Histoire de votre personnage

Until It Sleep

Le cercueil est affreusement gros. C'est la seule réflexion qui traverse l'esprit du jeune garçon quand on emporte sa grande sœur après l'interminable messe dont il n'a pas vraiment compris grand chose. Il est gros et très laid : un noir laqué, qui lui rappelle la Batmobile. Annabelle était si petite, si jolie et si gracieuse, Byron n'est pas ravi de savoir que sa dernière demeure sera dans une boite aussi moche. Un joli bleu ciel ou un jaune pâle aurait été d'un meilleur effet. Un truc joli, avec des nuages, des arcs en ciel et des poneys, avec des photos de la nature. En plus le tombeau reste continuellement dans le noir non? Même pas une fenêtre ou une petite lampe? Annabelle n'aimait pas rester dans le noir. Il espère que ses parents ont au moins pensé à mettre une veilleuse pour qu'elle dorme sans faire des cauchemars. Ça le rassura un peu : ils y ont forcément pensé: ils aimaient trop Annabelle pour la laisser dans le noir.

Byron est confus et malheureux : il ne se fait pas à l'idée des derniers souvenirs qu'il aurait d'elle. Il ne sait pas si il était plus à l'aise devant le cadavre pâle qu'il a pu voir avant qu'ils referment le cercueil, ou avec la vision de sa chambre d’hôpital, avec tout ces tuyaux qui la traversaient de part et d'autre. Et son regard serein, si serein, mais tellement triste à la fois.
Quand on lui a dit qu'elle ne reviendrait pas, il a pleuré deux jours et deux nuits. Tour à tour dans sa chambre, et celle d'Annabelle, en secret, lové au creux du lui, en silence. Maintenant il n'arrive plus à pleurer : ça lui fait mal aux yeux et à la tête. Il est juste fatigué. Annabelle aussi doit être fatiguée de tout ce tapage. Il a hâte qu'elle puisse dormir tranquillement et que les gens arrêtent de s'affairer autour d'elle. Elle n'avait jamais aimé le trop plein d'agitation, surtout quand elle a commencé à être malade et qu'elle était rapidement fatiguée. C'était elle l’aîné, mais c'était lui qui lui tenait toujours la main pour l'aider à marcher, qui la protégeait, disaient aux gens de la laisser tranquille si elle était trop fatiguée pour partir. Il avait même essayé de faire ses devoirs à sa place : mais pleine perdue, c'était trop dur pour lui. Elle avait beaucoup rigolé en le voyant essayer de juste lire les consignes.

Avant de mourir elle lui a dit de faire attention à Papa et Maman pour elle, de veiller sur leurs autres frères et sœurs à sa place. Maman lui avait dit que c'était son rôle en tant qu’aînée, et maintenant la responsabilité tombait sur lui. Elle lui avait aussi dit qu'elle avait peur, parce que Maman et Papa se disputaient tout le temps depuis qu'elle était malade. Byron lui avait dit que ça ira mieux bientôt.

Ils sont là, avec eux. Maman lui tient la main, mais elle ne touche pas celle de Papa. Ils sont à une distance respectable, prude, et même inquiétante. Il les a entendu encore se disputer la veille. Byron n'est pas certain d'avoir tout compris : papa a reproché à maman de ne rien lui avoir dit sur une malédiction, ou un truc comme ça.  Papa a même passé les derniers mois à ausculter son cœur et à le faire voir un tas de médecin, sans vraiment lui expliquer pourquoi. Mais Byron est pas stupide : il sait que papa a peur, et que même si les médecins lui ont juré que lui et les autres sont en excellente santé, il n'est pas rassuré.

Maman est tellement triste qu'elle ne prend même pas la peine d'être haineuse pour tout les humains autour d'eux qui pleurent sa fille chérie, si jolie et si gentille. Il sait qu'elle pense que c'est une vaste mascarade. Quand ils enterrent finalement Annabelle dans un petit tombeau, il passe ses bras autour de la taille de sa mère et la serre fort, le nez dans sa robe sombre : il n'a pas envie de voir ça. Il veut bien être fort, comme tout le monde lui a dit de l'être, à devenir le meilleur grand frère possible, et a porter le nom des Saberhagen, mais cette vision là est trop dure pour lui. Sa mère le serre contre elle, juste avec la paume de sa main, en essayant de rester digne face à tout les vautours autour d'elle.

