Histoire de votre personnage

Hedwige n’a jamais connu son père biologique. Elle ne connaît rien de lui, ni son nom, ni son visage, et sa mère, Marjorie, a toujours soigneusement entretenu le mystère. Il faut dire qu’Hedwige n’a jamais vraiment cherché, non plus, à savoir qui était son géniteur. Elle a toujours accepté le fait qu’il soit parti avant sa naissance, qu’il ne soit qu’un inconnu qui lui a permis de naître. Ce n’est pas vraiment quelque chose qui a impacté fortement sa vie. Ce n’est pas qu’elle s’en fiche, d’ailleurs : elle estime juste que si son père biologique est parti sans faire sa connaissance, c’est qu’il avait ses raisons. Et puisqu’elle ne peut pas comprendre ces raisons, elle ne peut pas se permettre de juger. Sa mère, en revanche, s’en est souvent voulu d’avoir choisi la mauvaise personne, d’avoir fait un enfant avec un homme instable. Le père biologique d’Hedwige cachait des secrets. Des secrets qu’il n’a jamais partagés avec Marjorie. Le père biologique d’Hedwige était un mutant, capable de voir l’avenir sur plusieurs années. Il lui suffisait de penser à une date pour que les événements marquants de cette dernière défilent dans sa tête. Ainsi, il a pu prévoir la révélation des mutants en 2012… et l’impact que ça aurait sur les gens comme lui. Le père biologique d’Hedwige n’est pas parti parce qu’il voulait éviter ses responsabilités. Il est parti pour protéger sa fille, en sachant pertinemment qu’elle serait comme lui. En partant, en disparaissant de sa vie sans laisser la moindre trace, il s’était assuré qu’Hedwige ne puisse jamais être affiliée à un autre mutant ; ce qui allait lui permettre, bien des années plus tard, de pouvoir se reposer sur un faux négatif, au dépistage, qui ne serait pas remis en question pendant quelque temps au moins.

Marjorie est restée seule avec sa fille pendant quelques années. Cinq, au total, avant de faire la rencontre de Thomas. Originaire de Londres, il avait été muté à Newcastle, là où Marjorie et Hedwige vivaient depuis toujours. La relation entre Marjorie et Thomas avait commencé doucement. Lui, avocat, avait été muté dans le cabinet où Marjorie faisait quelques heures de ménage par semaine. Il était souvent dans les locaux avant et après l’ouverture du cabinet, et c’est ainsi qu’ils ont commencé à faire connaissance, simplement. Marjorie permettait à Thomas de se détendre avant ou après le travail, par sa joie de vivre et les blagues qu’elle ne manquait jamais de raconter. Quant à Thomas, il rendait le travail de Marjorie moins pénible, en riant à ses blagues et en s’intéressant à elle. De fil en aiguille, cette relation de bureau avait fini par les conduire autour d’un verre, puis à une relation qu’ils prenaient le temps de construire. Hedwige a tout de suite aimé Thomas. Il était gentil, il était doux et il lui racontait des histoires dès qu’il venait chez elle. Il manquait un repère masculin à la petite pile électrique élevée par une mère célibataire. En acceptant d’être en couple avec Marjorie, Thomas avait accepté d’être ce repère masculin pour Hedwige. Il était devenu père malgré lui, et jamais il n’a regretté ce choix. C’est finalement dans un foyer aimant et équilibré qu’Hedwige a grandit, s’attachant à ce père adoptif qui, en se mariant avec Marjorie, avait également adopté Hedwige aux yeux de la loi. C’est bel et bien le nom de son père adoptif que la rouquine porte aujourd’hui, et depuis ses huit ans.

