun moment Edward ne se leva du divan pour aller aider son frère à poser ses dossiers sur le bureau. Pas parce qu'il ne voulait pas lui donner l'impression d'être faible mais bien parce qu'il était suffisamment en colère après son frère pour préférer le voir se faire du mal plutôt que de lui venir en aide. Edward avait envie de secouer Calixte, de lui hurler de cesser de faire l'idiot ou de se rendre continuellement intéressant, de se taire, de disparaître... de cesser d'exister l'espace d'une journée pour que lui puisse enfin vivre une existence normale et non plus avoir sans cesse l'impression qu'on lui reproche tous les faits et gestes de son cadet. Habituellement, Edward se montrait indifférent à l'égard de son frère. Cette fois, il le détestait réellement. Il le détestait d'être ce qu'il était, le détestait de le savoir si à l'aise avec les gens, le détestait d'être le cadet, le haïssait viscéralement pour avoir osé faire ce que lui n'aurait jamais pu envisager : assumer un enfant hors mariage. Edward n'aurait pas seulement coupé les ponts avec la jeune femme, il se serait assuré juridiquement qu'elle ne puisse rien exiger au mieux, ou aurait insisté pour un avortement au pire. Il serait réellement allé à l'encontre de ses principes et de sa volonté de donner à sa famille un héritier pour préserver le nom des Seymour. Calixte, lui... avait tout fichu par terre, comme un enfant capricieux et désormais, il faisait aux siens l'affront d'assumer un enfant qui ne serait jamais un Seymour, Edward s'en faisait la promesse. Enfin... l'Edward que chérissait « Papa » était prêt à lutter de toutes ces forces pour que jamais ce bâtard ne mette un pied sur l'honorable arbre généalogique des Seymour.

Le grand frère, lui, n'avait qu'une envie : serrer son cadet dans ses bras en le félicitant.

C'était entre ces deux sentiments contradictoires qu'Edward se sentait tiraillé. Pour la première fois de sa vie, il avait lu de la déception dans les yeux de son père et ne souhaitait pour rien au monde la voir à nouveau. Mais d'un autre côté, Edward en voulait à son père d'être aussi cruel avec ses enfants. La déception de George serait aussi éphémère que les mois qu'il lui restaient à vivre. La haine de Calixte et, plus encore, la perspective de voir son neveu grandir sans son père dureraient toute une vie. Edward se rendit compte à cet instant qu'il aurait dû aller voir Rosamund avant Calixte. Elle aurait su le conseiller, l'apaiser, lui montrer une voie plus sereine que celle qu'il s'imposait continuellement mais... il n'avait pu se résoudre à aller voir la jeune femme. Son cœur était fracturé en un millier de morceaux et le jeune aristocrate craignait que seule la joie de se savoir libéré d'un mariage qu'il honnissait ne transparaisse s'il allait retrouver Rosamund. Si Edward n'avait écouté que cet aspect de sa personne, il aurait demandé la jeune femme en mariage dans la foulée en se fichant bien du fait que leur relation était bien trop bancale pour mener tout de sue à ce genre d'union. Au lieu de tout cela, il était venu voir Calixte et se retrouvait à présent à hocher la tête avec un air particulièrement satisfait. Oui il l'avait vu. Et oui, il lui en avait parlé. Edward se leva, alla fermer la porte et, les mains dans les poches de son costume, fit face à son cadet avec un sourire qui devait donner à Calixte l'envie de lui donner des claques. Le genre de sourire satisfait à faire vomir.

Un sourire qui ne tarda pas à se faner lorsque Calixte prit la parole. Edward l'attendait amer, injurieux, agressif ou même colérique, mais certainement pas calme et posé. Pas un mot plus haut que l'autre, une résignation franche et par-dessus tout, de la fermeté dans les sentiments qu'il semblait parfaitement assumer. Bien sûr qu'Edward voulait lui faire des reproches mais en parlant ainsi, Calixte venait de noyer tout son beau discours à base de remontrances diverses et variées. Pris au dépourvu, Edward pinça les lèvres et resta un moment silencieux. Qu'il détestait avoir l'impression d'être moins mature que son frère... Alors il tira la chaise face au bureau de Calixte et s'y installa.

« Tu l'aimes vraiment, hein ? Cette fille... j'ai vu les photos postées par Cyrus ce week-end, ne me prend pas pour un imbécile né de la dernière pluie. Tu arrives à peine à marcher alors skier ? À moins que Cyrus ne t'ait traîner en luge comme le brave toutou qu'il est, je pense plutôt qu'il t'a servi de couverture. Arrête-moi si je me trompe... »

Edward était quelqu'un de méfiant et de futé... et par-dessus tout, il connaissait bien son petit frère. Seulement, depuis quelques temps, il le reconnaissait de moins en moins, comme si le passage à la trentaine l'avait rendu plus adulte. À moins que ça ne soit dû à autre chose...

« Depuis que tu as 15 ans, tu couches avec tout ce qui te passe à portée de main. La seule qui a su trouver grâce à tes yeux, c'est Abigail, paix à son âme. Alors la question que je me pose, c'est qu'est-ce que cette fille a de plus que les autres pour que tu sois prêt à tourner le dos à notre père ? Et ne commence pas à me dire que c'est à cause du gamin, je n'ai pas la patience de t'écouter mentir ou raconter des conneries. »

Edward aussi se trouvait étrangement calme. Les pièces du puzzle se mettaient doucement en place dans son esprit mais il manquait encore des éléments cruciaux pour qu'il puisse avoir une vision d'ensemble satisfaisante.

« Ce n'est pas un reproche, sois en sûr. Je suis simplement curieux de savoir qui est la fille qui a réussi à te faire prendre tes responsabilités. »

Edward se rendit compte que sa colère s'apaisait à mesure qu'il parlait. Il jalousait toujours autant son frère mais il commençait à comprendre que son mépris habituel ne changerait rien car Calixte avait pris la décision la plus adulte qui soit : celle de faire ce qui était juste pour lui et non pour leur père.

« Alors tu... tu vas être père, c'est ça ? En temps normal, je te traiterais bien d'idiot fini ou d'écervelé mais j'imagine que des félicitations seront plus appropriées. »

Un sourire naquit sur ses lèvres, le genre de sourire qui était suffisamment inhabituel chez Edward pour que l'on s'inquiète de son état de santé. Tout comme Calixte avait eut l'air sincèrement déterminé, son frère semblait on ne peut plus honnête lorsqu'il lui présentait ses félicitations. Honnête et terriblement triste également. Calixte réalisait son frère quand lui-même se sentait stagner dans une solitude qui le rongeait à petit feu, solitude émaillée de moments de bonheur lorsqu'il était avec Rosamund mais qu'il ne pouvait assumer pleinement par devoir familial.

« Je ne vais pas te faire de remarque car Père a déjà dû tout te dire et au fond... je n'ai pas à te faire la morale, tu es majeur. Fiche-toi de moi si tu veux, Henry, mais je préfère savoir que tu assumes ce que tu as fait plutôt que d'apprendre que tu as fait signer à cette fiche les documents que t'a donné notre père. Alors je... vais te laisser travailler. »

Il se leva d'un bond, comme s'il avait été sur un siège éjectable, et fit volte face. Envolé, le beau discours moralisateur, écrasés, les reproches... ne restaient que la tristesse et la jalousie, enveloppés dans les restes d'une fraternité unie qui avait jadis liée les deux frères. Edward aurait voulu confier à son frère ce qu'il s'était passé avec Diana, tout comme il aurait dû lui dire ce que leur père comptait lui imposer pour atténuer au mieux le scandale qui n'allait pas tarder à entacher leur nom mais au lieu de cela, il préféra la fuite.

