Swann Weavers & D. Icare Cavendish

Je jauge ma tenue quelques instant dans le miroir de l'entrée, puis laisse la porte de l'immeuble claquer derrière moi. J'étais pas prêt à me taper le service des urgences lorsque je suis arrivé ce matin, et je dois dire que je ne m'attendais pas à être appelé en renfort de nuit la semaine dernière. Dans ce que j'en ai compris, il y a eu un grave problème lors d'une soirée de Newcastle. Mes collègues ont parlé d'une sorte d'empoisonnement général, mais j'avoue que je n'ai pas cherché à connaître la fiabilité des dires de patients. Entre ceux qui déliraient, ceux qui souffraient de grave dommages cérébraux ou ceux qui se vidaient de leur sang sans raison apparente, inutile de préciser que les jours qui ont suivit étaient éreintant. Ça, sans même mentionner les problèmes de vie privée qui me hantent.

Lorsque l'on possède une vie professionnelle, on doit savoir laisser ses problèmes à la porte du travail. Dans mon cas, je dois savoir les laisser à l'entrée de l’hôpital, et me consacrer à mon travail d'infirmier lorsque mes horaires commencent. Hors, mon problème personnel est bien au-delà du simple tatouage à l'intérieur de mon bras. Un double de moi-même que je ne contrôle pas, au caractère fondamentalement opposé au mien.

Auparavant, ses apparitions étaient gérables. Du moins, en quelques sortes. S'il se pointait, je faisais en sorte de ne pas être vu en sa présence, et lorsqu'il revenait, je tombais inconscient. Aussi, longtemps, qu'il avait été présent, ce qui en sot était bien loin d'être pratique, mais dernièrement, les choses sont différentes, et tout aussi handicapante. Depuis le problème avec Andrew Brown, la mutation de Nikola s'est répercutée sur moi, et depuis, c'est encore pire. Je ne sais plus ce que mon double fait, lorsqu'il revient, parfois, je subis quelques bribes de souvenirs, mais la plupart du temps, c'est le néant. Si bien même qu'il y a une semaine, une de mes collègues m'a dit qu'un homme – du nom de Johana apparement, j'ai supposé qu'elle n'avait rien compris à son prénom étant donné la folie qui règne aux urgences – aurait salué le « docteur Swann Weavers ». Si la dernière occupation de Sis est de se faire passer pour un docteur, je suis sérieusement mal barré. D'autant plus si tous ceux dont ils s'occupent décident de me saluer.
En clair, il est temps que je règle le problème à sa source.

Le temps frais de ce soir de Mars me fait redresser le col de ma veste, je passe la main dans mes cheveux. Je suis épuisé, mais j'ai avant tout besoin de me détendre, et de trouver un moyen de contrôler mon don. Le fait de côtoyer des mutants est loin de m'enchanter, et pourtant, je vais devoir faire abstraction de mes apprioris si je veux avoir une chance de m'en sortir avec Sis.

Un de mes collègues m'a parlé d'un bar sur Killingworth, tirant sur un Nightclub, dans lequel seuls les mutants seraient accepté sur présentation de leur tatouage. Je ne me suis jamais rendu dans un tel endroit, mais je me dis que je n'ai pas grand chose à perdre.

Trente minutes de train à la fin de mon service, dix de plus pour rentrer chez moi. M'occuper de mes chats, les nourrir, jouer avec chacun, puis manger et décider de ce que je porte et enfin me préparer pour sortir. Avec tout ça, l'heure d'ouverture du bar est dépassée de quelques heures.

Je m'arrête devant la porte du Blue Carpet, où une petite file d'attente est déjà présente. Un videur se trouve à l'entrée, je m'en approche avant de passer la main dans mes cheveux pour replacer une mèche me barrant la vue.

Je force un léger sourire, puis prends la parole, assez bas pour que lui seul m'entende. J'ignore si c'est la marche à suivre ici. Je relève la manche de ma veste, dévoile mon tatouage.

- Pour les mutants, c'est par où ?

L'homme me toise de haut en bas, puis m'indique l'emplacement, au fond du bar. Il s'efface pour me laisser passer, et aussitôt, les néons roses et bleu m'enveloppent. La chaleur ambiante glisse aussitôt sur moi, je m'avance vers l'endroit indiqué, me présente au nouveau videur pour rejoindre la pièce.

Là encore, les néons sont colorés. La musique est forte, et un imposant bar à cocktail domine la pièce.
Je me dirige vers celui-ci en me défaisant de ma veste, puis m'asseoi sur un des tabourets de bar avant de regarder la carte des boissons. Pour rester dans les bonnes habitudes, je commande un Sex on the beach. De la liqueur de pêche et de la vodka, rien de mieux pour faire sauter les barrières de timidité habituelles.

Mon verre posé devant moi, je jette un œil aux personnes présentes autour de moi. Me dire que je suis entouré de mutants est une sensation nouvelle, et quelques part, assez plaisante. Le risque que mon double face son apparition semble tout à coup bien moindre, et étrangement libérateur. Comme si je n'avais rien à craindre des personnes autour de moi. Le fait est que si tous sont doués d'une mutation, la mienne sera un phénomène de normalité. Au final, mon plus gros risque dans cet endroit est que l'on me prenne pour une fille ce qui, en soit, est plutôt habituel au vu de mon androgynie chronique.

