Don’t tell me what to do, nor how…

Johanna ft. Louciane

Trois jours… Exactement soixante douze heures et cinq minutes. Ce fut là tout le temps que le personnel soignant avait put garder le Sergent-détective Howard à l'hôpital. Un exploit… Les cinq minutes étant le temps de négociation, qu’il avait accordé son médecin. Cinq minutes surtout pour jeter ses affaires dans son sac et s’en aller.
Il serait partit dès le premier jour, si on ne l'avait pas sédaté contre son gré, lorsqu'il y avait été amené. Il faut dire que sa fille ne lui avait pas laissé trop le choix. Le deuxième jour, ce fut la douleur qui l'avait quelque peu empêché de franchir les portes, bien que ce ne fût pas l'envie qui lui en avait manqué. Le troisième jour, l'homme pliait bagage dans la journée, jurant ses grands dieux - auxquels il ne croyait pas de toute façon - qu'aucun mutant ne poserait ses pattes sur lui pour le soigner. Qu'il en porte des cicatrices à vie, il s'en fichait bien. Une de plus, une de moins… Si les Percy souhaitaient jouer les lèches botes avec les Cavendish, il ne les retenait pas. Mais il ne fallait pas demander à un Howard d'être concilient vis à vis de ça. Entre les deux familles, ça avait toujours été comme chien et chat. Les Howard trouvant dangereux qu'une famille aussi puissante de mutant, puisse connaitre l'existence des Veilleurs.
La défiance envers eux, se trouvait sans nul doute être un des seuls traits de son éducation les plus profondément ancré, qu'il serait impossible à déloger. Ça et être un très mauvais patient… Louciane détestait les hôpitaux, aussi sûrement que feu son père exécrait les mutants. Au cours de sa carrière, le flic ne comptait plus le nombre de fois où il y avait séjourné et passé sur le billard. Où il avait rendu visite à ses collègues, blessés sur intervention. Où il avait aussi apprit qu'ils n'avaient pas survécus… Les seules fois où il rentrait sciemment dans cet endroit de mort, c'était pour rendre visite à sa fille. Et ce n'était pas très souvent. Voir rarement. Surtout en ce moment…

Le lendemain, l'agent du CDI était déjà fidèle au poste, lisant comme tout le monde, des les journaux, le nombre de victime qu'avait fait le Poison Prince.
Tout ça pour rien… Cinq morts de plus, et toujours aucune piste, aucune description physique. Rien qui ne pourrait orienter l'enquête. Bien que Louciane ait une certaine conviction que ce mutant de malheur puisse être une mutante. Le gène ne devait pas faire grand cas du sexe lorsqu'il déclarait la mutation, cependant le poison avait été depuis toujours imputé aux femmes. Puis il n'y avait pas que ça. Le mode opératoire ressemblait bien plus à celui d'une femme. Après, il pouvait encore se tromper. Il s'était bien trompé sur sa façon d'agir avant la fête et pendant la fête. Cependant, il ne devait négliger aucune piste. Comme il ne devait pas non plus négliger son comportement au boulot. Ce qui était loin d'être facile.
L'attaque du Poison Prince avait profondément marqué son esprit, comme sa chair. Les lésions ne touchaient pas que ses mains - là où elles s'étaient déclarées en premier - mais également son visage, pour le plus visible. Mais elles s’étendaient également sur le reste de son corps. S'il n'y avait eut que la douleur à surmonter, ça aurait été supportable, hélas, le seul contact de ses vêtements lui était insupportables. Les moindres frottements dans ses mouvements, les moindres contacts… Ca le rendait aussi irritable que sa peau ne le grattait, ou ne le brûlait. Duncan avait bien tenté de le renvoyer chez lui, seulement les effectifs manquait terriblement au sein des forces de police. Puis cela avait aussi donné lieu à une violente dispute entre les deux hommes.

Néanmoins, ce n'était pas ce qui le conduisait ce matin jusqu'à Newcastle, dans ce qu'il appelait le nid des gradés. Ses prises de bec avec son supérieur étaient monnaies courantes, et plus personne n'y faisait attention car l'Inspecteur-détective savait parfaitement gérer son subordonné. Le problème résidait dans le seul nom de Tomasson. Lorsqu'il avait le malheur de rajouter son grain de sel, tout partait en vrille. Et si Duncan avait réussi à gérer les choses jusque maintenant, le matin de son retour, tout avait dégénéré.
Se faire convoquer pour coup et blessure sur un de ses paires, ce n'était pas une première fois. Sur un supérieur, jusqu'à maintenant Louciane avait été assez intelligent pour ne pas déraper et se maitriser. Que risquerait-il ? Une suspension de quelques jours ? Une retenue de salaire ? L'autre pomme avait juste un œil au beurre noir, pas une mâchoire cassée… Remarque, si ça pouvait lui faire fermer son claque merde une bonne fois pour toute, il aurait dû viser plus bas…