C'était lui, le lâche, l'idiot, celui qui n'était pas capable d'assumer et qui préférait se cacher derrière de vieux principe poussiéreux.

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Dim 31 Mar - 14:59
H. Calixte Seymour
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Edward
Calixte
« we're dead to the world »


Calixte se découvrit des plus calmes, quand du bout des lèvres mais avec une assurance qu’il n’avait que trop rarement face à son frère, il prit les devants. Sans manifester la moindre satisfaction arrogante, sans moquerie, sans provocation, il saborda en quelques phrases toute la préparation de son frère aîné et lui coupa l’herbe sous le pied. Avec une maturité qu’il n’avait, encore une fois, pas affichée face à son grand frère depuis bien des années. Ainsi, Edward avait vu Papa. Ainsi, Papa lui avait parlé. Ainsi, il savait. Et bien soit. Si Calixte - à cause d’Helena, grâce à Helena plutôt - avait décidé d’assumer, d’accepter, de revendiquer sa future paternité face à son père, il était hors de question que face à son aîné, il ne se défile. Pas maintenant. Plus maintenant. Le cadet des Seymour avait beau être fatigué, épuisé, nerveux et sans la moindre envie d’avoir cette conversation maintenant ; le cadet des Seymour avait beau refuser encore de laisser partir les lambeaux de bien-être qui subsistaient de son week-end volé à l’étranger, il ne sentait que trop l’inéluctabilité de la conversation qui se profilait. Et si on pouvait le qualifier de peureux, de trouillard et froussard, Calixte refusait qu’on le traite de lâche et il refusait également donner à son frère matière à le croire dépourvu de courage.

Calme, il fixa son frère. Les mains menaçant de s’agiter de tremblements nerveux. Calme, Calixte entreprit de le rester, de contrôler l’anxiété croissante, alors que les yeux plissés, il disséquait chacune des émotions qu’Edward oubliait de supprimer. Il ne s’attendait pas à la réaction du petit frère, il ne s’attendait pas à une telle réaction. Un pincement de lèvres, Calixte ravala un sourire moqueur, se contraignit au silence ; usant des armes de son frère avec précaution. Attendant qu’il se décide à parler. Il angoissait, c’était un fait ; il appréhendait à chaque battement de coeur un peu plus ce qu’Edward allait pouvoir lui dire. Parce qu’Edward avait depuis toujours un talent indéniable pour planter des poignards dans tous les défauts des armures d’indifférence et de détachement de Calixte, pour les enfoncer dans sa poitrine jusqu’à la garde avec maîtrise et satisfaction. D’une poignée de phrases, Edward pouvait le réduire en charpie, lacérer son calme, le faire exploser et fondre en larmes. Et Calixte ne le savait que trop bien. Les yeux rivés sur son frère, il envisagea chacune des réactions possibles. Le reproche, le mépris, le dédain, les attaques basses et amères, violentes et sadiques, la critique, la culpabilisation, le...

« Tu l'aimes vraiment, hein ? Cette fille... j'ai vu les photos postées par Cyrus ce week-end, ne me prend pas pour un imbécile né de la dernière pluie. Tu arrives à peine à marcher alors skier ? À moins que Cyrus ne t'ait traîner en luge comme le brave toutou qu'il est, je pense plutôt qu'il t'a servi de couverture. Arrête-moi si je me trompe... » Tout air sembla quitter la poitrine de Calixte. Ce ne fut pas tant qu’Edward ait naturellement découvert le pot aux roses d’un week-end suisse factice qui le prit au dépourvu - a posteriori seul le contraire eut été étonnant - mais davantage… les mots employés. Tu l’aimes vraiment, hein. Calixte eut le souffle coupé. Il ne cessa pas d’être calme, mais en l’espace d’une seconde, toute l’agressivité défensive de sa position se volatilisa. Et il n’arrêta pas son frère. « Depuis que tu as 15 ans, tu couches avec tout ce qui te passe à portée de main. » Un claquement de langue, la patience et le calme de Calixte commença à se craqueler. « Edward. » Comme une mise en garde. A ne pas aller plus loin. Il connaissait l’opinion de son frère sur sa manière de vivre, de… Bref. Et il connaissait également le cul-de-sac sur lequel n’allait pas manquer de déboucher cette piste glissante, comme un point Godwin à la sauce Seymour, comme le point d’orgue de leurs conversations. Un point d’orgue amer, un prénom qu’il ne voulait pas entendre. Mais qu’Edward prononça malgré tout. « La seule qui a su trouver grâce à tes yeux, c'est Abigail, paix à son âme. » Calixte se crispa, serra les dents, s’apprêta à répéter sa mise en garde, se retint quand Edward enchaîna. « Alors la question que je me pose, c'est qu'est-ce que cette fille a de plus que les autres pour que tu sois prêt à tourner le dos à notre père ? Et ne commence pas à me dire que c'est à cause du gamin, je n'ai pas la patience de t'écouter mentir ou raconter des conneries. » Ce qui empêcha Calixte de s’énerver ? Le calme d’Edward, lui aussi dénudé de toute provocation.

Le cadet se rendit compte qu’aucun des deux frères ne semblaient, pour une fois, souhaiter l’escalade. Et se surprit à apprécier cette idée, et la perspective d’une discussion sans cri ni colère, sans y croire réellement pour autant. Ca faisait des années qu’il ne croyait plus aux contes de fée, après tout. « Ce n'est pas un reproche, sois-en sûr. Je suis simplement curieux de savoir qui est la fille qui a réussi à te faire prendre tes responsabilités. » Pas un reproche. L’impulsivité de Calixte le poussa à faire remarquer à son frère que ce serait bien la première fois, une impulsivité qu’il parvint à contrôler et à faire taire, au prix d’un silence laissant la part belle à Edward, lui offrant l’étendue du plateau sur lequel continuer à placer ses pions. En se taisant, Calixte le poussait à parler. En se taisant, Calixte lui laissait l’opportunité de prendre les devants. Messieurs les Anglais, tirez les premiers. Et s’exposait à la provocation de trop. Au mot de trop.