Je porte la paille à mes lèvres pour boire une gorgée de mon cocktail, les doigts trempés par la fraîcheur accumulée en condensation autour du verre. Mon regard s'arrête sur un homme non loin de moi, au profil ô combien atypique. Pour cause, son visage est littéralement tatoué d'un crâne.

Swann Weavers & D. Icare Cavendish

La paille coincée entre les lèvres, je siffle une longue gorgée de mon cocktail, savourant la douceur sucrée et acidulée du Sex on the beach. Un goût plus pétillant et prononcé se fait sentir sur la pointe de ma langue, je crois y reconnaître du jus de cranberry, ce qui est loin de me déplaire. Le point positif de la soirée est que je ne travaille pas ce soir, aussi, si j'en viens à finir complètement ivre, gueule de bois ou pas, je n'aurais pas à la supporter pendant mes heures de travail. Et en tout honnêteté, avec la semaine que j'ai passé, me prendre une cuite ne sera pas pour me déplaire.

Choisir de me rendre dans un night-club réservé aux mutants ce soir, au-delà même de ma curiosité à découvrir l'endroit, est avant tout une ébauche de solution pour contrôler les problèmes que Sis représente dans ma vie actuelle. Une part de moi aimerais croire à la possibilité que je pourrais éventuellement rencontrer quelqu'un qui saurait résoudre mon souci d'ubiquité, mais en toute honnêteté, je doute largement de tomber sur une tiers personne qui aurait les capacité de faire décamper mon double et rétablir la situation en un claquement de doigt. D'autant que quelque part, être a ce point séparé de lui provoque quelque chose d'assez inédit et plutôt désagréable. Je vis en contact de Sis depuis mon enfance, et ressentir ses sensations comme un écho est devenu monnaie courante, si bien que lorsque nous nous dissocions ces derniers temps, une part de moi semble s'emplir de vide.
Au final, je risque fortement de terminer ma soirée en noyant mes inquiétudes dans l'alcool, ou dans le lit d'un inconnu. Ca ne me ferais probablement pas de mal. Le dernier en date, Rory ou Harry peu importe, remonte à janvier. Ça, sans même parler de son retour express le temps d'une nuit mi-février. Avant que je ne le dégage à nouveau, principalement parce que malgré les semaines passées, il me soûlait toujours autant que lorsque je l'ai quitté.

Je sursaute en remarquant que la personne sur qui mon regard s'est attardé un peu plus tôt me fait un signe de la main, et me sens griser en comprenant que depuis toute à l'heure je suis en train de le fixer, bien que  mes pensées soient totalement ailleurs. Une part de moi remercie les néons roses de la boite de nuit, autrement je suis quasiment certain que je vire au cramoisi en entendant sa phrase.

J'ai l'habitude de me faire draguer, et j'ai tout autant l'habitude de draguer moi-même. Qu'on me prenne pour une femme ou homme, ce n'est vraiment pas rare que j'ai droit a des flatteries, mais pour ainsi dire, être abordé par quelqu'un avec une apparence aussi troublante est une véritable première.
Je n'ai jamais eu de genre particulier. Du moins, si tant est qu'on parte du principe que la beauté est subjective, et qu'on ne puisse pas coché la case « beau » dans les attirances. Je ne suis pas attiré par les laiderons et les minets plus jeunes que moi, ou de mon âge directement. Qu'il s'agisse de type bedonnant, avec un faciès peu attrayant, ou de gamins qui ont l'air de sortir de la dernière boite à la mode... Ça ne m'intéresse pas. Je suis attiré par les hommes, les hommes beaux, et très souvent plus âgé que moi. Ça s'est vérifié avec Jared, j'ai continué sur ma lancé par la suite.

Celui que j'ai en face de moi, en l’occurrence, est bien plus qu'atypique que tout ceux auquel j'ai déjà pu être confronté en matière de physique, et possède quelque chose de plutôt impressionnant, pour ne pas dire intimidant. Les tatouages qu'il abhorre y sont potentiellement pour quelque chose dans le charisme qu'il dégage ; mais pour autant que je sois exigeant, il faudrait que j'ai les yeux crever pour penser qu'il est laid.
Mes lèvres s'étendent en un sourire, je passe la main dans mes cheveux avant de me pencher un peu vers lui, principalement pour me faire entendre par dessus le vacarme qui règne dans le Blue Carpet.

- Je pensais avoir été plus discret – j'accompagne ma phrase d'un rire, lui temps la main comme pour me présenter – je m'appelle Swann. Tu viens souvent ici ?

J'attrape mon cocktail pour avaler une nouvelle gorgée, lui souris plus largement, détaillant au passage les multiples tatouage sur son visage. Est-ce qu'ils auraient un rapport avec sa mutation ? J'ai déjà croisé bon nombre de personnes tatouées, bien plus que le simple caractère destiné à nous marquer comme des bovins évidemment.Cependant, cet inconnu suscite mon attention. Enfin, j'imagine que ça doit être monnaie courante pour quelqu'un comme lui.