Il l'entend d'ici ruminer sa vengeance, penser à son frère mort, dont elle leur a souvent parlé. Il sait  combien c'est difficile pour elle, même si maman est un roc et que personne ne peut la faire bouger. Il comprend et il veut l'aider. Il a hâte de devenir un mutant dans un monde d'humain qui jamais ne la comprendrons. De la soutenir avec ses futurs épaules d'adultes, pour que les Saberhagen soient libres et reconnus comme des individus à part entière. Il ne comprend pas encore tout les enjeux, après tout, ce monde est vaste pour un enfant de cinq ans. mais il sait que c'est ce qu'Annabelle voulait : que maman et papa soient heureux, et qu'ils ne le seront que si si la sécurité des mutants est assurée.

Living Dead Boy

« Tsssss, encore ces maudits tatouages. » Marmonne sa mère en lisant son journal, non sans une grimace de répulsion.

Dans le canapé en face du sien, Byron se masse péniblement l'arrête du nez. Sa vision se trouble quand sa poitrine se serre avec une douleur qu'il a le déplaisir de connaître un peu trop en ce moment. Le jeune homme dégluti : il sait ce qui est en train de se passer, et il n'est pas du tout à l'aise avec le fait d'avoir sa mère en face d'elle. Encore moins quand elle est d'humeur revancharde envers les humains. Comme à chaque fois qu'il sent la tension monter et la douleur aller croissante, Byron s'ébroue légèrement la tête et essaye de se concentrer sur son smartphone. Il a le cœur au bord des lèvres et une horrible envie de vomir, mais il espère, encore et toujours que la douleur se calme aussi rapidement qu'elle était venue, et à chaque fois il était affreusement déçu.

« Leur propagande tourne vraiment à l'absurde. J'aimerai pouvoir passer une journée sans qu'on nous force à nous parquer comme des vaches à l'abattoir. »

Byron hoche la tête vivement : aussi bien parce qu'il est d'accord avec ce qu'elle dit, que parce qu'il souhaite qu'elle arrête sur le champ de lui faire la conversation. Ça ne fonctionne absolument pas.

« Il va falloir que nous parlons de ton dépistage par ailleurs. » Continue Joyce en pliant son journal avec élégance avant de s'asseoir un peu mieux en face de son fils.

« Je... C'est vraiment nécessaire? » Fit Byron en enfonçant nerveusement son téléphone dans son pantalon. « J'veux dire... » il tendit les mains en haussant les épaules avec un faux sourire « C'est bon c'est avéré : Je suis un mutant! » Fit-il avec fierté en faisant référence à ses derniers exploits. Sa mère lui sourit gentiment – une pointe de fierté maternelle dans les yeux-  avant de soupirer.

« Crois-moi : je trouve ça aussi ridicule que toi. » Elle secoue la tête. « C'est bien la preuve qu'il n'y a pas de mutant au ... » Elle n'a pas le temps de finir sa phrase que son fils a littéralement fondu sur elle pour la serrer contre lui. Il marmonne juste un bref « Je t'aime maman. » Avant de dédaler comme un lapin dans sa chambre. Joyce est habituée à l'hyperactivité de son fils, toujours très difficile à suivre. Mais il est toujours compliqué pour elle de comprendre les actions parfaitement aléatoires du jeune homme. Elle le regarda courir avec sa chambre, et compris que c'était visiblement pas le moment pour lui pour en parler.

Byron calqua la porte avec le plus de douceur possible, avec une lenteur qui pour lui était une véritable torture. Quand enfin il se sut seul, il se laissa couler sur le sol en respirant d'une voix rauque avec la plus grande difficulté. Avec les doigts tremblants, il chercha les boutons du col sa chemise pour les retirer, mais se retrouva à les déchirer avec peine. Sur le sol, retenant à peine sa tête d'embrasser le carrelage malgré la force de ses bras, il attendait avec agonie que la douleur passe.