« Alors tu... tu vas être père, c'est ça ? En temps normal, je te traiterais bien d'idiot fini ou d'écervelé mais j'imagine que des félicitations seront plus appropriées. » Le coeur angoissé. Face à ce qu’Edward aurait dû lui dire, face à ce qu’il semblait préférer lui souhaiter. Lui offrir. Des félicitations ? Le regard de Calixte se teinta ouvertement de surprise, et au sourire d’Edward, il n’osa que répondre par un sourire, tout aussi timide, tout aussi pudique. Toujours silencieux. Trop décontenancé par la tournure d’une conversation qu’il avait pressentie bien plus… sonore. « Je ne vais pas te faire de remarque car Père a déjà dû tout te dire et au fond... je n'ai pas à te faire la morale, tu es majeur. Fiche-toi de moi si tu veux, Henry, mais je préfère savoir que tu assumes ce que tu as fait plutôt que d'apprendre que tu as fait signer à cette fille les documents que t'a donnés notre père. Alors je... vais te laisser travailler. »

Avant qu’il ne parvienne à comprendre ce que venait de lui dire Edward - avait-il rêvé ou venait-il réellement de lui dire qu’il avait fait le bon choix en s’opposant à Papa ? - son frère était déjà debout, près à partir. Dans un mouvement hésitant, avec un temps de retard, Calixte se leva à son tour, effleura le bras de son frère à défaut de pouvoir lui agripper l’épaule. « Edward ? » Pour la première fois depuis bien des années, ce fut Henry qui regarda son grand frère. « Elle me rend heureux. » Après tout, n’était-ce pas là la première question que l’aîné avait posé ? Qu’est-ce qui différenciait Pandora des autres ? Qu’est-ce qui différenciait sa relation avec Pandora de toutes celles qu’il avait pu fréquenter avant ? « Elle me pousse à donner le meilleur de moi-même, pour la mériter, pour qu’elle n’ait pas honte de moi, elle m’élève, elle me tire vers le haut. » Et pour un Henry tiré vers le bas par Cyrus, pour un Calixte qui refusait de s’investir émotionnellement, qui considérait tous et toutes ses relations d’un regard légèrement hautain, ça n’était pas rien. « Elle ne me demande pas d’être quelqu’un que je ne suis pas, elle me demande juste d’être la meilleure version de moi-même... » Une nouvelle pause, Calixte se rendit compte qu’il avait l’impression de se sentir obligé de se justifier. Et se reprit aussitôt : « Tu es en droit de me reprocher ce que Papa m’a déjà reproché, parce que… je sais... » Calixte prit une nouvelle inspiration.

« Contrairement à ce que vous semblez croire, je sais ce que… ce que ça va impliquer et ce dans quoi je m'engage. » Rester calme. Lucide. Posé. Responsable et adulte. « Mais malgré tout, je veux cet enfant, je veux être père, je veux… j'ai déjà trop sacrifié, je suis incapable de les sacrifier tous les deux. » Henry chercha dans les yeux d’Edward l'ombre d'une compréhension fraternelle. Se sentit obligé de rajouter. « Elle et moi avons décidé de le garder. Et de l'élever ensemble, comme on pourra. Je compte bien le reconnaître et tant pis s'il restera un enfant né hors mariage tant qu'il aura un père et un nom. » N'était ce au fond pas là le plus important ?

Il prit une nouvelle inspiration. Fit un pas en direction de son frère. Décida sans réfléchir de poser cartes sur table.

« Tu ne t'es pas trompé, j'étais avec elle ce week-end et non en Suisse. J'ai rencontré des parents. » Un aveu. Qui précéda une requête. « À ton tour de me dire si je me trompe : tu n'es pas venu ici uniquement pour me féliciter. A dire vrai, tu ne comptais pas le faire, n'est ce pas ? Mais maintenant qu'on a cette conversation, autant l'avoir jusqu'au bout. »

by marelle

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Dim 31 Mar - 15:00
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We're dead to the world
Edward & Calixte






Edward se sentait plus perdu et démuni que jamais. Il était venu avec l'intention égoïste et malsaine de le rabaisser, de lui rappeler qu'il n'était qu'un enfant à qui il était nécessaire d'administrer une correction d'un autre temps, il avait bombé le torse, avec répété son discours pour le contraindre à rendre les armes et à abandonner son projet fou d'élever un enfant issu d'une relation hors mariage. Seulement, force était de constater qu'Edward n'aurait pas fait cela par amour pour sa famille ou par conviction. Il l'aurait fait uniquement par jalousie. Des deux frères Seymour, c'était Calixte le plus à l'aise face aux caméras et questions des journalistes, c'était Calixte le mondain et maintenant, Calixte le futur père... Car Edward, malgré toute la mauvaise fois du monde, ne pouvait nier que son frère ferait un excellent père. Plus doux que le leur, plus attentif et affectueux que son frère mais avec la fermeté que l'on attendait d'un Seymour. Calixte touchait du bout des doigts ce que George Seymour attendait de son aîné depuis trop d'années et ça, Edward avait du mal à le supporter. Il venait tout juste de s'extraire d'un mariage stérile et avait déjà l'impression d'avoir gravit l'Himalaya alors ça ? Las de se battre avec son frère, c'était Edward qui avait rendu les armes le premier, faisant un pas timide en direction de son cadet pour engager la conversation. Après tout, c'était de cela qu'ils avaient besoin : d'une discussion posée, entre adultes ou plutôt... entre frères.

L'acidité du ton méprisant avait peu à peu laissé place à une neutralité bienvenue et, à mesure qu'il parlait, Edward sentait sa voix se teinter d'une affection fraternelle qu'il pensait depuis longtemps éteinte. C'était bien triste à dire, mais il ne se passait pas un jour sans qu'Edward ne regrette de s'être éloigné à ce point de son frère. C'était lui, qui aurait dû être son confident. Pas Helena ni Alice, pas même Rosamund, du moins sur ces questions... il aurait dû pouvoir tout dire à son frère et s'y refusait depuis trop longtemps. Si apparaître complices en public coûtait beaucoup à l'aîné rancunier, ces moments étaient aussi l'occasion pour Edward d'entrevoir ce à quoi aurait pu ressembler leur relation s'ils ne s'étaient pas à ce point éloignés : une complicité sans l'hypocrisie du devoir de représentation. S'il n'avait pas été si amer, rancunier et jaloux, Edward aurait pu concéder certaines choses à son frère mais ça, c'était trop lui demander.

Tellement lui demander qu'il fini par se lever pour fuir, incapable de savoir s'il allait pouvoir garder son calme et sa sérénité ou si ses mauvais travers n'allaient pas reprendre le dessus. Et, lorsque Calixte effleura son bras pour le retenir, Edward lui jeta un regard à la fois triste et empli de détresse. « Elle me rend heureux », lui répondit-il, et l'aîné se rendit compte à quel point ils pouvaient se ressembler. Le même besoin maladif d'exprimer leur « moi » intérieur, depuis trop longtemps bouffé par l'ambition paternelle, un besoin de reconnaissance également et surtout... l'envie d'aimer et d'être aimés en retour. L'arrogance d'un Seymour ne renfermait donc pas une coquille vide et, dans le cas d'Edward, camouflait plutôt son incapacité chronique à agir comme un être humain normal. La meilleure version de lui-même, disait Calixte ? N'était-ce pas également ce que Rosamund cherchait en Edward ? Avec elle, il réapprenait à sourire, à aimer, à respirer, et la morosité de son quotidien bien trop chargé de responsabilité lui paraissait chaque fois plus lumineuse lorsque la jeune femme était à ses côtés.