Ils avaient rendez-vous avec une certaine Johanna Von quelque chose. Encore une bureaucrate de malheur avec un nom tellement pédant, qu'elle devait sortir en bouquet, à chaque passage sur le trône. Surintendant en chef qui plus est. Son propre supérieur c'était débiné en n'étant même pas présent. La belle affaire. Déjà qu'il se faisait emmerder toute la sainte journée par un connard arriviste, qui n'était même pas de son unité, voilà qu'il allait se faire tirer les oreilles par un agent n'appartenant pas au CDI. Fallait pas compter sur le fait qu'il soit très attentif. Il n'avait aucun compte à leur rendre…
Du fameux Surintendant en chef, le Howard ne connaissait que ce nom. Pour le reste, il avait bien d'autres chats à fouetter, que de connaitre les pontes des autres corps de métier. Il avait déjà connaissance de ceux se trouvant au dessus de lui. Pour les autres, il ne fallait pas trop en demander.
Entrant dans le bâtiment d'un pas raide, Louciane alla se présenter à l'accueil avec le plus mauvaise des volontés du monde.
- « Bonjour. Sergent-détective Howard, du CID, et… son regard se planta sur l'homme d'âge mur, qui avait eut la prévenance et surtout l'intelligence, de se tenir à distance respectable de lui… Inspecteur Tomasson, du poste de police de Killingworth. Nous avons rendez vous avec un Surintendant en chef. Von Schu… il tenta de retrouver ce foutu nom imprononçable, mais ne fit pas plus d'effort que ça… machin chose… Bref, vous ne devez pas avoir trente six personnes de ce grade, avec un nom à rallonge.
L'agent leva alors vers lui un regard à la fois agacé et méprisant, face à ce non respect notoire pour un supérieur, dont l'homme en face d'elle venait de faire preuve.
- Von Schürmann. Qu'elle rectifia sèchement. Je vais prévenir que vous êtes arrivé. »
Lui indiquant ensuite l'étage, ainsi que le chemin à suivre, Louciane la remercia plus pour la forme que par politesses, puis s'engagea dans le couloir. Et dire qu'il avait fait la morale à Camden au sujet de se renseigner sur ceux avec qui on avait rendez vous… A la différence, c'est qu'il connaissait et estimait Duncan. Tomasson, valait mieux savoir de qui il s'agissait, pour le simple fait de ne pas s'y attarder. Pour ce qui était de celle qu'ils allaient voir, sans doute y aurait-il apporté plus de crédit, si son grade avait contenu le mot "détective". Et d'ailleurs, il n'aurait même pas eut besoin de se fatiguer à retenir son nom, car il aurait su qui il allait avoir en face de lui.

Voyant le supérieur se diriger vers l'ascenseur, Louciane lui prit la direction des escaliers. Quelque soit le nombre d'étage, il avait une sainte horreur de ces boites de conserve mouvante. Surtout en compagnie d'une personne dont il avait envie de refaire le portrait. Peut être qu'en ressemblant à un panda il paraitrait moins connard qu'il ne l'était maintenant.
Arrivé à l'étage, son regard balaya sommairement la pièce, ne s'attardant pas une seule seconde sur ceux qui les dévisageaient. Il est vrai que deux gonzes qui débarquent avec la gueule de travers, ça a toujours son effet. Tirant une chaise du bout du pied, le Sergent-détective s'y installa comme un gamin rebelle, boudant tout ce qui l'entourait. En particulier ce supérieur un peu trop zélé, demeurant droit comme piquet. Ça se voyait qu'il avait sa place ici, dans ces bureaux, se pavanant comme un coq avec son grade supérieur. Le Howard préférait encore supporter des types comme lui, et pouvoir s'échapper sur le terrain, que de monter de niveau et de rester coincer ici. Derrière un bureau, la brioche naissant sous sa chemise, étranglé par une cravate - vulgaire extension phallique destinée à finir le bout trempé dans le café du matin - des carreaux vissés sur le tarin, protégeant des mirettes bien trop abîmés par le papier et l'écran, et les doigts bien plus engourdit par le poids du stylo, cornés par la paperasserie, que par le poids de son arme. Il préférait encore la redingote en sapin que de finir comme ça.
L'humeur du flic n'était pas au beau fixe, et le fait d'attendre ce fichu rendez vous ne l'aidait pas à être plus avenant.

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