De son enfance, Hedwige en garde un merveilleux souvenir. Que ce soit les moments de complicité qu’elle partageait avec sa mère lorsqu’elles faisaient des activités toutes les deux, ou la relation fusionnelle qu’elle entretenait avec son père adoptif, Hedwige reconnaît aisément qu’elle a eu une belle enfance. Sans être pourrie gâtée, elle ne manquait de rien. Elle avait des amis à l’école, faisait partie des élèves moyens, et elle aimait rentrer chez elle. Une enfance stable et sécurisante, qui lui a permis de devenir une adolescente toute aussi stable, malgré ses tendances à l’hyperactivité et ses difficultés à se concentrer en cours. Déjà adolescente, Hedwige avait à cœur d’être là pour les personnes en difficultés ; elle ne laissait jamais personne dans son coin, et ne supportait pas de voir certains comportements de ses camarades, qui mettaient certaines personnes de côté parce qu’elles étaient différentes d’eux. Ainsi, arrivée au collège, Hedwige commença à se construire un cercle d’amis particulier, loin des personnes populaires de son établissement. Et cela lui plaisait, car elle avait conscience qu’elle permettait à des timides, ou à des rejetés, d’être contents de venir en cours. Sa vocation pour le social naquit très tôt, et ne fit que se renforcer avec les années. Mais l’équilibre qu’elle avait dans sa vie s’ébranla quand arriva sa quatorzième année. Thomas avait beaucoup de problème de santé, qui le conduisait régulièrement à l’hôpital, jusqu’à ce que les médecins finissent par annoncer à la famille la triste réalité : il souffrait d’un cancer du poumon, à un stade relativement avancé. Hedwige vécut cela comme une tragédie dans son existence, et la peur de perdre son père la rongeait chaque jour. Ce fut un réel choc psychologique, qu’elle avait beaucoup de mal à gérer. Ce fut à cette période qu’elle commença à faire des cauchemars : une nuit, elle se faisait tuer. Une autre, elle avait un accident de voiture mortel… Thomas essaya de lutter contre la maladie, mais elle l’emporta un an après que le diagnostic ait été posé. Hedwige en est encore profondément affectée, même si elle cache cette blessure derrière de grands sourires.

La vie continuait malgré tout. Après la mort de son mari, Marjorie n’a plus jamais été la même. Elle ne souriait plus vraiment, et elle avait arrêté de raconter des blagues. Mais elle et sa fille partageaient leur peine, et se soutenaient mutuellement dans cette période difficile. Les notes d’Hedwige chutèrent pendant quelques mois, la faisant redoubler. Personne ne l’en blâma ; ses difficultés étaient compréhensibles. Il lui fallait du temps. Il lui fallait accepter qu’il manquait une présence à la maison. Et ce fut profondément difficile pour elle, mais le deuil se fit progressivement. Après la mort de Thomas, elle commença également à consigner soigneusement dans un journal les cauchemars qu’elle faisait, et n’a pas perdu cette habitude depuis. Lorsque le choix des études supérieures s’imposa à elle, Hedwige s’orienta sans grande surprise vers un métier du secteur social et entra dans une formation pour devenir éducatrice spécialisée. Elle sortit de cette formation à 22 ans, après quatre ans d’études et s’orienta professionnellement vers l’insertion sociale et la prévention spécialisée : deux champs qui l’ont toujours beaucoup intéressé. Elle s’engagea à 23 ans dans une association locale aidant les personnes avec un profil toxicomane et sortant de cure de désintoxication à se réinsérer socialement et professionnellement, et prévenir ainsi les éventuelles rechutes. L’année de ses 23 ans fut également l’année où l’existence des mutants fut révélée au monde. Hedwige s’intéressa très vite à cette catégorie de la population, et se rendit compte d’une chose essentielle ; les mutations n’empêchaient ni l’exclusion sociale, ni les tendances addictives. Elle en arriva alors à une conclusion très simple qui rythme aujourd’hui sa vie, ses réflexions et ses actes : humains méta et humains lambda n’ont rien de très différents les uns des autres. Elle ne s’attarda alors pas plus sur la question des mutants. Si elle devait travailler avec l’un d’eux, elle le faisait de la même façon qu’avec un humain. Elle se fichait bien de savoir si la personne qu’elle aidait à reprendre sa vie en main était capable de se transformer en dragon ou non…

