Dès son plus jeune âge, Edward avait eu la chance de fréquenter les théâtres, les maisons d'Opéra et autres salles de spectacle en tous genres. À défaut de l'emmener au cinéma voir le dernier Disney, ses parents lui avaient permis de découvrir Shakespeare, Molière et Racine, Purcell, Mozart et Verdi, Tchaïkovski, Stravinsky et Prokofiev. Il était loin de se plaindre de cette débauche de culture dont il s'était nourrit jusqu'à l'indigestion des années durant. Au fur et à mesure, il avait appris à sélectionner ses artistes favoris, à retourner voir certains ouvrages et à en bouder d'autres jusqu'à se faire son propre petit catalogue. Il y avait des œuvres qu'il adorait, comme les pièces de Beckett ou de Shakespeare et puis... le reste. Il y avait des choses qu'il ne comprenait pas et qui l'ennuyaient prodigieusement.

Ce soir-là, il s'était rendu au théâtre de Newcastle avec Diana, sa fiancée, à son bras. La jeune femme s'était montrée remarquablement agréable tout au long de la soirée, comme si elle cherchait à se faire pardonner leur dernière sortie ensemble, à la fin de laquelle elle avait fini complètement ivre et incohérente. Elle avait commencé par le fuir, ignorant ses messages et appels, tout ça pour finalement le rappeler, lui présenter des excuses toute faites et lui proposer de l'accompagner au théâtre pour voir le spectacle d'une jeune troupe très prometteuse, d'après ce que disait la jeune femme. Ils avaient eu de belles places, dans une loge aux fauteuils confortables où on leur avait offert une coupe de champagne. Edward n'était pas dupe. Il savait ce que ce genre d'attention signifiait : chaque établissement avait besoin de mécènes et les riches familles du pays étaient souvent sollicitées dans ce but. Il n'osait imaginer ce que les Percy devaient recevoir à chacune de leurs sorties !

Les lumières s'étaient éteintes et le spectacles avait commencé et... avec ses avis très arrêtés et son arrogance habituels, Edward avait su dès les premières minutes qu'il n'aimerait pas ce spectacle. Trop contemporain, trop moderne, une scène trop dépouillée de décors, trop de tout et pas assez de bien d'autres choses. Il aurait pourtant pu reconnaître que le texte était bien écrit, avec un juste équilibre entre le drame et la comédie, que les acteurs étaient bons, mais rien à faire. Edward avait décrété qu'il n'aimait pas ce genre de théâtre un peu trop proche de la réalité. Il avait soupiré plus d'une fois, jusqu'à ce que Diana ne lui fasse remarquer que les spectateurs les entourant le regardaient avec de plus en plus d'animosité dans le regard. Il avait croisé les bras, la jeune femme avait posé la tête sur son épaule et il s'était finalement contenté de regarder le reste du spectacle en faisant résolument la tête. Qu'il pouvait être désagréable, lorsqu'il s'y mettait...

Lorsque le spectacle fut fini, ils prirent le chemin de la sortie et, alors qu'ils descendaient tranquillement les escaliers, débriefèrent sur ce qu'ils venaient de voir

Vous exagérez, Edward. C'était un beau spectacle, original, rafraîchissant... vous voudriez de la mythologie et des démons dans chaque pièce !

Ah non, là c'est vous qui exagérez, Diana ! Franchement ! C'était plat, sans intérêt, mal joué... et puis cette comédienne aux cheveux de toutes les couleurs... on a pas idée de faire ça...

Et bien moi j'ai trouve cela très joli. Une comédienne très prometteuse, si vous voulez mon avis ! Tiens regardez ! Les artistes signent des autographes !


Edward soupira, leva les yeux au ciel et se fit malgré lui entraîner par la jeune femme vers la troupe d'artistes. Tandis que tout un groupe, composé à la fois de curieux et de journalistes, s'attroupaient autour des comédiens, Edward préféré rester en retrait et jeta un œil à sa montre. À vrai dire, il avait plus envie de rentrer chez lui que de rester là à poser sans arrêt les mêmes questions à ces comédiens. Pianotant sur son téléphone, il ne remarqua pas que la comédienne dont il avait critiqué l'extravagante couleur de cheveux était juste derrière lui.