Alors c'était évident : Edward ne pouvait que comprendre ce que ressentait son frère. Ce déchaînement de sentiments, cet amour incandescent, cette passion dévorante... s'ils refusaient de l'admettre, ils étaient bel et bien le reflet déformé de l'autre. À ceci près qu'Edward n'aurait jamais pu supporter de savoir Rosamund enceinte de lui avant un hypothétique mariage. Cette tradition-là était tellement ancrée en lui qu'il aurait été prêt à la contraindre à l'avortement pour sauver un malheureux blason familial. Qu'il pouvait se sentir pitoyable, à cet instant, face à son frère qui lui faisait part de ses sentiments à l'égard de cette femme mystérieuse. Cette sincérité et cette franchise dans la voix de Calixte fit comprendre une chose à Edward : il fallait que cette femme reste dans la vie de son frère. Pas seulement parce qu'elle serait la mère de son neveu mais surtout parce qu'elle semblait avoir une influence particulièrement bénéfique sur son frère. À vrai dire, Edward n'avait pas vu son frère aussi calme et résolu dans ses propos depuis bien longtemps et cela lui avait manqué. S'il était heureux ainsi, pourquoi vouloir chercher à ruiner ce bonheur ? Parce que leur père n'approuverait pas, c'était bien là tout le problème. Raisonne ton frère, lui avait-il dit, menace-le, pousse-le à abandonner cette entreprise néfaste pour son image... mais comment aurait-il pu jouer ce rôle moralisateur alors même qu'il défendait ce droit d'aimer celle qu'il voulait ? Edward pouvait se montrer hypocrite dans bien des situations, mais pas celle-ci. Certainement pas.

Incapable de prononcer un mot à cet instant, Edward hocha la tête lorsque Calixte lui confirma qu'il ne s'était pas trompé et surtout, qu'il avait rencontré les parents de la demoiselle. C'était une avancée non négligeable, si l'on considérait qu'à l'exception des parents d'Abi, Calixte n'avait jamais pris cette peine avec qui que ce soit. Puis, il enchaîna, prenant son frère au dépourvu. Non, en effet, Edward n'était pas venu pour le féliciter mais pour le sermonner. Et pour lui annoncer l'ultimatum de leur père. Détournant le regard, Edward s'éloigna et se mit à faire les cent pas dans le bureau.

« Je n'avais pas vraiment prévu que cette conversation tournerait ainsi, en réalité... je t'envie, Henry. C'est triste à dire, surtout à mon âge, mais je suis jaloux, tu n'imagines pas à quel point. Tu côtoies la femme que tu aimes malgré les remontrances de notre père, tu vas être père à ton tour... malgré le nom des Seymour qui t'étranglera toujours un peu avec ses principes, tu as cette liberté que je n'ai pas et que je t'envie. J'ai parfaitement conscience du fait que père s'est comporté comme... comme un salaud, je ne vois pas d'autre mot, pendant des années, mais par pitié... sois heureux. Si tu ne dois me faire qu'une seule faveur, c'est celle-là. Sois heureux, élève ton enfant avec fierté et ça sera une véritable victoire sur les lois idiotes qui régissent notre famille. »

Edward marqua une pause, cessa de faire les cent pas et s'approcha à nouveau de son frère en fuyant son regard. Devait-il commencer par Diana ou les fantaisies de leur père ? Il laissa finalement le hasard décider et se lança sans réfléchir.

« Diana a rompu nos fiançailles. Et c'est de ma faute. Elle a découvert que je m'étais... rapproché d'une collègue avocate et... disons que les photos qu'elle a envoyé à père sont explicites. Ça n'aurait jamais marché avec elle, elle n'attendait que ça, finalement et... je ne lui en veux pas, mais... »

Mais quoi ? Bien sûr, qu'il ne lui en voulait pas, Diana lui avait donné l'excuse parfaite.

« Cette femme, elle aussi, elle me rend heureux. Elle sait trouver les mots justes pour faire de moi un homme meilleur, elle me remet à ma place quand j'en ai besoin, elle m'ouvre les yeux, elle... j'ai envie de la rendre heureuse à mon tour, tu comprends ? Quand je ferme les yeux, c'est avec elle que je me vois finir mes jours. Pas avec Diana, pas avec Sixtine ni avec aucune jeune fille de bonne famille choisie par père. »

Et il espérait que son frère saurait comprendre sa détresse. Ils avaient finalement tous deux la même faiblesse : celle d'aimer.

« Père n'a pas trop apprécié la plaisanterie, hier. Il m'a soutenu que nous allions ruiner la famille Seymour, que nous étions de mèche pour achever de le jeter dans la tombe... tout un laïus que tu peux imaginer, et je ne sais pas quoi faire pour qu'il accepte ma décision. Il doit probablement déjà me chercher une nouvelle « fiancée convenable », selon ses critères. »

Las, Edward se laissa tomber dans un fauteuil et leva les yeux vers son frère en quête de soutien et de réponses.

« Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu ferais, à ma place ? Tu prendrais les devants ? Je veux dire... tu la demanderais en mariage pour empêcher père d'asseoir son autorité ? Bon sang... je ne suis même pas certain qu'elle veuille se marier, et de toute manière, c'est trop tôt... »

Une chose était certaine, Calixte ne devait pas avoir déjà vu son frère aussi nerveux et désespéré. Edward était sûr de ses sentiments à l'égard de Rosamund, conscient également qu'il l'aimait depuis bien plus longtemps qu'il ne voulait bien l'admettre mais il avait pourtant le sentiment que c'était trop tôt. Trop tôt alors même que le temps jouait contre lui.

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Mer 24 Avr - 20:54
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Edward
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Le calme que Calixte éprouvait était-il une preuve supplémentaire que la décision qu’il avait prise – choisir Pandora et leur enfant aux dépens de son nom et de la fierté de Papa – était la bonne ou, bien au contraire, est-ce que cela ne montrait pas bien au contraire à quel point il était inconscient, à quel point il n’était pas capable de réfléchir correctement ? A quel point ses choix étaient déraisonnables, à quel point… Calixte inspira profondément et se concentra sur ses mots, sur ses regards, sur le calme de son cœur et de son esprit. Que voulait-il, au fond de lui ? La réponse était simple : être heureux. Et l’était-il avec Pandora ? La réponse était toute aussi évidente : oui. Oui, il était heureux quand il était dans ses bras, quand il la voyait sourire, quand il l’entendait jouer, quand ils riaient aux éclats sous une bêtise articulée par l’un ou l’autre. Oui, il était heureux quand main dans la main, ils se contentaient de remonter un chemin dans la campagne irlandaise. Oui, il était heureux quand il croisait son regard, quand il apercevait sa silhouette, quand il l’entendait arriver, quand elle lui racontait d’une voix énergique sa semaine, sa soirée, sa répétition, quand elle se recoiffait d’un geste vif, sans jamais s’arrêter de parler. Pourquoi était-elle différente de toutes les autres qui avaient pu voltiger dans sa vie sans jamais s’arrêter, sans jamais se stabiliser ? Parce qu’elle était différente, voilà tout. Unique en tout point. Elle le poussait vers le mieux sans même le lui demander, quand tant d’autres – Cyrus le premier – le tiraient constamment vers le bas. Pandora, bien au contraire, le poussait à chercher au fond de lui toutes ses qualités pour les lui montrer ; le poussait non pas à cacher ses défauts ou même à les nier, mais à les rectifier, à travailler avec acharnement pour les corriger et les rendre moins pire. Comprenait-il cela, Edward, le si parfait grand frère, le si parfait futur Duc qui voyait toujours tant et tant à reprocher à son petit frère ?