Hedwige continua à travailler plusieurs années au sein de l’association qui avait lancé sa carrière. Ce fut finalement l’arrivée du dépistage obligatoire qui commença à l’inquiéter. Ce dispositif ne pouvait servir, selon elle, qu’à une catégorisation de la population. Et la catégorisation mène à la discrimination, son travail le lui prouvait chaque jour. Néanmoins, lorsqu’elle reçut sa convocation, elle ne fit pas d’histoire et se présenta pour recevoir le virus ; ce n’était qu’une formalité, après tout. La réaction au virus fut minime, une légère rougeur là où elle avait été piquée. Rien d’assez alarmant pour qu’elle puisse être catégorisée mutante, cette rougeur fut surtout prise pour une réaction à l’introduction d’une aiguille dans la peau fine d’Hedwige, mais pas réellement pour une réaction au produit lui-même. On recense 10% de résultats faussés, avec cette méthode de dépistage… Hedwige fait partie de ce pourcentage de la population. Son certificat de dépistage indiqua qu’elle était humaine, et personne ne remit cela en cause. Pas même Hedwige elle-même. Après tout, elle n’avait aucun lien de filiation avec un quelconque mutant recensé, sa famille proche était humaine… Elle avait tout ce qu’il fallait pour être prise pour une simple humaine. Elle ne faisait pas le rapprochement avec ses cauchemars, qui étaient parfois semblables à des faits divers. Cauchemars qu’elle met encore aujourd’hui sur le compte d’un deuil difficile et d’un traumatisme vécu en ayant perdu son père adoptif. Comme elle en avait eu peur, le dépistage commença à créer des discriminations, et assez rapidement, l’association pour laquelle elle travaillait demandait à voir les certificats de dépistage avant d’engager un suivi social. Les mutants étaient automatiquement réorientés vers une autre structure, et Hedwige trouva cela complètement injuste. Tellement qu’elle donna sa démission quelques mois plus tard. Pendant un an, elle chercha une association qui pouvait correspondre à ses valeurs, mais ses recherches furent vaines. C’est ce qui la poussa à vouloir créer sa propre association. Une association qui aiderait en priorité des mutants défavorisés.

Elle se lança dans cette folle aventure en Avril 2016, recherchant des fonds, obtenant des autorisations indispensables, essayant de trouver un local… Elle arriva à s’entourer de collaborateurs auxquels elle faisait confiance et l’association We Are One fut officiellement ouverte en Décembre 2016. Les subventions publiques étant relativement frileuses et n’allouant à Hedwige que le strict minimum pour une association reconnue d’utilité publique, Hedwige continua à chercher des subventions privées. L’association ne compte aujourd’hui que 7 employés, si l’on compte Hedwige, pour une capacité d’accueil totale de 18 usagers, dont 4 en hébergement provisoire d’urgence, mais c’est un début et Hedwige compte bien faire prospérer cette association pour ouvrir son accès à un maximum d’usagers possible. Lorsque les tatouages firent leur apparition, il fut demandé à Hedwige « d’encourager fortement le port du tatouage pour les employés de son association » si elle voulait conserver le peu de subventions publiques qui lui étaient allouées. Elle serra la mâchoire face à cette injonction cachée, et se fit tatouer un lambda. Les travailleurs sociaux qui avaient acceptés d’embarquer avec elle dans ce projet firent de même : cinq d’entre eux portent aujourd’hui un lambda, lorsque le dernier restant porte un psi. Hedwige est formelle sur ce point ; elle est encline à engager aussi bien des humains que des mutants, seules les qualifications de ses employés comptent à ses yeux. De même, si son association a été créée dans le but d’aider en premier lieu des mutants défavorisés et/ou en rupture sociale et professionnelle, Hedwige ne demande aucune preuve lors de la constitution du dossier d’admission en tant qu’usager de l’association. Elle sait que, de toute façon, les anti-mutants éviteront de franchir la porte du local de We Are One, et que ceux qui en font la démarche en ont réellement besoin.

Les dernières nouvelles ne sont pas pour aider Hedwige dans son objectif de faire cohabiter humains et mutants paisiblement. En effet, l’annonce de l’arrivée à Killingworth d’une drogue inconnue et mortelle ne vient que renforcer le fossé qui se creuse entre mutants et humains, et cette vérité est palpable… Il suffit de suivre les informations et les déclarations du parti Be human, be proud pour s’en rendre compte. De son côté, Hedwige essaie d’agir à son échelle en faisant de la prévention au sein de son association concernant cette nouvelle drogue. Elle voudrait éviter que des usagers de We Are One se retrouvent sur la liste des cadavres laissés par ce fléau…