Il entendit deux pattes inquiètes se poser sur sa main tremblante. Batman le regardait avec des yeux affolés : unique témoin de la famille du lourd secret que Byron dissimulait. Cette vision calma un peu son angoisse, assez pour qu'il lève la main pour passer ses doigts entre les oreilles du chat. Sa poitrine le serrait toujours autant, et la douleur était toujours accompagné de la vision d'une Annabelle endormie éternellement, trop petite dans l'immense cercueil qui lui avait servi de dernière demeure. Il entendit le son caractéristique de la voiture de son père qui pénétra dans l'allée du garage, assez pour le convaincre de rester ici encore un peu. Il lui faudra trouver une excuse pour sa chemise déchirée, et affronter le regard furieux de sa mère une nouvelle fois : depuis sa prime jeunesse, Byron était un expert pour faire des lambeaux de ses affaires.

Mais il ne pouvait rien dire. Pas aujourd'hui, pas demain. Ni à ses frères et sœurs, ni à sa mère, ni à personne. Cruelle ironie quand son propre toit, le seul endroit dans lequel il se sentait en sécurité, était devenu le refuge de ses pires angoisses. Mais il tiendra. Il doit tenir. Pour les Mutants et pour les Saberhagen.

Sa respiration s'éclaira naturellement après une bonne demi heure. Batman gratte la porte avec frénésie : le canapé du salon lui manque et il veut absolument présenter ses hommages à Timéo qui vient de rentrer. Byron se lève avec nonchalance, en retirant sa chemise déchiré et la tapota partout sur son front et son torse pour en retirer la sueur. Geste d'une hygiène douteuse, certes. Il enfila rapidement un tshirt pour ouvrir à Batman, et croisa juste le regard inquisiteur de son père. Byron se raidit, malgré le sourire de façade qu'il offre à son géniteur, alors que Batman se faufile entre  les jambes du médecin.

« Tu n'as rien à me dire, Byron? »

Son cerveau est littéralement en train d'appuyer sur tout les boutons d'alerte rouge, son esprit hurle 'ABANDON SHIP' et son cœur danse une gigue endiablée, mais Byron joue les ingénus en haussant les épaules avec une fausse expression d'interrogation : là tout de suite si il parle, il est certain de se mettre à vomir.

Son père lui montre une lettre, ouverte par ses soins, du Theatre Royal de Newcastle. Byron lui arrache presque des mains pour la lire. Et à la surprise de son père, il ricane de soulagement.

« Oh ça! Ah non, c'est rien, trois fois rien. »
« Une invitation pour une audition au Theatre Royal? Ce n'est pas exactement 'trois fois rien'. » Répond son père en croisant les bras d'un air suspicieux.
« Ils ont du voir mon dernier récital. » Il repli la lettre et rétorque à son père. « Non je n'irai pas, jai compris la leçon papa : d'abord mon Bachelor, ensuite ce que je veux. »

Son père hoche la tête et lui tapote paternellement le crâne. « Tu sais que je fais ça pour une bonne raison pas vrai? »
« Je sais. » Répond sobrement Byron, ce qui est assez rare pour être noté. « Et en plus je dois apprendre à utiliser ma... mutation. » Il a du mal à garder son excitation dés qu'on parle du sujet. « J'aurai l'air de quoi si je commence à me téléporter partout au milieu d'une représentation? »Il se met à rire à sa blague, pas son père. Le sujet est sensible. Byron, dans un élan d'affection digne de lui, ouvre ses bras pour les fermer autour des épaules de son père. Un geste qui sort de nul part, comme toujours avec lui, et tout aussi rapidement il lâche son paternel pour récupérer son chat et sortir dehors. Uniquement pour échappé à la question de ses devoirs qui allait franchir tôt ou tard les lèvres d'un de ses parents.