Le regard de Calixte se posa sur Edward. Toujours aussi calme, toujours aussi posé. Toujours aussi sûr de lui, d’une assurance qui le dépassait, qui lui ressemblait, qu’il ne cherchait plus à expliquer. Papa avait déjà mis les choses au clair, les propos d’Edward de leur côté… l’avaient pris au dépourvu. Et Calixte, en opposition à ces deux déclarations si différentes, choisissait maintenant d’assumer. Oui, il allait être père. Oui, Pandora et lui ne se connaissaient que depuis quelques mois à peine. Oui, il allait reconnaître son enfant, oui, il allait l’élever, d’une façon ou d’une autre. Oui, le petit allait avoir un père, et un nom. Et peu importait, vraiment, ce que pouvait en dire Edward ou Papa. Quand Calixte fit un pas en avant en direction de son frère, il laissa de côté la stupeur de tenir une conversation posée et sans agressivité avec son ennemi de toujours. Pas de comparaison, pas de jalousie pour le moment, elles n’étaient pas le sujet de la conversation. Pas d’accusation, pas de provocation, ce n’était pas utile. Ce n’était pas constructif.

Alors qu’est-ce qui l’était ? Des questions. Des aveux. Des concessions, parce pour la première fois depuis des années, les deux frères ne tentaient pas de s’écraser mais bien de communiquer. Calixte inspira, s’entendit concéder à son frère qu’il avait vu les parents de Pandora ce week-end, garda pour lui que le père de la violoncelliste s’était cantonné au rôle du fantôme, hantant la cheminée et son enfance, et inspira une nouvelle fois. Jouer carte sur table. Edward opina du chef, Calixte riva son regard dans celui de son frère, enchaîna sur l’autre certitude qu’il pouvait avoir. S’il n’avait pas assez d’énergie à gaspiller pour remettre en doute la surprenante sincérité de son frère dans ses félicitations, le cadet Seymour n’en était pas moins dupe : ça n’avait été en aucun cas la première intention d’Edward en venant le voir, de si bonne heure, avec autant d’amabilité et de prévenance. Il y avait autre chose. Et Calixte, en voyant son frère s’agiter, se fit la remarque que cette autre chose n’était pas anecdotique. Il ne se doutait juste pas à quel point.

« Je n'avais pas vraiment prévu que cette conversation tournerait ainsi, en réalité... je t'envie, Henry. C'est triste à dire, surtout à mon âge, mais je suis jaloux, tu n'imagines pas à quel point. Tu côtoies la femme que tu aimes malgré les remontrances de notre père, tu vas être père à ton tour... malgré le nom des Seymour qui t'étranglera toujours un peu avec ses principes, tu as cette liberté que je n'ai pas et que je t'envie. J'ai parfaitement conscience du fait que père s'est comporté comme... comme un salaud, je ne vois pas d'autre mot, pendant des années, mais par pitié... sois heureux. Si tu ne dois me faire qu'une seule faveur, c'est celle-là. Sois heureux, élève ton enfant avec fierté et ça sera une véritable victoire sur les lois idiotes qui régissent notre famille. »

« Pa… Pardon ? » Calixte fronça les sourcils. Etait-ce réellement ce qu’Edward avait prévu de lui dire en venant ou n’était-ce, là encore, que ce qui se cachait sous des épaisseurs de reproche et de cette jalousie dont il venait de lui dessiner les contours ? Edward se tourna vers lui, Calixte se redressa, par réflexe. « Diana a rompu nos fiançailles. » Un sourire mesquin et amusa fit son apparition l’espace d’une seconde sur les lèvres du petit frère ; son calme et sa maturité ne l’effacèrent que trop tard. « Et c'est de ma faute. Elle a découvert que je m'étais... rapproché d'une collègue avocate et... disons que les photos qu'elle a envoyé à père sont explicites. Ça n'aurait jamais marché avec elle, elle n'attendait que ça, finalement et... je ne lui en veux pas, mais... » Calixte plissa les yeux. Se retint de demander sans le moindre tact ou délicatesse si l’avocate en question était la blondasse dont la silhouette avait fuité dans la presse quelques semaines plus tôt. « Cette femme, elle aussi, elle me rend heureux. Elle sait trouver les mots justes pour faire de moi un homme meilleur, elle me remet à ma place quand j'en ai besoin, elle m'ouvre les yeux, elle... j'ai envie de la rendre heureuse à mon tour, tu comprends ? Quand je ferme les yeux, c'est avec elle que je me vois finir mes jours. Pas avec Diana, pas avec Sixtine ni avec aucune jeune fille de bonne famille choisie par père. »

Que pouvait-il faire d’autre que de garder le silence face à cette profession de foi que lui offrait Edward ? Rien. Calixte se concentra pour rester debout. Et c’était déjà bien. « Père n'a pas trop apprécié la plaisanterie, hier. Il m'a soutenu que nous allions ruiner la famille Seymour, que nous étions de mèche pour achever de le jeter dans la tombe... tout un laïus que tu peux imaginer, et je ne sais pas quoi faire pour qu'il accepte ma décision. Il doit probablement déjà me chercher une nouvelle « fiancée convenable », selon ses critères. Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu ferais, à ma place ? Tu prendrais les devants ? Je veux dire... tu la demanderais en mariage pour empêcher père d'asseoir son autorité ? Bon sang... je ne suis même pas certain qu'elle veuille se marier, et de toute manière, c'est trop tôt... »

Et bien… s’il s’attendait à ça… Edward lui posa peut-être une question directe, Calixte resta silencieux de trop nombreuses secondes, incapable de faire le point dans ses pensées. Incapable d’assimiler que non seulement, il était en train de comprendre son grand frère, mais qu’en plus de cela, Edward lui demandait conseil. Edward attendait son avis. Edward était désemparé, vulnérable, et Calixte n’avait même pas envie d’en profiter. « Je… » Calixte se pinça l’arête du nez, désigna les fauteuils, se laissa tomber dans le premier et espéra que son frère n’allait pas tarder à faire de même. « Papa est… » Calixte se prit la tête entre les mains, remonta ses doigts dans ses cheveux impeccablement coiffés pour les y perdre. Soupira. « Papa est fatigué, pour voir ainsi des complots là où n’y en a pas. » commença-t-il, d’une voix lasse et épuisée de sentir Papa perdre peu à peu son combat contre la maladie. « Je ne sais pas, Ed. » Que ne savait-il donc pas ? Tant de choses… « Soyons honnête, d’ici quelques mois, un an, peut-être deux, ce sera à toi que reviendra la responsabilité de choisir cette fiancée convenable. Et si tu penses que cette… avocate… est la bonne… » Etait-il réellement en train de conseiller à Edward ce qu’il ne se sentait pas capable de faire ? Etait-il réellement en train de conseiller à Edward de planter un couteau dans le cœur de Papa ? « Ed, tu as tout faux… » Et ce n’était même pas dit sur le ton de la moquerie ou de la provocation. « Papa n’est pas notre ennemi, Papa est juste… malade… tu n’as pas à chercher à l’empêcher d’asseoir une quelconque autorité. Tu n’as pas à agir contre lui, Ed, tu dois agir comme tu penses devoir agir. Papa nous a transmis ce qu’il devait nous transmettre, il nous a modelés, et nous faisons nos propres choix… sauf que tes choix impacteront davantage de personnes. » Calixte fit une pause, incertain sur le ton à adopter pour poursuivre.

