I don't give a shit about that…

Sygin ft. Louciane

S’il y avait bien une chose que le Howard détestait, autant que les affaires internes, c’était son anniversaire.
Malheureusement, il n’était pas encore arrivé et ne risquait pas de se passer sans trop de casse. Si l’on exceptait les effets résiduels d’un empoisonnement, par un mutant auquel il collerait volontiers une balle entre les deux yeux. Personne n’était au courant de la date, au boulot, donc on ne risquait pas de lui casser les pieds à lui souhaiter. Tant mieux, ça éviterait les dommages collatéraux. Un mal pour un bien.
Puis de toute façon, arrivé à cinquante balais, il n’en avait plus à rien à faire. A son âge, une année de plus ou de moins ne faisait pas grande différence. Il en était plus à compter celles qui le séparaient de la retraite. Quoi que, ça devait être plutôt ça, qu’il détestait autant que les affaires internes, ainsi que son anniversaire. Franchement, il ne s’imaginait pas faire autre chose que son boulot. Partir à la pêche ? En rando ? Faire son jardin ? Du tricot ? Très peu pour lui. Louciane préférait encore se prendre une balle tout de suite. Ou se faire foudroyer d’une crise cardiaque. Mais quitte à choisir, il préférait encore la balle. Ça faisait moins mort de vieux schnoque…
Si les femmes peuvent bien détester qu’on leur demande leur âge, mais n’aime pas qu’on oubli le jour où elle prenne une ride de plus, à l’inverse beaucoup d’hommes s’en foutent de leur âge, mais si on pouvait zapper de souhaiter le jour de leur naissance, ils ne s’en portaient pas plus mal.

Louciane faisait partit de ces mecs là, à s’en foutre comme de ses premières chaussettes, comme de tout d’ailleurs. Surtout de se décider d’aller courir, alors que le temps se trouvait plus qu’incertain. Un peu de pluie… ce n’était pas ça qui allait l’arrêter. Il n’était pas en sucre. Puis il avait vraiment besoin de se vider la tête, après ce qu’il s’était passé avec Camden l’autre soir. Louciane n’avait même pas envie d’y repenser. Il avait joué au con. Dit des choses qu’il aurait dû taire. Fait d’autres, dont il aurait mieux fait de s’abstenir. Avoir plus de volonté. Cette nuit là, le Howard avait été tout ce que son père avait réussi à lui faire le plus détester chez les autres, mais surtout chez lui : faible. Une faiblesse à laquelle il n’aurait jamais dû céder. Et à laquelle il ne pensait plus jamais céder.

Kaisa se trouvait en vadrouille ce matin là, il ne savait trop où, en compagnie de Vane. Ce qui faisait de sacré vacances à son homologie canin. Bien que celui-ci avait autant l’air de s’ennuyer que son maître. Trois bonnes raisons pour aller s’aérer l’esprit, au lieu de tourner en rond.
Le malinois ne montrait que très rarement son enthousiasme, sauf quand il s’agissait d’aller courir le sentier du parc. Et c’était une très bonne motivation. Si le flic ne tenait pas à perdre son chien, il avait intérêt à courir. Mais surtout, à tenir la distance. Mieux qu’un coach sportif.
Par bonheur, il n’y avait pas grand monde en cette fraiche matinée. Sans doute que la grisaille du ciel, promesse de se faire peut être doucher, les avait incité à rester chez eux. Tant mieux, en un sens. Le brun n’aurait pas à composer avec les autres promeneurs et encore moins à supporter leurs regards réprobateurs, parce que son cabot cavalait sans laisse. La garder à la main ou l’attacher à la taille, c’était un coup à se faire arracher le bras, ou briser les reins. Très peu pour lui. Bien sûr, ce ne serait jamais pire que Vane et sa folie du sky jumping. Seulement Yron était encore trop jeune, et lui trop vieux, pour s’amuser à ça. Il n’était pas un cerf-volant à chien.
Celui-ci trottant devant lui, sa foulée se calla sur le rythme de la musique, sa concentration se focalisa sur son souffle, régulant son rythme cardiaque, qui lui semblait un peu fort.
L’animal doubla sans trop de peine l’homme qui se trouvait devant eux, jetant un regard par-dessus son épaule pour voir si son maître suivait. Le type était beaucoup plus jeune, au moins la trentaine, un bon physique et surtout un bon rythme. Par orgueil mal placé, Louciane allongea le pas, puis accéléra. Il mit un peu de temps, mais il parvint à le dépasser au bout de quelques mètres. C’était stupide, néanmoins il détestait avoir quelqu’un devant lui. Surtout une personne en meilleure forme, alors que son médecin commençait à lui dire de se ménager. Se ménager… Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre. L’inactivité accélère la vieillesse, il devrait en savoir quelque chose le toubib. Puis n’était pas née la personne qui l’empêcherait de vivre comme il l’entend ! Abu de cigarette ou d’alcool… il fallait bien mourir de quelque chose, comme dirait l’autre.
Se prêtant au jeu de vitesse de son humain, le chien aboya avant de s’élancer à son tour. Ça eut le mérite de dessiner un sourire en coin, sur son visage tendu par l’effort.
- « Si tu veux jouer à ça, gamin. » Qu’il lâcha à l’adresse du bestiau déjà loin, tout en sachant pertinemment qu’il ne pourrait jamais courir plus vite que lui.
Mais qui ne tente rien !
Partant en sprint, Louciane commença doucement à ravaler la distance qui le séparait d’Yron. Ses jambes le brûlaient, ça faisait bien longtemps qu’il ne s’était pas amusé à courir aussi vite, ce qui n’était généralement pas une idée très éclairée, quand on prévoit de faire quelques kilomètres. Cependant, ce ne fut pas une faiblesse musculaire à laquelle il s’attendait, qui l’arrêtait en pleine course. Une violente douleur à la poitrine le foudroya sur place, le stoppant net dans l’effort. Une grimace déforma ses traits, tandis que sa carcasse trouva appuis contre un tronc, le corps plié en deux, le souffle coupé. Le poing serré contre sa poitrine, l’autre agrippa fortement son bermuda, tentant de retrouver un rythme raisonnable dans sa respiration et ses battements. Son palpitant cognant tellement fort, que le flic avait l’impression qu’il allait s’échapper de sa cage thoracique. Ça faisait un mal de chien ! Ok, il avait songé à la crise cardiaque un peu plus tôt, seulement il ne pensait pas non plus à ce qu’elle arrive maintenant. Plutôt dans quelques années !
Ne l’entendant plus derrière lui, Yron s’arrêta à son tour, pour rebroussa chemin faisant fi de ce qui pouvait bien se trouver sur son passage, puis campa devant lui, l’air inquiet. Son maître leva une main en signe de "tout va parfaitement bien", serrant les dents le temps que ça se passe.
- « Ta gueule… Commence pas… à aboyer. Qu’il peina à articuler. Tu finiras… pas… orphelin de… suite… Laissant retomber son main, il souffla un peu bruyamment. Bordel… »
Si c’était ça de vieillir, le Howard préférait encore se prendre une balle dans la seconde.

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