« Papa n’a pas à accepter ta décision. Juste… accepter l’idée que nous ne sommes pas ses marionnettes et que malgré tous nos efforts, nous ne le serons jamais. Ne serait-ce que parce que nous ne sommes pas lui. Tu t’exprimes bien mieux que lui en public, tu as une meilleure connaissance que lui de tout ce qui est droit. Papa était un bien meilleur gestionnaire et politicien que nous ne le serons jamais, mais… » Une nouvelle inspiration. Et un petit rire nerveux. « Comme Pandora me l’a dit, c’est de moi dont elle est tombée amoureuse. Pas de Papa, n’en déplaise au duc de Somerset. Et toi, qui que tu épouseras, ce sera d’Edward Seymour dont elle sera la femme. Je ne vais pas te dire quoi faire, Edward, je te dis juste de… de faire un choix avec lequel ta conscience sera en paix. Et crois-moi, ce n’est pas évident de vivre avec un poids sur la conscience. »

Une nouvelle pause. Calixte planta son regard dans les yeux de son frère. « Papa n’est plus assez lucide et est bien trop inquiet pour notre avenir pour se rendre compte que quoiqu’on fasse, on le surprendra et on le décevra. Et je pense que de nous deux, celui qui a le plus de potentiel pour de décevoir, ça n’a jamais été toi. Tes choix seront certainement les plus raisonnables, les plus lucides, les plus… les mieux au regard des options qui sont déposées entre tes mains. Et ce n’est pas parce que Papa n’est pas d’accord que ce ne seront pas les choix les plus raisonnables, lucides, les meilleurs au regard des options que tu as. S’il n’est pas d’accord, ce sera peut-être juste parce qu’il aura tort. »

Non ?  

by marelle

Eddixte | We're dead to the world Empty Re: Eddixte | We're dead to the world

Dim 21 Juil - 15:30
Edward T. Seymour
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We're dead to the world
Edward & Calixte






Edward Seymour n'était pas homme à se confier. Sa vie privée relevait plus du mystère insoluble que d'autre chose, l'exact contraire de son frère, finalement. Pourtant, c'était de lui et de Rosamund, que les journaux avaient parlé récemment, pas de Calixte et de son énigmatique copine du moment. Edward avait toujours su, au fond, que cela finirait par arriver : que son frère mettrait une fille enceinte et qu'il ne saurait pas quoi faire dans une telle situation. C'était pourtant l'inverse qui s'était produit. On ignorait qui était la fille en question et Calixte avait pris tout seul la décision d'assumer cette « erreur » de parcours. Edward ne pouvait le nier, il était impressionné par son frère. Quand le cadet semblait avancer, l'aîné était paralysé par la peur et des responsabilités qu'il ne s'imaginait pas fuir maintenant. Edward ne souhaitait pas décevoir son père, mais il ne se voyait pas pour autant souffrir sa vie entière pour n'avoir pas su se révolter à temps. Alors il était perdu, le Seymour, complètement perdu. Il ne pouvait se tourner vers Rosamund dans une telle situation, ne pouvait confier cela à Anthony et finalement, il n'y avait bien que Calixte qui soit en mesure d'effleurer du bout des doigts ce que ressentait son frère. Seulement, Edward regretta de s'être confié lorsqu'il vit se dessiner sur les lèvres de son frère cet insupportable sourire satisfait à l'annonce de la rupture des fiançailles. S'il n'avait pas été calme et un brin désespéré à cet instant, Edward aurait violemment envoyer balader son frère en le sommant d'obéir à leur père, rien que pour le contrarier. Il avait cependant poursuivi sur sa lancée, évoqué Rosamund, ses sentiments, son incompréhension, leur père qui ne voulait pas bouger d'un iota... Edward avait l'impression d'être tiraillé entre un monde moderne qui souhaitait avancer et briser les traditions de l'aristocratie, et cet esprit conservateur avec lequel il avait été élevé. C'était trop dur pour lui de savoir quoi faire... et visiblement tout aussi compliqué pour son frère de savoir quoi répondre. Edward sentait sa patience s'étioler à vitesse grand V et il faillit bien dire à Calixte que ce n'était pas grave, qu'il se débrouillerait tout seul, le tout avant de sortir à grands pas en n'oubliant pas de claquer la porte derrière lui. Il se ravisa au dernier moment lorsque son frère ouvrit la bouche et s'installa dans le fauteuil qu'il lui désigna. Peut-être allaient-ils enfin avoir une véritable conversation de frère à frère et entre adultes ?


Les mots de Calixte fit grimacer Edward. Leur père n'était plus que l'ombre de celui qu'il avait été par le passé, et il n'y avait bien que sa profonde voix grave et autoritaire qui préservait encore un tant soit peu sa crédibilité. La maladie l'avait fait passer d'homme dans la force de l'âge à vieillir maigre, dégarni, à la peau grisâtre et au pas peu assuré. La maladie l'avait tout simplement fait basculer dans une forme d'humanité décharnée à laquelle il n'avait pas habitué ses enfants, et c'était une véritable souffrance de le voir ainsi s'éteindre petit à petit. Edward était certes un homme ambitieux, mais il redoutait le jour où l'on ajouterait à son nom « monsieur le Duc », car cela signifierait que son père ne serait plus. Si Edward pensait que Rosamund était la bonne ? Rarement avait-il été aussi persuadé d'une chose. Elle était bien la seule à pouvoir le faire évoluer dans le bon sens et faire de lui autre chose que la créature morose qu'il s'obstinait à être. Mais de là dire qu'il avait tout faux ? Edward fronça les sourcils, sans pour autant interrompre son frère.


Parce que Calixte était étonnamment mûr dans ses paroles, lucide comme jamais et Edward s'était attendu à tout, sauf à ça. L'ennui, c'était les contradictions auxquelles Edward s'exposait. Ne pas agir contre son père, c'était tenter de renouer avec Diana pour s'assurer que le mariage ait bien lieu, c'était dire adieu à Rosamund et c'était, surtout, faire une croix sur ses espoirs. Tandis que faire ses propres choix impliquait d'aller à l'encontre d'un bon nombre des préceptes de son père. Edward n'arrivait pas à hiérarchiser les choses et pour lui, son bonheur et celui de Rosamund arrivait en tête du classement avec « honorer papa quoi qu'il arrive ». Il savait, depuis le début, qu'il ne pourrait pas pleinement contenter leur père et être heureux. Il fallait qu'il choisisse... et si on lui parlait sans cesse d'honneur, de fierté du nom et d'autres choses remontant aux temps de la chevalerie, Edward était aussi lucide. Lorsque son père serait mort, il ne se soucierait plus de savoir avec qui ses enfants seraient mariés. Si Calixte ne prenait pas parti, il semblait pourtant conseiller à son frère d'obéir à ses sentiments plutôt qu'à la raison. Las, Edward se pris la tête entre les mains, dans un reflet parfait de son frère sans même en avoir conscience. Puis, lorsqu'il releva la tête, il accorda à son cadet un sourire bienveillant.


« Je n'aurais jamais cru que tu puisses faire preuve d'autant de sagesse. Je me sens tellement tiraillé... je ne veux pas décevoir notre père mais je n'ai pas envie de passer l'entièreté de ma vie avec des regrets. Je ne comprends pas pourquoi il s'obstine à vouloir contrôler nos vies, nous... tu l'as dit toi-même, nous sommes différent de lui, différent l'un de l'autre, c'est presque stupide de vouloir nous faire rentrer dans ce moile. »


Et pourtant, ce moule, Edward s'y était plié pendant de longues années, avant que Rosamund n'entre dans sa vie.


« J'aimerais quand même qu'il la rencontre, qu'il voit comme c'est une belle personne, qu'elle n'a pas besoin de titre... »


Pas besoin de titre pour régner sur son cœur, c'était certain.


« Tu as raison... il n'a pas à accepter nos décisions, simplement à accepter que nous sommes des êtres humains avec des envies, des ambitions de vie... On dirait qu'il craint pour son nom mais avec deux fils et un enfant à naître, je ne vois vraiment pas ce qui lui fait si peur. »


Non, vraiment, il ne voyait pas. La seule chose qu'il voyait, c'était l'amour flagrant que Calixte éprouvait, la rondeur des syllabes lorsqu'il prononçait le nom de Pandora et ce sourire qui ne quittait pas son visage. À quoi bon leur refuser d'être heureux, finalement ?


« Je crois surtout que père s'est mis en tête que si nous n'épousions pas des filles d'aristocrates, nous finirions malheureux ou avec des femmes ne visant que notre argent. Et j'ai bien peur qu'il soit particulièrement réticent à l'idée que nous cherchions à lui prouver le contraire, mais... je vais lui présenter Rosamund. »


Cette décision lui paraissait insensée et pourtant, elle était la plus raisonnable qu'il puisse envisager. Edward n'envisageait pas une seule seconde que George ou Elizabeth n'aime pas Rosamund, aveuglé qu'il était par ses propres sentiments. Et puis, comme l'avait dit Calixte, si leur père persistait à dire que ses fils avaient tort, ce serait peut-être simplement parce que lui-même avait tort. Les doigts liés sous son menton, Edward réfléchissait à la meilleure approche et, lorsqu'il fut certain que, quoi qu'il arrive, ça se passerait mal, il décida de ne pas trop y penser.


« Et toi... cette fille, Pandora, c'est celle dont tu m'avait demandé des nouvelles après ton anniversaire ? »


Ce n'était pas un nom très courant et la plupart du temps, Calixte ne donnait pas l'impression de prendre la peine de se souvenir du nom de toutes ses conquêtes.


« Tu sais si ce sera un garçon ou une fille ? »


Un potentiel héritier pour le titre, voilà qui calmerait sûrement George mais étrangement, Edward ne souhaitait pas à son futur neveu – si c'était bien un garçon – d'hériter d'une telle couronne empoisonnée. Edward se rendit d'ailleurs compte que c'était la première fois qu'il interrogeait son frère sur l'une de ses copines. En général, il ne voulait rien en savoir et la presse se chargeait déjà bien de faire le boulot. Cette fois, c'était différent. Deux frères ennemis, face à des problèmes relativement similaires, parvenant enfin à discuter sans qu'une dispute ne pointe le bout de son nez. Nul doute qu'une tempête se préparait quelque part.

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Lun 19 Aoû - 19:19
H. Calixte Seymour
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Edward
Calixte
« we're dead to the world »


La relation entre Edward et Calixte n’avait peut-être pas toujours été tendue, elle n’avait en revanche jamais été facile ou évidente. Petit, Henry admirait son grand-frère, le regardait avec de grands yeux remplis d’adoration, cherchait à reproduire ses faits et gestes, n’était en rien avare de compliments et, dans les cours de récré, ravissait ses camarades d’histoire plaçant Papa et Edward au centre de l’action, toujours avec les capes de superhéros, comme il n’y en avait que trop peu aux yeux des bambins. Petit, Henry voulait ressembler à Edward. Ce n’était qu’en grandissant que cette admiration s’était transformée en jalousie, que cette adoration s’était transformée en rancœur, que tous ces sentiments s’étaient rancis pour devenir incomestibles ; Jusqu’au jour où Henry était devenu Calixte. Refusant toute ressemblance avec son frère, avec son rival, avec cet adversaire au si trop chanceux. Pression sur les épaules, murmures soufflant des si ton frère derrière son épaule. Il avait grandi, Calixte, il avait ouvert les yeux sur la réalité du monde. La perfection d’Edward s’était lentement étiolée pour n’être qu’un agglomérat de comparaison, pour devenir une compétition. Adulte, Calixte détestait son grand-frère. Il ne voyait en lui qu’un ennemi, un poids, celui-qui-avait-tout, quelqu’un qu’il ne serait jamais capable d’égaler, puisque Papa lui-même concédait qu’Edward était l’héritier parfait, quand Calixte ne serait à jamais qu’une pâle copie, qu’une déception, qu’une cinquième roue, indispensable pour remplacer une défaillance mais qu’il était hors de question d’utiliser pour remplacer un essieu fonctionnel. Adulte, Calixte enviait Edward, à en crever. A avoir envie de le crever aussi. Et jusqu’à peu, la rancœur, c’était tout ce qu’il y avait. Une animosité corrosive. Un dégoût marqué l’un pour l’autre. Jusqu’à peu.

Parce que désormais, il y avait Pandora, désormais, il y avait d’autres contraintes et désormais, Calixte avait de bonnes raisons de ne plus tourner uniquement son regard en direction du titre ducal. Un titre qu’il n’était plus certain de convoiter tout à fait, parce qu’il y avait aujourd’hui bien plus important dans sa vie. Etrange sensation, à dire vraie, qu’il n’avait plus ressentie depuis tant d’années… depuis Abi s’il devait être honnête. Une sensation qu’il n’avait en aucun cas eu l’intention de partager avec Edward mais qui… le dépassa. Comme la situation. Comme tout le dépassait, depuis quelques mois, depuis son réveil.

Qu’Edward le soutienne, il ne s’y était pas attendu. Qu’Edward se confie… non plus. Qu’Edward lui demande conseil… encore moins. Pendant quelques secondes, le temps de chercher un sens à tout cela, Calixte garda le silence, entreprit de désigner les fauteuils pour s’y laisser tomber, entreprit de réajuster les magazines qui traînaient sur la petite table et d’empiler soigneusement blocs notes, paquets de cigarette et autres bêtises qui y traînaient, pour constituer un mur, comme un séparateur entre lui et Edward, entre lui et ce qu’Edward attendait de lui, avant de tout balayer d’un geste de la main. Des deux frères, le plus calme à cet instant n’était pas celui auquel quiconque se serait attendu. Et ça le déstabilisait. Vraiment. Pendant quelques secondes, Calixte garda le silence, le temps de réorganiser ses pensées. De se prendre la tête entre les mains, sans savoir quoi répondre, ni même par où commencer. Et finalement, lorsque sa voix lasse commença à s’élever, il retrouva ses marques. Avançant à tâtons mais avec conviction, ferme dans ce qu’il avançait, pétri de certitude ; il avait déjà réfléchi à tout ça après tout, d’une certainement manière. Parce qu’il avait été obligé d’y réfléchir quand Helena l’avait mis au pied du mur.

Il n’était pas Papa. Il ne pourrait jamais l’être. Tout comme il avait admis ne pas être Edward, tout comme il avait admis ne jamais pouvoir devenir ne serait-ce qu’un reflet déformé d’Edward. Ça, c’était des faits. Et ils pouvaient lutter contre, mais pas les changer. Edward se trompait en plaçant Papa comme un antagoniste, les seuls ennemis contre lesquels les Seymour devaient s’unir, c’étaient les mutants. Et personne d’autre. Papa n’était pas leur ennemi, juste qu’un idole à la statue fendillée, juste un vieil homme malade, juste un homme fatigué, aux abois face à un décès imminent, qui angoissait à l’idée de ne pas avoir assez transmis. Une pause, Calixte chercha le regard de son frère avant de reprendre. De poursuivre. Comme un fil de pensées qu’il n’osait désormais plus interrompre – la trêve entre les deux Seymour était trop fragile pour qu’il prenne le risque de la briser d’un silence un peu trop prolongé. Papa… il était le premier à mettre les ambitions et les désirs de Papa au cœur de sa vie, en pierre angulaire de ses décisions ; fils indigne, fils rebelle, fils décevant certes, mais fils à la loyauté indéfectible. Mais s’il était le premier à le faire, ce n’était en rien un point de vue unanime dans son entourage. Pandora, le prénom lui échappa. Il ne s’interrompit que le temps de respirer, espérant qu’il soit noyé dans le flot de paroles qu’il s’empressa d’entretenir.

En fin de compte, le conseil de Calixte pouvait se résumer en une seule et même phrase : il leur fallait grandir. A tous les deux. Prendre des décisions qui déplairaient peut-être à Papa, mais avec lesquelles ils seraient chacun à l’aise. Ne pas avoir de poids sur la conscience, ne pas s’ajouter de poids supplémentaires sur la conscience dans son cas. C’était le principal. Il y avait déjà bien trop à penser et à prendre en considération. Bien trop à… Calixte haussa les épaules. « Je n'aurais jamais cru que tu puisses faire preuve d'autant de sagesse. » Petit rire. Calixte haussa une nouvelle fois les épaules. « Il faut bien, quand le Edward joue à se comporter comme un Henry, il faut bien que le Henry tente de se comporter comme un Edward. », maxime bien connue des Seymour ; inventée sur le fil, certes, mais… « Je me sens tellement tiraillé... je ne veux pas décevoir notre père mais je n'ai pas envie de passer l'entièreté de ma vie avec des regrets. Je ne comprends pas pourquoi il s'obstine à vouloir contrôler nos vies, nous... tu l'as dit toi-même, nous sommes différents de lui, différents l'un de l'autre, c'est presque stupide de vouloir nous faire rentrer dans ce moule. » Calixte se concentra sur sa nouvelle pile de cigarettes et de post-it pour ne pas répéter que Papa était malade. Pour ne pas prendre la défense du duc de Somerset. « J'aimerais quand même qu'il la rencontre, qu'il voit comme c'est une belle personne, qu'elle n'a pas besoin de titre... » Crispation : le fragile équilibre de la tour fut rompu, tout s’effondra, arrachant à Calixte un claquement de langue agacé. Le forçant également à se réintéresser ouvertement aux propos de son frère. Qu’il la rencontre. Dire que de son côté, il était tout bonnement hors de question que Papa sache ne serait-ce que le prénom de Pandora… Le week-end tout juste écoulé s’imposa à nouveau à Calixte qui abandonna sa construction, pour se laisser retomber contre le dossier du fauteuil. « Tu as raison... il n'a pas à accepter nos décisions, simplement à accepter que nous sommes des êtres humains avec des envies, des ambitions de vie... On dirait qu'il craint pour son nom mais avec deux fils et un enfant à naître, je ne vois vraiment pas ce qui lui fait si peur. Je crois surtout que père s'est mis en tête que si nous n'épousions pas des filles d'aristocrates, nous finirions malheureux ou avec des femmes ne visant que notre argent. Et j'ai bien peur qu'il soit particulièrement réticent à l'idée que nous cherchions à lui prouver le contraire, mais... je vais lui présenter Rosamund. » Nouveau rire, rire désabusé, presqu’un ricanement moqueur, qu’elle était en train de partir loin, la sérénité de ce week-end. « Je pense qu’il a surtout peur que nous n’ayons pas les épaules pour soutenir le poids des veilleurs, Edward. N’est-ce pas évident ? » Aux yeux de Calixte, tout du moins, ça l’était. Un peu trop. « Il ne se défie pas de nous, il se défie de l’avenir, il… la perspective de nous laisser mener le navire dans une période qui s’annonce bien plus troublée que ce que son père et son grand-père ont pu connaître, je crois que c’est ça qui l’effraie, surtout. Et il aimerait que nous n’ayons pas à rester sur la défensive même dans le domaine du privé. » Après tout, lui-même n’avait toujours pas abordé la question des mutants avec Pandora.

Et il angoissait à la seule perspective de le faire. « Et toi... » Il manqua de sursauter. Et lui. Et lui donc. « Cette fille, Pandora, c'est celle dont tu m'avais demandé des nouvelles après ton anniversaire ? » Calixte se crispa, mal à l’aise face au prénom de Panda prononcé par Edward. Secret brisé, répandu. « Tu sais si ce sera un garçon ou une fille ? » Nouvelle crispation. Il était à son aise lorsqu’il s’agissait de critiquer, de se moquer, et visiblement de conseiller, mais lorsqu’il s’agissait d’entrer dans la sphère du privé… Si Calixte était prompt à parler de lui à la presse, à donner son avis sur tout et rien, quand on le lui demandait et même lorsqu’on ne le lui demandait pas, parler de l’intime… Depuis Abigaël, il n’en parlait plus. Le regard de Calixte se fit fuyant. Regret d’avoir mis entre les mains de son frère quelques informations.

« J’étais chez elle, ce week-end. » Bien évidemment, Edward l’avait déjà compris. Mais c’était une chose qu’il le comprenne de lui-même, c’en était une autre, aux yeux du petit frère, que de l’assumer. « Pour rencontrer sa mère. » Propos décousu, en contraste complet avec sa logorrhée d’un peu plus tôt. « Nous saurons à la prochaine échographie. Mais fille ou garçon, cela n’importe que peu, n’est-ce pas ? » Pli soucieux. « Papa ne l’acceptera pas davantage si c’est l’un ou l’autre. Il n’aime pas l’idée que j’aie un enfant hors mariage, que je fréquente quelqu’un depuis autant de mois sans qu’il ne le sache, il n’aime pas l’idée de perdre le contrôle de nos vies. » Des constats, de simples constats. Une nouvelle inspiration. « C’est elle oui, je… je l’ai rencontrée en… novembre. A une exposition. Elle… » Hésitation : il avait envie de tout raconter à Edward, de tout lui confier, comme lorsqu’il était plus jeune. Sauf… oh et puis zut.

Edward lui avait bien parlé de son avocate. « Elle est violoncelliste, dans un orchestre réputé. » Nouvelle hésitation, nouvelle interruption. Pourquoi ne pas aller au bout ? « Le London Symphonic Orchestra. » Et Edward faisait partie des rares à savoir à quel point la plaie n’avait en rien cicatrisé toutes ces années. « Elle est… pas très sportive, rousse, une vraie rousse. » Inutile de préciser comment il en avait eu la confirmation. « Un caractère d’irlandaise. D’ailleurs, si ça n’était pas glauque comme rapprochement, je dirais qu’elle ressemble à Alice. Elle est intelligente, extrêmement stressée de ne pas être à la hauteur des Seymour. Et… » Et… où voulait-il en venir ?

Il ne savait pas trop. Ou plutôt si. Mais ne savait pas trop comment amener la question. Dans un soupir résigné, Calixte abdiqua et se décida à aller droit au but. « Comment comptes-tu amener la question de la Veille ? Si tu comptes lui en parler. »

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